Konwhald a écrit :
Faut-il pour autant abandonner tout espoir de donner l'autonomie intellectuelle et politique ? (autonomie critique serait plus approprié AMHA, mais bon, je suis pas prof je suis etudiant :p )
Je doute très fortement, quel que soit l'organisme qui enseigne, qu'elle ait tellement la volonté qu'on la remette en cause. Pourtant, comme tu dis (et je suis d'accord) l'autonomie passe par là.
L'Ecole peut tendre vers cette autonomie, en diversifiant, en faisant gouter a tous les points de vue, y compris ceux opposés. Aux eleves de construire a partir de ce qu'ils ont vus, et de chercher plus loin.
Actuellement, je dirais, c'est pas la panacée, mais c'est pas non plus du formatage pur et dur.
Et j'ai un très grand respect pour les profs que j'ai eus qui m'ont donnés l'envie de chercher, d'apprendre et de voir plus loin. L'education repose surtour sur eux.
D'accord avec ça : il ne faut pas assigner à l'institution des objectifs irréalistes. L'école-qui-libère est une contradiction dans les termes parce que l'institution ne peut pas libérer. C'est une mystification, particulièrement en France, dont on peut trouver facilement les racines historiques : l'Ecole-de-la-République s'est façonnée et a construit son mythe libérateur dans son combat contre l'Ecole-des-curés dans un contexte historique où la République était sous la menace de la réaction monarchiste fortement ancrée dans les milieux catholiques. L'école-qui-émancipe peut aussi être analysée en terme de lutte des classes avec la volonté bourgeoise d'imposer ses valeurs aux classes populaires par cet intermédiaire. Du coup, l'Ecole publique s'est historiquement construite, en France, contre le milieu familial, par une disqualification systématique du rôle des parents (elle est obligée de faire machine arrière maintenant car on sait qu'aucune éducation n'arrive à rien qui ne passe pas par les parents à un moment ou un autre, c'est très facile à comprendre). L'Ecole de la République a donc construit son propre mythe libérateur "contre" : contre la religion, contre la culture familiale, contre les classes populaires, contre la culture d'origine d'ailleurs aussi dans le cas des enfants issus de l'immigration. Mais c'est pour mieux s'attacher des populations bien formatées qui soutiennent les objectifs politiques du moment : pour la République, pour l'Empire colonial, pour "la revanche" (contre les Allemands avant le 1ere guerre mondiale), pour la laïcité républicaine, pour la culture française (de souche), et j'en passe.
Est-ce que pour autant, il faut laisser l'institution aller à son penchant aliénant ? Non bien sûr. Mais plutôt que penser à l'Ecole qui libère qui se renverse en l'école qui remplace une domination par une autre, on devrait plutôt chercher à définir négativement une école qui n'aliène pas (trop). Il est très différent de se demander comment libérer des enfants que tu considères comme a priori aliénés et de se demander comment tu peux essayer de respecter leur autonomie et leur libre-arbitre dans l'acte éducatif qui est quand même par nature directif. Et, évidemment, c'est beaucoup plus compliqué.
Est-ce qu'il est pour autant impossible d'espérer faire gagner un enfant en autonomie, libre arbitre, esprit critique ? Non bien sûr. Mais à ma connaissance, cela ne passe jamais par du collectif et de l'institution, mais toujours par des rencontres individuelles. Comme beaucoup de gens, lorsque tu te retournes sur ton parcours et que tu cherches ce qui t'as donné envie de réfléchir, de chercher, ou de contester, à l'origine, ce sont des personnes que tu trouves, des profs en l'occurrence, et pas des institutions. Et j'ai exactement la même expérience. J'ai passé toute mon enfance dans une institution épouvantablement répressive, une école de curés justement. Mais j'y ai fait des rencontres extraordinaires avec des profs qui m'ont secoué, destabilisé, qui, par les questions qu'ils m'ont posé, les conversations que j'ai eues avec eux sur tous les sujets possibles, m'ont fait entré dans un cycle de réflexivité qui, je crois, ne s'est pas refermé depuis. Et je me souviens de chacun d'eux, comme si c'était hier. Dans ce cas, c'était des profs, mais ça peut très bien être des parents, des voisins, tout adulte qui, à l'occasion d'une rencontre, va déclencher une réflexion, une interrogation, quelque chose.
Donc, j'attends pour ma part de l'Ecole qu'elle fasse ce qu'elle peut faire en tant qu'institution : armer l'individu pour qu'il s'en sorte le mieux possible dans la société où il sera projeté arrivé à l'âge adulte, c'est-à-dire transmettre des techniques, des connaissances, des savoirs-faire. Et pour le reste, c'est une affaire individuelle.