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Le bizutage

tulipius
Matelot
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Le bizutage

Messagepar tulipius » mer. 26 sept. 2012, 10:55

On discute souvent du nombre de morts sur les routes, des solutions afin d'endiguer l'hécatombe. A défaut de changer le système, le politique veut réduire les risques. Le bizutage on en parle lors d'un viol ou lorsqu'un jeune se fait graver le nom d'une association dans le dos. On condamne le "dérapage". Mais s'il tue c'est parce qu'il existe, et c'est pour cela qu'il est interdit.

Que dit la loi ? "Hors les cas de violences, de menaces ou d’atteintes sexuelles, le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 Euros d’amende."

Mais le bizutage se poursuit souvent sous d'autres noms.

Si j'aborde le sujet c'est parce que j'ai assisté à un bizutage caché derrière un "week-end d'intégration". Outre un mineur qui a fini à l'hôpital à 10h du matin pour coma éthylique j'ai pu voir des actes inimaginables dans un école de la République: des anciens qui frappent les nouveaux, des jeunes filles dont on arrache les soutiens-georges pour écrire au feutre une classification des "bonne à baiser" en passant par les "salopes" et autres joyeusetés qui allaient de l'antisémitisme à l'homophobie en passant par le racisme. Bref, une vision totalement distordue de la camaraderie et de la femme, au nom de "second degré" et de la fameuse citation de Pierre Desproges "on peut rire de tout", le "mais pas avec n'importe qui" ayant du s'évaporer des esprits avec les volutes d'alcool. Plus largement, ce genre d'évènements est inquiétant concernant les questions de discriminations liées au genre. La femme y est réduite à un objet avec son consentement, poussée par le groupe, l'alcool et le manque de sommeil car empêché. Celui qui ose remettre en question le détourage au feutre des défauts d'une fille peut être traité de macho car il refuse d'admettre que la femme est un sujet libre et qu'elle veut cela.

Chaque année, des jeunes meurent pour rien, que cela soit directement ou indirectement, par les conséquences psychologiques que cela peut entrainer. Sans parler des normes intériorisées par ceux qui semblent s'accommoder ce qui s'apparente à mon sens à une fondation de l'identité estudiantine basée sur le viol et la reproduction d'un sexisme qui ne dit pas son nom. Et cela se répète, inlassablement, et avec le consentement de nombreux citoyens passifs ou actifs. On rigole du folklore alors qu'il s'agit là de déshumaniser l'autre, de le nier pour le lier à son tortionnaire dans un lien pervers qui se reproduit et se recycle. Le sociologue René de Vos a écrit un ouvrage sobrement intitulé Le bizutage qui traduit bien les mécanismes à l'oeuvre dans cet expérience qui représente une sélection après la sélection. Souvent celles des filières sélectives et élitistes.

Le constat est simple: la loi existe, mais peu portent plainte et les bizutages se perpétuent en toute impunité.

J'estime qu'aujourd'hui on peut se poser deux questions:

1. Comment sortir les victimes de leur situation ?
2. Comment mettre fin à ces phénomènes ?

Comment faire lorsqu'on a tout le monde contre soi dans le silence et que l'on risque de compromettre son parcours académique en prenant la parole face à une institution qui veut protéger son image avant toute chose ?
Le point Godwin est rapidement atteint, les rôles inversés: celui qui se soulève contre le bizutage finit "délateur", le tortionnaire "nazi" alors qu'il a souvent été victime lui aussi, s'il n'a pas demandé à plus subir que les autres lors de son propre bizutage, ce que j'ai pu constater dans l'établissement où j'étais.
Devrait-on encourager le "lanceur d'alerte" ? par de la prévention et un soutien juridique et psychologique extérieur à l'établissement touché ? Les associations ne peuvent faire ce travail seules, et elles demeurent inconnues des étudiants qui considèrent souvent que le bizutage n'a rien de choquant, se basant sur une vision de l'homme libre et affirmant sa volonté en toutes circonstances.

