A l'occasion de la crise de 2007/2008, des nationalisations à caractère plus ou moins temporaire ont eu lieu dans nombre de pays, notamment pour éviter l'effondrement définitif de banques et d'organismes de crédit, comme par exemple aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, pays notoirement plus libéraux que la France. Pour autant, à l'époque, notre pays est resté à l'écart de ce type d'interventions (*).
Dans ce pays toujours d'esprit colbertiste (malgré quelques décennies de libéralisme économique), l'idée de "nationalisation" semble surprendre commentateurs et opinion publique. D'autres temps et d'autres pratiques remontent à la surface... alors qu'ils étaient pensés comme révolus.
Qu'en est-il au sein de notre parti ? Quelles sont nos réactions à une telle annonce ? Sommes-nous les fils de notre temps ?
Et de quel temps ? L'ère post-chute du mur de Berlin, avec la victoire de la libre disposition et circulation des capitaux privés à l'échelle mondiale ?
Ou l'ère post-crise de 2007 avec la prise de conscience des excès de cette libre disposition et circulation (*) ?
Qu'évoque, parmi nous, le gros mot de nationaliser des sites productifs que des multinationales ne veulent plus exploiter pleinement ?
Jeudi devant le Sénat, [le ministre A. Montebourg] avait déclaré que "le problème des hauts-fourneaux de Florange, ce n'est pas les hauts-fourneaux de Florange, c'est Mittal".
Le géant mondial de l'acier a annoncé le 1er octobre l'arrêt définitif des hauts-fourneaux et avait accepté de donner deux mois à l'Etat pour trouver un repreneur. [...]
A moins d'une semaine de la fin du délai, samedi 1er décembre, le ton est monté entre le ministre et Mittal, car l'Etat aurait deux offres de reprises mais sur un périmètre plus large que celui mis en vente par Mittal. Au refus de Mittal de céder l'intégralité du site, M. Montebourg a brandi jeudi la menace d'un contrôle public temporaire. Ce à quoi Mittal a répondu que la vente de la totalité du site de Florange "mettrait en péril la viabilité du reste des activités d'ArcelorMittal en France, où le groupe emploie 20 000 salariés".
"On sent un réel volontarisme du gouvernement et de la majorité présidentielle, mais oseront-ils aller jusqu'au bout ?", s'est interrogé le secrétaire adjoint CFDT du site, Frédéric Weber, qui a dit croire à un "espoir qu'on aboutisse à quelque chose de positif". "Il y a un consensus politique, parce que le marasme économique est trop important. C'est ce dont nous avons besoin : du volontarisme et l'union sacrée", a poursuivi le syndicaliste.
Le président socialiste de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a estimé sur LCI, que Mittal […] "est venu en France parce que nous avions un savoir-faire et des sites. S'il s'en va, il y aura des repreneurs. Regardez, il y a deux repreneurs qui sont en train de frapper à la porte", a-t-il ajouté. […]
La prise de contrôle de l'Etat n'est pas à exclure, ont également laissé entendre deux ministres dimanche. Michel Sapin, le ministre du travail, a approuvé sur RMC et BFMTV Arnaud Montebourg parlant de "contrôle public" et rappelant que cette arme avait été utilisée aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni dans les secteurs financiers et l'automobile. [… ]
Les élus de Moselle, droite et gauche confondues, demandent à François Hollande de nationaliser temporairement l'usine. "Comme le ministre du redressement productif, nous demandons une prise de contrôle public temporaire de l'Etat pour permettre à un opérateur industriel de reprendre l'activité de l'ensemble du site", écrivent les élus lorrains dans une lettre ouverte adressée au président de la République.
Source : Le Monde
Rentable, le site de Florange, est un établissement inscrit au greffe du tribunal de commerce de Nancy que l'Etat peut reprendre sans l'aval de son propriétaire moyennant indemnisation. L'idée serait une association avec un opérateur industriel, minoritaire dans le capital le temps de stabiliser l'activité.
[...] Le prix éventuel du site de Florange demeure un mystère. Sollicités, ni le ministre ni ArcelorMittal ne s'avancent sur la question. Mais la mauvaise conjoncture pousse les prix à la baisse, indique un expert.
Détermination réelle de la part d'un gouvernement qui ne croirait plus à la négociation avec un groupe qu'il accuse d'avoir déjà manqué à sa parole ? Ou nouveau coup de pression pour contraindre ArcelorMittal à plier, ou au moins accorder un délai ? Une chose est sûre : le dossier Florange est emblématique, non seulement pour le ministre du Redressement productif, mais aussi pour François Hollande, qui y était allé pendant la campagne présidentielle et y avait promis la rédaction d'une loi sur la reprise des sites rentables. Cette loi ayant été repoussée à l'an prochain, il faut trouver d'autres moyens d'actions. Et montrer aussi que l'exécutif est prêt à tout tenter. Arnaud Montebourg a déjà utilisé l'interpellation publique pour installer un rapport de force. Mais ArcelorMittal, qui n'a que faire de l'opinion publique française, est un interlocuteur coriace.
Or l'amont du site de Florange est un de ses actifs les moins rentables en Europe. Conscient que la demande d'acier ne retrouvera pas ses niveaux d'avant-crise, ArcelorMittal entend réduire les surcapacités du marché pour faire repartir les prix à la hausse. Même si cela impose une restructuration considérable de l'ancien "Airbus de l'acier", Arcelor. Après la fermeture de Gandrange en 2009, puis des hauts-fourneaux de Liège en début d'année, vient, selon le sidérurgiste, le tour de ceux de Florange. ArcelorMittal compte toujours engager samedi la procédure de plan social. La partie de poker engagée avec l'exécutif va au moins durer toute la semaine.
Source : Les Echos
(*) "L’autorégulation, pour traiter tous les problèmes, c’est fini. Le laissez-faire, c’est fini. Le marché tout puissant qui a toujours raison, c’est fini." avait ainsi déclaré N. Sarkozy, alors président de la République française, en se faisant l'écho des interrogations idéologiques du moment et le chantre d'un monde qui allait changer de fonctionnement... pour de faux (discours de Toulon du 25 septembre 2008).