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Politique générale - libéralisme vs "care"

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Berserk
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Politique générale - libéralisme vs "care"

Messagepar Berserk » dim. 06 juin 2010, 11:12

Voici un article de rue 89 comprenant un entretien avec François Ewald, qui m'a semblé intéressant pour réfléchir sur notre position dans l'échiquier politique et se tenir au courant des idées qui circulent dans les partis politiques majoritaires.

http://www.rue89.com/entretien/2010/06/ ... ent-153682

Le « care », au départ, est une réponse féministe à la théorie de la justice de John Rawls, axée sur la valorisation de l'autonomie de l'individu. Le care valorise au contraire le soin apporté aux plus vulnérables, leur prise en charge. Il tient compte, comme d'une simple réalité, des rapports de dépendance entre les êtres humains. Et il remet donc en cause l'utopie libérale selon laquelle l'autonomie serait l'objectif à atteindre pour tous. Le « care » est, selon les mots d'Ewald, une « tentative de maintenir un peu d'humanité dans un individualisme déshumanisé ».

Mais Ewald doute de la capacité du PS à porter cette idée de « care » qui, selon lui, est « complètement contraire » à l'idéologie de l'égalité socialiste.


J'ai été sensible à cette notion de care, étant donné que je passe plusieurs journées par semaine avec des handicapés mentaux, des autistes, des trisomiques et des déficients intellectuels, dans le cadre de mes études et d'un engagement associatif dans le domaine médico-social.
En effet j'ai été frappé par l'importance de la prise en charge et des soins que l'on peut apporter à ces personnes pour qu'elles puissent accéder à un début d'autonomie, tout en étant confronté à la réalité de leurs pathologies : certains ne deviendront jamais autonomes et dépériraient sans prise en charge.
Ce sont des personnes dépendantes, qui ne pourront jamais être libres dans le sens de la doctrine libérale, car ils auront toujours des besoins vitaux ou existentiels qu'ils ne pourront jamais satisfaire seuls.

En revanche les personnes handicapées ou dépendantes ont accès à une forme de liberté qui va avec le développement de leur personnalité, leur épanouissement personnel et la conscience progressive qu'ils peuvent acquérir du monde qui les entoure. Il y a souvent une forme de désinhibition sociale chez eux qui quelque part donne l'impression d'une grande liberté que je leur envie parfois. Ils mènent une existence avec moins de contraintes, moins d'obligations provenant de la société, qui sont compensées certes par d'importantes contraintes internes, de souffrance et de frustration.

Mais cette prise en charge n'est pas la même dans tous les pays. En France nous avons des institutions de solidarité et un système social qui prennent en charge la dépendance de manière particulièrement fiable. Notre système social a été mis en place par le Conseil National de la Résistance après la guerre, sous inspiration marxiste et collectiviste, mais également libérale.

Or, que ce soit le communisme ou le libéralisme, ces idéologies datent tellement qu'elles se sont organisées sous formes de dogmes, souvent concurrents, et les idées qu'elles véhiculent sont devenues de plus en plus abstraites, au point de se rapprocher de la théologie et de la morale religieuse qu'elles avaient pourtant condamnées explicitement.

Le Parti Pirate, depuis son émergence en 2006, est naturellement l'héritier de ces idéologies qui fondent son vocabulaire, ses valeurs et sa manière de penser.
Mais sur le plan économique, nos propositions sont autant éloignées de l'autonomie individuelle des libéraux que de la dictature du prolétariat marxiste.
En effet, nos propositions interviennent dans un contexte très différent de celui du 19ème siècle, et si nous pouvons parler de protection des libertés fondamentales et de conflits socio-économiques, nous ne pouvons plus nous réclamer du libéralisme ou du marxisme, car notre contexte est celui du glissement de la société de consommation vers la Révolution de la société de l'information.

Le "care" est peut-être juste un effet d'annonce ou une mode idéologique. Néanmoins il oppose au libéralisme, qui est une position majoritaire dominante au sein du PS et de l'UMP, une vision de l'individu en interdépendance avec les autres êtres humains, dans une société fraternelle et solidaire.

Au Parti Pirate, je ne pense pas que nous devrions reprendre le terme de "care" en tant que tel. Mais cela devrait nous faire réfléchir et nous inciter à penser aux conséquences sociales de notre programme économique.
En effet, la réforme du droit d'auteur et la libre circulation des savoirs scientifiques que nous proposons sont des propositions économiques qui visent à diriger notre société vers de nouveaux modes de rémunération de la création. Mais ces propositions ont des conséquences sociales, c'est à dire la prise en charge de l'accès à la culture, à l'éducation et à la technologie par la collectivité pour tous ceux qui n'ont pas les moyens de payer plus qu'un accès Internet à 360 euros par an pour accéder pleinement à la société de l'information, sa culture et sa diversité.

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Re: Politique générale - libéralisme vs "care"

Messagepar Sims » dim. 06 juin 2010, 11:27

C'est effectivement un débat intéressant.

Mais ça pose la question suivante:
Le "care"est un peu une dissimulation de ce qu'on appelle "solidarité" (faut pas se le cacher).
Quel serais donc la meilleure approche?
Solidarité forcée ou charité volontaire?