D'une manière plus radicale, l'évènement alcoolisé autour du binge drinking doit-il être subventionné ? L'alcool est bien souvent la cause des conduites dangereuses lors des bizutages. Ou est-ce l'évènement constituant un groupe sans but ni activité non-régressive qui doit être visé ? Ce sont dans ces conditions que les plus pervers prennent le pouvoir. Par ailleurs, supprimer les week-end d'intégration et les bizutages pourrait aussi rendre service aux étudiants les plus pauvres, exclus de ces évènements parfois très coûteux. Libre aux étudiants d'aller se bourrer la gueule, de s'insulter et de se frapper à leurs frais et en dehors du cadre lié à l'enseignement.

Pour remplacer le bizutage, l'intégration ne pourrait-elle pas avoir lieu autour du sport, de la culture et de l'entraide ? Un exemple d'intégration: à Paris, les classes d'une école organisent à la rentrée des prises de paroles autour de la culture parisienne, dans les lieux publics. En province, une randonnée est organisée par l'association sportive. Bref, les exemples ne manquent pas.

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Tywin
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Re: Le bizutage

Messagepar Tywin » mer. 26 sept. 2012, 11:17

et toi même, porte tu plainte contre ce que tu as vu?
"Quand on fume du crack on sait plus très bien ce qu'on fait..." AKH
"quand la vie te tourne le dos, touche lui les fesses..." un inconnu
"When the seagulls follow the trawler, it's because they think sardines will be thrown into the sea. Thank you very much." King Eric
"These are all great ideas, but they all suffer from one fatal flaw.Which is they're all based on the fallacious notion that people are fundamentally decent." Boris Yellnikoff

tulipius
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Re: Le bizutage

Messagepar tulipius » mer. 26 sept. 2012, 11:56

J'ai constitué un dossier avant de consulter un avocat qui m'a expliqué qu'en gros ça ne sert à rien de porter plainte, comme pour les viols ça n'aboutit à rien si cela n'a pas lieu dans la foulée. Et puis les étudiants se solidarisent dans le déni car ils sont bien forcés de rester dans le même établissement. Moi-même je n'ai pas voulu prendre le risque de me faire virer en dénonçant les faits tandis que j'étais sous l'épée de Damoclès de la direction. On m'a bien expliqué qu'il pouvait être risqué de porter plainte sans point de chute. L'institution faisant son possible afin de maintenir son image. Et puis il y a les menaces de ceux qui intègrent.

Depuis la direction de mon ancienne école a changé. La nouvelle direction, opposée à l'ancienne, avait déjà prise conscience du problème et ils ont pris des mesures dès leur prise de fonction. A savoir la suppression du week-end d'intégration et l'obligation pour les associations étudiantes de se conformer à une charte de conduite du type: prévoir des secours lors des soirées alcoolisées, éviter de bourrer la gueule des mineurs et autres évidences. Mais pour quels résultats ?

Le dauphiné libéré en a parlé : http://www.ledauphine.com/isere-sud/201 ... -week-ends
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Tywin
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Re: Le bizutage

Messagepar Tywin » mer. 26 sept. 2012, 13:19

Dans tout les cas, se concentré autour d'une activité sportive ou autre est une bonne idée, mais tu auras du mal à exclure la consommation d'alcool car l'évènement se prolongera toujours en soirée.
Pour avoir organisé, ou subit ce genre de rituel, rien ne remplacera un organisateur responsable et intelligent pour prévenir tout excès...
Peut être quefaire peser des sanctions très lourde sur l'orga en cas de débordement peut aussi être plus dissuasif...
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pers
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Re: Le bizutage

Messagepar pers » mer. 26 sept. 2012, 16:30

Comme vous le faites remarquer, les lois existent déjà pour réprimer ce genre de comportements, il suffit de les appliquer. Il est tout à fait anormal qu'au nom d'une "tradition" ou je ne sais quoi, on accorde un sauf-conduit à des actes délictueux (voire criminels) qui seraient très lourdement sanctionnés n'importe où ailleurs -- au hasard, dans un quartier populaire rempli de populations pauvres et immigrées...

