Bonjour,
Personnellement, je trouve que ce débat, en ces termes, n'a aucun sens. Comme il l'a été dit, on est riche que parce qu'il y a un pauvre (l'inverse est vrai). Le montant du salaire n'a strictement aucune signification en soi. 1300 €/mois est un salaire honorable en France mais bas, c'est un très bon salaire en Bulgarie par exemple. La vrai valeur à étudier est le pouvoir d'achat dans un périmètre donné (après taxe et frais de transport depuis que je peux acheter sur internet) par rapport à une évolution technologique donnée. En ce sens, le smic est censé représenter le salaire minimum vital en France en 2012. L'est-il toujours ? On ne se loge pas au centre de Paris avec un smic ... Le problème n'est pas alors la répartition sur l'échelle des salaires mais l'écart entre le plus petit et le plus gros. En considérant que la masse monétaire affectée aux rémunérations est fixe à un instant T, plus les plus gros salaires augmentent, plus les autres salaires auront tendance à se réduire. Et mécaniquement, les plus petits plus que les autres dans un mode de pensée très méritocratique. Imposer donc une limite haute en fonction du smic, et donc imposer une mesure générale basée sur le smic, ne provoquera qu'un problème de non-distribution de la masse monétaire distribuable. Elle aurait plus de sens par entreprise, ratio entre le plus petit et le plus gros salaires. Ainsi, il convient plus de mieux répartir la richesse créée entreprise par entreprise.
Maintenant, il n'y a pas de problèmes outre mesure à gagner beaucoup d'argent du moment où cet argent est reversé dans l'économie réelle par la consommation ou l'investissement. Le problème est quand cette masse monétaire se place sur des marchés financiers où, en plus du risque pris, il ne participe plus directement à l'économie réelle mais entretien une spéculation motivée par le gain à court terme et la flexibilité du risque. Les investissements dans l'économie réelle se faisant plus à présent par emprunt (donc augmentation de la masse monétaire) que par injection de capitaux existants. Ainsi au lieu d'avoir un marché qui évolue, quel que soit le sens en fonction de l'offre réelle et de la demande réelle, nous obtenons un marché qui évolue de façon assez déconnecté de la vie réelle en raison de la spéculation entretenue par quelques gros fonds "d'investissements" (le petit monde de la finance est assez moutonnier, il n'y a que quelques leaders qui font la pluie et le beau temps et beaucoup de suiveurs dont certains écopent des pots cassés) Ces fonds peuvent, par exemple, prendre d'énorme position sur une matière première afin de créer une pénurie de l'offre et donc doper artificiellement le marché puis revendre lorsqu'un seuil est atteint en empochant au passage la plus value. Évidement, ce n'est pas comme cela que cela se passe (aussi facilement et aussi visiblement) mais par l'intermédiaire de "produits" financiers très (trop) complexes. Les subprimes sont un bon exemple.
On associe trop facilement recherche du profit à une forme de dérive inhumaine capitaliste ... Il faut sortir de cette mentalité. Soyons clair : une entreprise est là pour gagner de l'argent, sinon c'est une association qui vit grâce à des subventions (publique ou privée). l'un ou l'autre ne sont ni bien, ni mal. Gagner de l'argent c'est rechercher en priorité l'équilibre entre les dépenses et les recettes. Le surplus de gain est un bénéfice qui peut être transformé en 1) investissement, 2) dividende/prime (oui la prime sur résultat est un dividende versé à des non actionnaires), 3) augmentation des salaires. L'investissement est un pari sur et un levier pour une augmentation du rendement (1 +1 = 3), le dividende/prime est une redistribution de l'excédent et une forme de rémunération, exceptionnelle pour la prime, l'augmentation des salaires est une redistribution. Je passe sur l'investissement (en bien ou en poste salarié) qui par essence contribue à l'économie réelle, pour m'attarder sur le dividende et l'augmentation de salaire, car c'est finalement le fond du débat où le premier est plus favorisé que le second.
Qu'est-ce qu'un actionnaire ? A la base, c'est un personne (physique ou morale) qui a participe au capital d'une entreprise. Au lancement d'une entreprise, ce capital permet de faire l'investissement initial préalable à son fonctionnement. Ce capital de départ tends à se transformer en biens et en salaires. Il existe toujours quelques parts mais sous une forme différente. Ainsi la valeur d'une entreprise ne se juge pas à la hauteur de son capital mais à sa capacité au rendement (gain). Les investisseurs initiaux se dépossèdent d'une partie de leur richesse (quel que soit le montant) pour créer cette entreprise. Il est donc juste qu'en retour il perçoive une rémunération sensée compenser le risque. Cette rémunération peut être donnée en salaire (salarié actionnaire, versement régulier) ou en dividende (versement annuel). C'est le fonctionnement d'une entreprise qui n'est pas cotée en bourse. Pour celle cotée en bourse, le fondement est identique seule la valeur de l'entreprise est plus exposée à la volatilité et une certaine confiance. Mais plus que cela, sa valeur est fondé sur capacité à générer du profit par l'évaluation de sa valeur plutôt qu'à ses résultats économiques. Concrètement l'investisseur soutient en entreprise pour espérer un gain sur le fonctionnement de l'entreprise, le spéculateur espère gagner de l'argent sur la variation de cotation .... ce qui est radicalement différent. Nous subissons actuellement une dérive non pas sur sa capacité au rendement mais sur sa valeur en tant que produit. Une entreprise qui s’effondre sur un marché boursier n'a pas vu ses capitaux (quelles que soit leurs natures) disparaitrent, elle voit juste la valeur qu'on lui accorde (donc sa "vendabilité") se réduire, même en dehors de ses réalités économiques. Pour compenser, elle doit augmenter son rendement pour justifier de sa valeur en tant que productrice de dividende, et donc perdre ou stagner en masse salariale.