P.S.: De la à dire que l'UMPS soit libéral, j'en veut des preuves.
Les (nouvelles) taxes suivantes prouvent le contraire:
Taxe pour le RSA (entre 1 et 2 milliards)
Taxe sur les assurances et les mutuelles (1 milliard)
Taxe sur l’intéressement et la participation (400 millions)
Taxe sur les stock-options (250 millions)
Franchises médicales (850 millions)
Hausse des cotisations retraite (150 millions)
Taxe sur la publicité des chaînes privées (incalculable)
Taxe sur les compagnies pétrolières (150 millions)
Taxe pour financer la prime à la cuve (100 millions)
Taxe sur les ordinateurs (50 millions)
Taxe pour copie privée des disques durs externes et clés USB (167 millions)
Taxe sur le poisson (80 millions)
Taxe sur les huiles moteurs (44 € par tonne de lubrifiant)
Taxe sur les imprimés publicitaires (incalculable)
Hausse de la redevance télévision (20 millions)
Contribution exceptionnelle (exceptionnellement reconduite chaque année depuis… 1991) sur les ventes en gros de produits pharmaceutiques (50 millions)
Taxe sur la téléphonie et internet (80 millions minimum)
Taxe sur les grosses cylindrées (malus auto annualisé : 160 € par an par auto)

ça, plus les lois de contrôle de ci et de ça (Hadopi et Loppsi pour ne citer qu'eux).
Les innovations sont presque toujours le fait d'explorateurs individuels ou de petits groupes, et presque jamais celui de bureaucraties importantes et hautement structurées
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Berserk
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Re: Politique générale - libéralisme vs "care"

Messagepar Berserk » dim. 06 juin 2010, 12:16

Quel serais donc la meilleure approche?
Solidarité forcée ou charité volontaire?


En tout cas, la charité ne correspond pas à l'exigence d'une société française laïque, puisqu'elle repose sur des principes religieux et moraux qui nous ramèneraient aux moeurs familiales bien pensantes de la société bourgeoise du 18ème siècle, où on internait dans les hôpitaux les chômeurs, les homosexuels, les fous, les libertins, etc, tout ça par charité bien sûr. (cf Foucault)

Du reste il faut bien différencier les idéologies qui sont dominantes dans les partis majoritaires, comme le libéralisme, de la pratique du pouvoir politique par ces partis, qui ne se limite heureusement pas à l'idéologie, mais est conditionnée par les contextes sociaux et par l'histoire de notre pays.
Je maintiens donc ma position selon laquelle le libéralisme est dominant à l'UMP et au PS, mais je suis prêt à écouter tous les arguments contraires.
Dernière édition par Berserk le dim. 06 juin 2010, 21:20, édité 1 fois.

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Re: Politique générale - libéralisme vs "care"

Messagepar Sims » dim. 06 juin 2010, 12:19

Berserk a écrit :
Quel serais donc la meilleure approche?
Solidarité forcée ou charité volontaire?


En tout cas, la charité ne correspond pas à l'exigence d'une société française laïque, puisqu'elle repose sur des principes religieux et moraux qui nous ramèneraient aux moeurs familiales bien pensantes de la société bourgeoise du 18ème siècle, où on internait dans les hôpitaux les chômeurs, les homosexuels, les fous, les libertins, etc, tout ça par charité bien sûr. (cf Foucault)


On joue sur les mots :( . J'ai employé un autre terme pour éviter la redondance avec "solidarité".
Les innovations sont presque toujours le fait d'explorateurs individuels ou de petits groupes, et presque jamais celui de bureaucraties importantes et hautement structurées
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Berserk
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Re: Politique générale - libéralisme vs "care"

Messagepar Berserk » dim. 06 juin 2010, 21:07

En utilisant les termes "solidarité forcée" et "charité volontaire", je trouve que pour le coup tu as choisi tes mots d'une manière particulièrement connotée.

Par définition, la solidarité ne peut être forcée dans un État démocratique. La solidarité peut être organisée par l'État, ou elle peut être laissée à la bonne volonté des familles (on se rapproche de la charité), mais elle ne peut pas être forcée, à moins de considérer toute organisation politique même légitime comme une contrainte.

Charité et solidarité ne sont pas synonymes parce que ces mots ont un sens dans un contexte historique, idéologique et politique. Ils ne concernent ni les mêmes personnes ni les mêmes époques.

Pour répondre à ta question, solidarité organisée ou volontaire, je dirais les deux mon capitaine.

Il y a 12 millions de personnes handicapées en France, soit 26% de la population. Sans solidarité organisée, il ne serait pas possible de réunir les conditions nécessaires à la prise en charge de ces personnes, et parfois leur simple survie. Nous avons des besoins très importants en soins médico-sociaux, en hébergement, en éducation et en prise en charge thérapeutique, qui ne peuvent pas dépendre de la bonne volonté ou de la charité de quelques individus.
C'est une question d'éthique.