Ne pas subventionner des évènements où l'alcool coule à flot, ça me plaît bien (mais c'est normal, je ne fais pas partie du public visé). Pour le reste, je ne sais pas où doit s'arrêter l'ingérence politique mais elle _doit_ s'arrêter quelque part : il n'est ni possible ni souhaitable que la police soit systématiquement présente en milieu scolaire, par exemple.
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OSB
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Re: Le bizutage

Messagepar OSB » mer. 26 sept. 2012, 18:00

Le problème est délicat.
Bien sûr, on ne peut pas accepter que des étudiants soient victimes d'actes graves - violences, viols et abus sexuels, humiliations psychologiques... etc - mais d'un autre côté, il est également très difficile de se poser en juge extérieur et de censurer des pratiques qui ont un sens dans un certain contexte social auquel on est étranger, dès lors que ces pratiques sont librement acceptées par les participants.

L'un des problèmes rencontrés est lié à l'objectivation des comportements. Dessiner sur le corps de quelqu'un n'est pas en soi condamnable. C'est le fait de le lui imposer en revanche qui l'est. La prise en considération de la volonté affirmée de la personne est donc un élément essentiel, sans quoi on risque d'interdire des pratiques jugées "objectivement" indignes ou dégradantes alors qu'il n'y a aucune objectivité dans une question entièrement personnelle. Ce qui est vrai aussi dans l'univers du sado-masochisme ou des modifications corporelles. Il faut donc être très prudent et soutenir les personnes qui sont réellement victimes, tout en évitant de victimiser celles qui ont librement choisi en toute conscience de se prêter à un jeu qui peut de l'extérieur ne pas être compréhensible.

Alors oui, il y a la question de la pression sociale qui détermine les individus à effectuer des choix qui ne sont pas toujours véritablement les leurs, ce qu'on retrouve dans tout un tas d'autres domaines, mais c'est un problème très difficile qui passe d'abord par la prise de conscience collective de l'importance du respect de la liberté individuelle, de la lutte contre le conformisme et les comportements moutonniers, et de la lutte contre les formes de pouvoir et de contrainte exercées dans les groupes sociaux en général. Cela se gère d'abord par la réflexion plus que par des interdits dont on voit bien ici, précisément, qu'ils ne sont pas efficaces.

J'ajouterai que sur le plan politique il ne revient pas, à mon sens, au PP de développer des lois sécuritaires ou répressives, même si elles peuvent parfois être justifiées. Il existe déjà d'autres partis qui s'y emploient à merveille - le PS entre-autres qui sur ce genre de thématique est certainement très réceptif.

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clemage
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Re: Le bizutage

Messagepar clemage » mer. 26 sept. 2012, 18:56

Tulipus, tu as visiblement été témoins de certains débordements lors d'une intégration et il est on ne peut plus légitime de lutter contre ceux-ci. Cependant il ne faudrait pas faire une induction excessive d'un cas particulier.
Par ailleurs, supprimer les week-end d'intégration et les bizutages pourrait aussi rendre service aux étudiants les plus pauvres, exclus de ces évènements parfois très coûteux.

Je suis totalement opposé à l'égalité par le bas, ce n'est pas parce que quelques personnes ne peuvent pas acheter un bien qu'il faut interdire l'offre.
Mais surtout, car si ces événements sont bien gérés, ils permettent au contraire aux étudiants les plus pauvres de faire des choses qu'ils ne pourraient pas faire aux tarifs du marché. Le fait qu'ils soient organisés bénévolement réduit largement leurs coûts. (Et dans le cas particulier de mon école il est d'environ 30€ ou gratuit en ouvrant un compte dans une banque partenaire).

Libre aux étudiants d'aller se bourrer la gueule, de s'insulter et de se frapper à leurs frais et en dehors du cadre lié à l'enseignement.

Ça fait un peu "Not in my backyard" ne trouves-tu pas? En temps que politiciens nous devons voir les choses de manière générale et non "déplacer" des problèmes.
Justement, les étudiants ont moins de chance de se bourrer la gueule, de s'insulter et de se frapper lorsqu'ils sont dans un cadre universitaire. Car il y a un cadre.
Toujours pour prendre mon cas particulier, le bar de notre université à été fermé pendant une période(justement par l'administration sous pression du maire). Pendant environ une semaine la consommation d'alcool à diminué, puis tout simplement les personnes se sont mises à boire autre part : plus car l'alcool des supermarchés reste moins cher et notre bar était limité à 8% vol, partout alors qu'auparavant ce phénomène était cloisonné et surtout sans protection, personne pour refuser de servir les élèves saouls, personne formé aux gestes de secours, personne(ou du moins pas assez) pour nettoyer les lieux.

