pers a écrit :Quant à la liberté, le mouvement Pirate n'a jamais été libertarien (ce qui est d'ailleurs une forme de réaction). Nombre de nos propositions supposent une intervention de l'État (et d'organismes indépendants, sous contrôle démocratiques, à l'échelle internationale) ; nous remettons certes en question la légitimité dudit État, mais jamais son existence ni sa nécessité. Et en général, nous appelons plutôt à rétablir l'équilibre "main gauche/main droite" de l'État, comme disait Bourdieu, qu'à continuer la politique actuelle qui favorise systématiquement la "main droite" (autorité/répression) au détriment de la main gauche (soutien/protection).
Sous contrôle démocratique à l'échelle internationale ? Je n'ai rien contre une précision par ce qu'on n'a aucune forme de démocratie internationale à l'heure actuelle.
Sinon, rétablir l'équilibre main gauche main droite me paraît poser un sérieux problème : si cet équilibre s'est sérieusement dégradé et continue à le faire, c'est avant tout dû à des contraintes économiques. De simples choix politiques ne suffiront pas, il ne suffit pas de le vouloir pour revenir aux trente glorieuses même si Mélenchon fait semblant de croire le contraire. Pourtant, lui qui a été formé à l'OCI connaît très bien l'explication marxiste du contexte économique actuel qui est avant tout lié à la baisse tendancielle du taux de profit. Or le propre du capitalisme est d'avoir besoin d'une croissance continue, ce qui a résulté grosso modo à partir des années 90 en une croissance à crédit dont les subprimes ont été un exemple frappant. Nous sommes actuellement dans une crise de surproduction relative, autrement dit on produit trop non pas pour satisfaire les besoins mais par rapport aux capacités d'achat des consommateurs, donc les capitaux ne trouvent pas où s'investir pour rapporter des bénéfices. En prime, le système économique actuel ne sait pas améliorer la rémunération pour permettre à la croissance de repartir et la consommation à crédit a aussi atteint ses limites. Donc « cure » d'austérité, en essayant de produire moins cher que le voisin quitte à dégrader les conditions de vie. Le hic, c'est que le voisin fait pareil. Résultat, les conditions se tendent, avec comme effet de bord la montée d'une extrême droite « éthno-différentialiste » qui est apparemment le dernier mot à la mode pour ne pas avoir à dire raciste.
Comment, dans ces conditions, faire pour que la main gauche de soutien et de protection se renforce ? En taxant les plus riches et en répartissant les richesses ? Ça ne suffira pas, sans compter que les riches en question déplaceront leurs richesses ailleurs. Avec une politique keynésienne ? Sauf à établir des barrières douanières qui étrangleraient encore plus l'économie, les fonds redistribués partiront aussitôt vers les pays où les coûts de production sont moindre. En gros, on reproduit la situation actuelle avec aggravation d'un endettement déjà en phase terminale.
Si on vise non pas une déclamation de principes généreux pour faire comme les autres et pour se faire plaisir mais un programme qui pourra être appliqué pour améliorer l'intérêt général, il faudra sérieusement s'attaquer à cette question qui a l'air d'être corsée. Ce n'est clairement pas dans mes cordes, je ne vois pas de solution dans le cadre d'une économie de libre marché (ce qui explique probablement pourquoi je me limite à la question de la démocratie).
Alors certes, le Parti Pirate est une forme de réappropriation/réaffirmation (et donc, à notre corps défendant, de validation) du système de pouvoir électif (démocratie dite "représentative") en place,
Là, je doute qu'il y ait consensus au sein du PP. Certains sont très fond pour la démocratie aussi directe que possible, y compris en passant par le vote électronique avec tous les problèmes que ça pose, donc à la sortie je doute que ce qui est visé soit la simple réappropriation de la démocratie représentative. De toute façon, si le but visé est la réappropriation de la démocratie représentative sous sa forme actuelle, il est voué à l'échec : le PP n'est pas immunisé contre les tendances d'institutionnalisation qui s'appliquent à tous les autres.
Par ailleurs, je peux me tromper mais une démocratie disons au carré me semble être un bon début. Je ne trouve pas très cohérent de dire que nous défendons la prise de décision aussi directe que possible de la part des citoyens mais pour décider ça au bout du compte. Parler d'économie fera en sorte qu'on n'inventera pas grand chose de nouveau sauf à défendre une catégorie d'âge un peu comme semble le faire le PP, ça divisera plus qu'autre chose et je doute qu'on puisse apporter une réponse que d'autres n'ont pas encore proposé. L'angle d'attaque devrait peut-être être basé sur ce que permettent l'approche spécifique du PP sur la limitation drastique des monopoles privés, la fluidité de l'économie des biens non rivaux qui en découle. Cerise sur le gâteau, casser la bouche à ACTA, Hadopi etc trouve là un intérêt aussi bien du point de vue économique que celui des libertés.
Edelman a écrit :Je cite un libéral, peu suspect d'anti-hayekisme (Henri Lepage, Cahiers français, "Les libéralismes économiques", p. 41) : "ne tombe-t-on pas dans une tautologie scientifique qui explique l'existence du marché par des propriétés d'efficacité que l'on déduit elles-mêmes de la simple... existence de ce marché ? ne court-on pas le risque de tomber dans une attitude ultra-conservatrice qui justifierait l'existence de toute institution sociale du seul fait que sa survie au processus de sélection naturelle entraînerait automatiquement une présomption de plus grande efficacité sociale ?"
Je chipote mais il ne faut pas parler de tautologie dans ce cas, c'est un peu ce que font les créationnistes quand ils attaquent la théorie darwinienne de l'évolution. Un processus cyclique peut y ressembler mais ça ne revient pas à dire « si A, alors A ». En fait, le défi que présentent ceux qui disent que le marché est le plus efficace et qui font découler l'existence du marché par le fait qu'il serait la forme d'organisation économique la plus efficace est simple : faites mieux, trouvez un meilleur mécanisme.
daniel a écrit :Et justement c'est cette réflexion qui constitue l'erreur principale du libéralisme. La quantité globale des ressources est limitée et pas seulement des ressources naturelles. Au niveau macro économique nous sommes plutôt dans un système fermé où ce qu'une personne gagne en plus une autre personne perd.
Selon ce raisonnement, la quantité de richesse produite globale devrait être stagnante depuis le début de la révolution industrielle et notre niveau de vie n'aurait pas dû bouger... Il y a une grande erreur là-dedans, en effet, mais je doute que ce soit celle du libéralisme.