Une fois que ces fondamentaux sont assurés et organisés par la collectivité, pourquoi pas un appel à la générosité, ou même une participation des contributeurs fiscaux plus active. Je pense à des outils qui permettraient aux citoyens de contrôler l'utilisation de leur argent, par exemple en leur donnant le choix entre différentes affectations, de manière à rendre cette solidarité organisée plus participative, pour lui donner un sens qui se rapproche d'avantage d'un investissement dans la collectivité, l'État et les services publics, dont tous ceux qui payent des impôts profitent largement.

Le système de charité volontaire a été expérimenté au cours de notre histoire, et en fait c'était même le premier système de solidarité organisée, sauf que là c'était l'Église qui organisait la collecte de l'argent et la mise en œuvre de la charité, avec l'aide la plupart du temps du pouvoir royal, comme pour la création de l'hôpital général au 17ème siècle, après quoi 1% de la population de Paris a été enfermée.

Je suis partisan de la conservation du domaine public et de l'action de l'État démocratique pour réguler les instincts de possession des individus.
La construction de l'État a été un processus très long qui a donné un sens à l'histoire et à l'identité de notre pays. Je trouve très dangereuse la tendance des libéraux à vouloir supprimer l'État pour des idéaux utopistes. Nous ne sommes pas seulement des individus, nous sommes des individus qui vivent en société.

Par exemple, on retrouve ce même problème dans le traitement ultra-libéral du handicap par l'Europe. Il y a actuellement un projet de directive sur les discriminations qui est bloqué au Conseil par une pétition de plus de 1 million de personnes qui souhaitent une directive spécifique sur le handicap.
Le contenu de ces éventuelles directives pose problème, car sous prétexte de libérer les handicapés des discriminations, on se propose de les scolariser "normalement" pour favoriser leur insertion sociale. C'est un objectif louable et plein de bons sentiments, mais malheureusement coupé de la réalité de certaines pathologies comme le handicap mental, qui nécessitent des infrastructures, des personnels formés et des équipes pluridisciplinaires qui n'existent pas dans les établissements de l'Éducation nationale. Sous prétexte de lutter contre les discriminations, certains risquent de se voir priver des soins dont ils ont besoin, même si la possibilité d'une scolarisation "normale" mais adaptée doit exister et d'ailleurs existe déjà.

Après, je pense que les impôts ne sont pas suffisants, ni la "solidarité" dans son ensemble. Il nous faut une économie dynamique et de la croissance pour financer nos dépenses sociales. Sans un investissement massif dans l'innovation, la culture, la science, toutes ces valeurs qui font la force des français, je ne pense vraiment pas que le recul du départ à la retraite (= payer des impôts plus longtemps) serve à quoi que ce soit en ce qui concerne le financement de nos services publics et de notre solidarité nationale.

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Re: Politique générale - libéralisme vs "care"

Messagepar daniel » sam. 03 juil. 2010, 02:25

Berserk a écrit :
Quel serais donc la meilleure approche?
Solidarité forcée ou charité volontaire?


En tout cas, la charité ne correspond pas à l'exigence d'une société française laïque, puisqu'elle repose sur des principes religieux et moraux qui nous ramèneraient aux moeurs familiales bien pensantes de la société bourgeoise du 18ème siècle, où on internait dans les hôpitaux les chômeurs, les homosexuels, les fous, les libertins, etc, tout ça par charité bien sûr. (cf Foucault)

La charité n'est pas un principe religieux ou moral, c'est un trait universel du comportement social humain. La charité n'est pas un comportement désintéressé car elle permet d'améliorer le statut social du donneur.

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Re: Politique générale - libéralisme vs "care"

Messagepar Rackham » mar. 06 juil. 2010, 14:16

Charité ? C'est connoté.

Parle d'altruisme, au moins ça a une base éthologique solide.
Retiré sur son île pour cultiver ses orchidées, draguer les mecs, et manger du popcorn en profitant du spectacle. N'a pas de temps à perdre avec la novlangue, la démagogie, et l'oligarchie expérimentale, même amendée.
Aussi membre du PPS, section Fribourg • Identica @rackham • touiteur @rackham_PP

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Re: Politique générale - libéralisme vs "care"

Messagepar Vouze » mar. 06 juil. 2010, 19:48

Tout ça c'est beaucoup de prise de tête pour pas grand chose.

Tout ce dont vous parlez, c'est de l'opposition classique entre l'état-providence (avec secu sociale : c'est à dire que l'état pensionne les retraites, le chômage, et rembourse les soins médicaux) et l'état-gendarme cantonné à ses fonctions régalienne (vision libérale).

http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tat-providence

La question qui est derrière : quel doit être le rôle de l'état ? Est-il légitime qu'il s'occupe de la sécurité sociale ?

Aux USA, les bases de la sécurité sociale ont été lancé après la crise de 1929. La crise financière a complétement ruiné les retraités, et fait monter le chômage. Les limites du libéralisme sont clairement apparus, mais il n'était pas très humain d'appliquer le libéralisme à l'extrême, en laissant mourir les retraités, les chômeurs et les malades.

Mais la santé et l'éducation peuvent être aussi considérés comme un bien public : quand un employeur embauche n'importe qui, il peut légitimement penser qu'il est vacciné et sait lire et compter.


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