Pour remplacer le bizutage, l'intégration ne pourrait-elle pas avoir lieu autour du sport, de la culture et de l'entraide ? Un exemple d'intégration: à Paris, les classes d'une école organisent à la rentrée des prises de paroles autour de la culture parisienne, dans les lieux publics. En province, une randonnée est organisée par l'association sportive. Bref, les exemples ne manquent pas.

Il est faisable de rajouter des points culturels et sportifs et dans mon cas c'est ce qui se passe.(une journée est réservée à des événements sportifs deux soirée à la diffusion de films et le week end d'intégration, même si de l'alcool est vendu est basé sur des événements sportifs et des concerts)
Après il faut voir ce que les gens mettent devant bizutage :
le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants

comment peut on considérer que quelque chose est dégradant :
-recevoir de la farine, de la mousse à raser et de la nourriture canine est-il dégradant?
J'ai envie de dire oui, sauf si on en balance aussi :) . Il faut donc que tout le monde participe et personne ne sera "victime". (Je peux vous dire que nous les anciens, même si on a l'avantage de savoir ce qu'il va se passer, on s'en prend quand même)
Le fait de tous faire des choses qu'on ne ferait pas en temps normal est important, cela forme un esprit d'équipe et donne des souvenirs commun à tout le monde, ce qui permet une meilleur intégration dans le milieu dans lequel le nouvel étudiant est projeté.
Les activités hors norme permettent aux étudiants de réaliser que les normes sociétales sont arbitraire et de ne pas les considérer comme immuables.
Les activités simulant des activités habituellement violentes (je fais allusion aux batailles de mousse, farine, etc) permettent d'évacuer cette violence là où elle est peu dangereuse et de vivre par la suite dans un environnement plus sain.

Bien évidement, en tant qu'organisateur d'intégrations(qui se passent bien) vous trouverez mon point de vue assez orienté. Je vous crois quand vous parler de débordements mais je vous demande juste de ne pas généraliser. Tout comme il ne faut pas généraliser mon expérience(qui apparemment est très positives par rapport à d'autres, on avait même des journalistes qui assistaient à l'intégration, c'est pour dire qu'il n'y avait rien à cacher...).
Dernière édition par clemage le mar. 16 oct. 2012, 00:26, édité 1 fois.

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Drenskin
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Re: Le bizutage

Messagepar Drenskin » mer. 26 sept. 2012, 19:59

J'ai eu l'occasion de participer à 3 week-end d'intégration pendant mes études, et je dois dire qu'on ne le vit pas du tout de la même façon si l'on est un petit nouveau ou pas. Alors certes il n'y a pas eu trop de débordements, mais les activités de groupe, même auxquelles on participe sois disant librement, restent une forme de bizutage.

Quand le groupe fait une activité qui peut être considérée comme dégradante (ex véridique : un combat de boue), qui n'est pas forcément facile à accepter pour tout le monde, la pression collective subie n'est pas facile à éviter (et vous remarquerez que dans pression collective, il y a pression). Laisser des jeunes entres eux, ça peut être une très bonne idée pour que les nouveaux s'intègrent et se connaissent, mais il ne suffit pas d'encadrer les activités pour que tout se passe bien. Selon le profil psychologique, une activité n'est plus une simple activité, mais un bizutage (dur à éviter, humiliant, dégradant, salissant, etc).

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LordMalak
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Re: Le bizutage

Messagepar LordMalak » lun. 15 oct. 2012, 16:01

Arrêter les soirées d'intégration ?
Drôle d'idée...
Cette soirée permet à la classe de se connaitre, et de connaitre la classe de ses prédécesseur...

