Sims a écrit :jamais la presse n'a été aussi peu indépendante, et Internet autant attaqué. or nous sommes précisément dans un système libéral, des projets comme ACTA signifient très exactement "l'Etat régalien et la législation qui a pour but de protéger la propriété (des puissants)".
Faux
La première phrase est vraie selon moi. La seconde est intéressante, parce que si tu acceptes la notion de « propriété intellectuelle », ça passe pour un libéral. En revanche, pour un pirate qui réfute cette imposture intellectuelle, ACTA apparaît pour ce qu'il est : la défense d'intérêts établis en limitant la concurrence et empêchant des nouveaux d'entrer sur le marché.
Sotise de croire que:
-nous sommes dans un système libéral (avec tant de clientélisme, connivence entre politiciens et quelques puissants, on pourrais plus se rapprocher d'une oligarchie économique, rien à voir avec un système libéral)
Pas complétement, c'est vrai. Mais la question qui se pose est de savoir si on peut réellement être dans un système libéral au sens strict. AMHA, c'est impossible et le fait que ça n'ait jamais existé tend à renforcer ce point de vue. Pour faire court, le libéralisme appliqué donne comme résultat le capitalisme. Et là, on a des gens, ou une couche sociale pour être plus précis, qui se bat pour protéger non pas une idée mais ses intérêts.
-L'objectif d'un "État régalien" libéral irais protéger la propriété des "puissants".
C'est un sujet compliqué, mais AMHA un État, régalien ou pas, est toujours au service de la classe sociale dominante même s'il joue aussi un rôle de tampon social avec les prestations sociales par exemple. N'empêche qu'au fond, si on enlevait tout et qu'on simplifiait au maximum, l’État s'en trouverait réduit à sa nature de bande de gens armés pour maintenir l'ordre social du moment. Pour formuler la chose autrement, sa fonction première est la répression au profit de la classe dominante, même si ce n'est pas sa seule fonction.
Deux exemples : on a entendu assez souvent la concurrence libre et non faussée, l’État minimal etc. Ceux qui nous disaient ça n'ont pas hésité, quand la crise économique a frappé, à aller demander l'aide de l’État, donc à transférer leurs dettes au contribuable. De même, pas mal de ceux qui parlent d'un État purement régalien veulent souvent moins d'hôpitaux, moins d'écoles en expliquant que c'est au privé de gérer ça, mais ça ne les empêche pas de demander plus de répression (cf. Ron Paul). Parce qu'ils entendent par État minimal ou régalien un État qui ne viendrait pas les emmerder mais serait quand même capable de les aider en cas de pépin et de taper sur d'autres qui leur poseraient problème.
Tu défends un État réellement régalien qui serait un arbitre impartial, au service de tous sans favoriser aucune catégorie sociale. J'ai un peu peur que la majorité de ceux qui prétendent le faire, eux, entendent en fait un État au service de leurs intérêts, l'adjectif régalien servant à rendre la chose un peu plus présentable. Maintenant, la question est probablement de savoir comment on fait pour essayer d’atténuer le plus possible le fait que l’État soit au service de la classe (ou couche sociale, peut importe) dominante ? Probablement en tendant le plus possible vers la démocratie directe, en s'inspirant de la version athénienne de la chose quand elle convient. Si on ne m'a pas menti à l'insu de mon plein gré, c'est un des buts du PP, donc un gauchiste comme moi et un libéral comme toi devrions trouver le moyen de faire un bout de chemin ensemble.
Konwhald a écrit :Desolé du post qui avance probablement peu le debat, mais :
Inso a écrit :A mon avis, l'avantage d'une société très démocratique (telle que mise en place par la démocratie liquide ou athénienne par exemple), c'est qu'elle légifère peu, mais bien.
athenienne ?
Tu ne pouvais voter que si tu etais un homme, majeur, libre et avec une activité qui te le permettait. (a savoir que les esclaves etaient beaucoup beaucoup plus nombreux que les gens libres en cette epoque). En bref, tu devais faire partie d'une minorité pour avoir le droit d'aller choisir.
Hollande est passé président avec 52% des voix. (...) Un president choisi par 9% du pays. Pas de surprise, on est restés dans la democratie athenienne.