Nous sommes tous conditionnés à être salarié dans une conception très méritocratique. Dans une entreprise très capitaliste où tout le monde est actionnaire, le problème des dividendes ne se posent plus ... Sommes-nous tous prêts à faire l'impasse sur 10000, 20000 ou 30000 euros pour l'injecter dans une entreprise ? Comme les gros actionnaires, nous sommes très réceptif au concept de confiance et actuellement, ce n'est pas vraiment à l'ordre du jour. Pourtant, c'est une piste à développer pour des activités à forte composantes locales et, très prioritairement, sur des activités peu dépendantes des marchés financiers, avec le soutien affirmé des banques avec l'incitation de l'état pour des formes juridiques coopératives.
Concernant la méritocratie, j'ai l'impression de relire "brave new wolrd" où chacun s'estime dans sa caste tout en étant résigné à l'immobilisme ! Une fois pour toute, le chirurgien n'a pas plus de mérite que le balayeur de couloir. Le chirurgien a besoin du balayeur pour exercer son métier, l'inverse n'est pas forcément vrai
Prenons un exemple simple : Lors d'une grève du ramassage des déchets, nous pouvons tous en ressentir l'utilité pourtant ramasser les poubelles des autres n'est pas très glamour mais tellement essentiel. Je ne suis pas en train de dire que la méritocratie devrait se fonder uniquement sur une perception de l'utilité mais elle devrait néanmoins être prise en compte. Le salaire n'est finalement qu'un marché. Un chirurgien gagne plus car on en trouve peu à l'inverse du balayeur où, à priori, le poste ne réclamant que peu de qualification, il est plus simple de trouver des candidats (approche pas forcément déterministe d'ailleurs dans la mesure où pendant les 30 glorieuses, nous étions en pénurie de candidats à ces postes)
Une autre piste qui est peu explorée et la formation continue des adultes. En France, nous sommes connaissons tous la sacrosainte formation initiale de nos jeunes années qui a tendance à déterminer pour une vie notre secteur d'activité. Un jeune qui sort du circuit scolaire à très peu de chance de pour réintégrer une formation qualifiante de haut niveau par la suite, en tous cas les structures pour adultes (FOAD, cours du soir) ne sont pas légion. Ainsi dans notre conception méritocratique, nous estimons que quelqu'un faisant de longues études a droit à une meilleure rémunération d'un autre. Cela peut se justifier mais il faut aussi y voir une opportunité ou un environnement social et économique propice. Ça se saurait si le fils ou la fille du plus pauvre avait accès à la formation la plus qualifiante qui est plus souvent à la portée du fils/fille du plus riche, et ceci à potentiel intellectuel égal.
On peut raisonnablement estimer qu'une certaine maturité est nécessaire pour des études qui voit son apparition plus ou moins tardive en fonction des individus. Ainsi, celui/celle moins mature mais tout autant intelligent pourrait sortir du circuit de formation initial pour occuper des postes peu qualifiés pour avoir ensuite la possibilité d'y re-rentrer quand il se sent mature pour y poursuivre une formation qualifiante voire très qualifiante. L'idée est à creuser mais je pense qu'il y a plus intérêts à former des spécialistes rapidement pour être présent sur le marché de l'emploi à un moment où les entreprises en ont besoin que plutôt former longuement des généralistes qui attendent ensuite de valoriser un diplôme qui était en vogue au début des études. Bref au lieu de chercher à tout prix une flexibilité du marché de l'emploi, il y aurait plus à gagner sur la flexibilité de la formation. Cela permettrait du même coup de réduire le nombre de personnes affectées à des tâches peu qualifiés et peu glorieuses toute leur vie et donc de justifier une augmentation de l'âge de départ à la retraite.
Pour terminer, et pour faire taire les plus à gauche ou les plus à droite d'entre nous
, il serait bien un jour de s'interroger sur la nature même du travail, du gain, de la consommation. Nous vivons en effet dans une société basée sur la consommation. Nous avons un besoin, pour une part naturelle et pour une autre part conditionnée, de consommation. Pour consommer, il faut de l'argent, pour avoir de l'argent, il faut travailler, pour travailler il faut que d'autres consomme à leur tour. Le moteur de tous cela, c'est donc la consommation, dont les gains ne profitent surtout pas à la majorité, à tel point que nous imposons la durée de vie d'un produit afin de renouveler un marché. Même si la durée de vie d'un produit est une notion à ne pas négliger, ne serait-ce que pour introduire les évolutions technologiques (bénéfiques évidement) c'est tout une économie voire tout une conception de la société qui est à repenser dans son ensemble où, théoriquement, le concept de travail rémunéré ne trouve plus sa place, ainsi que celui de riche ou de pauvre d'un point de vue financier.
N'avions-nous pas trop pris l'habitude de nous contenter de connaissances incomplètes et d'idées insuffisamment lucides ? Notre système de gouvernement se fondait sur la participation des masses. Or, ce peuple auquel on remettait ainsi ses propres destinées et qui n'était pas incapable de choisir les voies droites, qu'avons-nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n'est possible ? Rien en vérité. Telle fut la grande faiblesse de notre système, prétendument démocratique, tel fut le pire crime de nos prétendus démocrates.