La question de la démocratie athénienne est
récurrente dans le
coin (ce qui s'explique probablement par la recherche de démocratie directe). Et on voit de façon récurrente les mêmes erreurs, à savoir la prise en compte d'une société d'il y a 25 siècles avec nos valeurs morales contemporaines. La société était esclavagiste ? Oui,
comme toutes les autres sociétés de l'époque, parce que c'était le seul moyen de production qui permettait de dégager les plus-values nécessaires à l'organisation d'une société un peu plus complexe qu'un groupe de chasseurs-cueilleurs. N'empêche qu'on aurait des leçons à prendre au niveau de la représentativité sociale des députés de l'Assemblée Nationale. Et là, il s'agit d'une singularité. C'est ça qui fait la différence, c'est ça qui devrait nous intéresser.
Edelman a écrit :(La "démocratie" athénienne était esclavagiste, impérialiste, excluait les métèques et les femmes, et laissait aux campagnes les paysans qui n'avaient pas les moyens de venir. L'Assemblée n'était au final remplie qu'aux 1/3. Sans parler de la constitution d'une aristocratie et de stratèges quasi permanents comme Périclès.)
Esclavagiste ? Oui, comme n'importe quelle autre société de l'époque. Impérialiste ? Oui il s'agissait d'aller casser la bouche à l'autre pour augmenter la taille de sa bourse, donc en gros de rapine, parce que c'était le meilleur moyen de créer une croissance rapide (les moyens techniques de l'époque font que la croissance était extrêmement limitée par la production classique). Autrement dit, c'était universel à l'époque. N'empêche que les mecs se sont posés la question de savoir comment créer de la richesse sans guerre. Il y a un débat actif là-dessus après une dérouillée prise au sud de l'Italie. Ils n'ont pas trouvé la solution parce qu'ils étaient limités par le manque de productivité de leur époque, mais ils sont les premiers à s'être posés explicitement la question. Les métèques ? Que je sache, le droit de vote des étrangers n'est toujours pas une question résolue. Le taux de remplissage de la Boulé ? Il varie au fil de l'évolution d'Athènes, mais globalement, il y a du monde, ne serait-ce que pour toucher le triobole. Constitution d'une aristocratie ? L'aristocratie existait avant, elle est une constante sociale partout, le propre d'Athènes est d'avoir donné la parole à certains gueux. Stratèges quasi permanents comme Périclès ? Son cas est unique (au point qu'on parle de siècle de Périclès), il a été
élu à quinze reprises si mes souvenirs sont bons. Il n'a pas hérité de sa fonction (même s'il était d'une famille aristo), il a été élu puis réélu jusqu'à ce qu'il flanche à dans une épidémie. Son successeur élu était un parfait gueux.
En fait, je crois qu'il faut cesser de considérer la chose selon un aspect moral (personne n'a dit qu'il fallait rétablir l'esclavage, il faut arrêter les conneries à un moment donné). On ne pouvait pas demander aux athéniens de ne pas être esclavagistes de la même façon qu'on ne pouvait pas demander à des chasseurs-cueilleurs d'être végétariens. Si on veut comprendre le schmilblick, y donner un sens et prendre ce qu'il y a de meilleur, il faut considérer la chose dans son contexte et voir là où ils ont fait des étincelles. Dire, au sujet d'une civilisation qui est parvenue à pondre la démocratie, les notions de citoyenneté et de peuple (par opposition à des loyautés tribales) qu'ils étaient esclavagistes et qu'ils ne permettaient pas aux étrangers de voter, c'est ignorer d'un trait de plume tout ce qui faisait la particularité de ses innovations sociales qu'on essaye toujours d'améliorer 25 siècles plus tard. Ça revient à ne pas comprendre d'où viennent les notions auxquelles nous sommes si attachés. Ça revient à les considérer de façon un peu platonicienne, comme s'il s'agissait d'idées en dehors de l'espace et du temps alors qu'il s'agit d'innovations sociales majeures qui sont le résultat d'un long cheminement et qui restent toujours à améliorer en tenant compte du contexte dans lequel on se trouve.
PS : Petit troll sur la condition du beau sexe faible pour finir : c'est à la République romaine qu'on doit la première manifestation féministe au monde. Les matrones avaient littéralement manifesté dans la rue pour obtenir l'abrogation de la loi Oppia qui leur interdisait le port de bijoux ainsi que d'autres droits de shopping fondamentaux. A force, elles avaient réussi à faire plier le Sénat, avec comme consul Caton l'Ancien qui n'était pourtant pas réputé pour ses talents de câlinothérapeute. Première manifestation féministe. Pour des bijoux et du shopping. Parce qu'elles le valaient bien il y a déjà 22 siècles... Les gens, achetez des actions l'Oréal, cette boîte ne peut PAS couler.