Alors oui, il y a du bizutage. Oui c'est dégradant. Mais si vous ne voulez pas vous retrouver les cheveux plein d'oeuf, il ne faut pas venir, les soirées et week end d'inté n'ont jamais été obligatoire.
Je suis le cœur de l'Obscurité.
Je ne connais pas la peur, mais je l'instille à mes ennemis.
Je suis le destructeur des mondes.
Je connais le pouvoir du côté obscur.
Tout l'univers se prosterne devant moi.
Je m'engage dans les ténèbres où j'ai trouvé la vraie vie
Dans la mort de la lumière.

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Re: Le bizutage

Messagepar tulipius » mer. 17 oct. 2012, 14:34

Mieux que moi-même, le sociologue que j'ai cité en début de sujet, René de Vos, expose dans le texte ci-dessous la logique du bizutage dont l'essence même porte atteinte à l'individu. Le bizutage systématisé dans un système scolaire sacralise le groupe et en ce sens, porte en lui une idéologie à mon sens antirépublicaine, qui ne cesse de se clamer "apolitique" alors qu'elle est fondamentale dans notre rapport à l'autre et au tout que forme la société.

Avant de poser la question "pourquoi réellement interdire les bizutages ?" Posons-nous celle-ci: pourquoi devrait-on institutionnaliser la socialisation étudiante à travers la beuverie subventionnée, sinon le lancer de farine et d'oeufs ?


L'Ecole du savoir-subir, le bizutage est un grand mystère: ce sont les meilleurs élèves du système scolaire qui se livrent à des pratiques dont la stupidité laisse sans voix. Depuis le 20 janvier 1998, le code pénal français le punit expressément, mais, en dépit de la loi votée le 17 juin, et de la lutte acharnée du Collectif national contre le bizutage, les bizuteurs entendent en conserver le principe: le bizutage veut se «moderniser».
Les bizuteurs ne comprennent rien à la décision du législateur: pourquoi faut-il cesser et être aujourd'hui condamnés alors que «tout le monde» a ri de l'aspect et des gaucheries des bizuts? On a ri de l'incapacité des nouveaux à marcher au pas. On a ri des vociférations et des désordres que provoque la discordance. On a ri des efforts que le nouveau fait pour se corriger alors même qu'il est accablé de remontrances, d'ordres et de contrordres de toutes sortes. On a ri du renoncement des nouveaux face à l'arrogance des aînés bien organisés. On rira, c'est le but, lorsque la «promotion» née sous ces contraintes exécutera les programmes conventionnels qui sont faits pour faire rire.

Parce qu'il y a «devoir» à former une promotion, il faut ne parler qu'avec le groupe et pour le groupe et entrer dans un discours convenu. Il faut user des termes d'un langage codé, chanter des textes incantatoires et des chansons qui glorifient une virilité dont l'exaltation est outrageante pour les femmes. Pour les chevaliers de la virilité, rien de plus cocasse que le spectacle de ces jeunes filles qu'on a obligées à chanter à tue-tête des chansons paillardes dans lesquelles les femmes ne sont que des choses. Le moyen est efficace, puisque les chanteuses doivent en rire elles-mêmes et que, par un sinistre effet de masque, il est permis au tourmenteur d'en oublier qu'il est odieux.

Un élève responsable d'un bizutage en cours de «modernisation» déclare, sans rire, que les deux mois d'«intégration» sont destinés à «transmettre les valeurs qui font qu'on éprouve du plaisir à être ensemble». Il ne voit pas que le plaisir forcé est un traumatisme.

Les bizuteurs peuvent nous opposer qu'il n'y a que rarement violences physiques ou débordements sexuels dans les bizutages. Nous en convenons volontiers. Seul le monstre rit de la souffrance de l'humain et les bizuteurs - ces étudiants qui sont l'élite du système scolaire - ne veulent pas être des monstres. Pour être réussi, le bizutage doit faire rire, mais le bizuteur ne se souvient pas que lorsqu'on rit d'un homme soumis, c'est qu'il n'est plus qu'une «chose» caricaturant l'humain.

Même interdit, le bizutage est réclamé par ceux-là mêmes qui vont en souffrir, car l'apprentissage de la soumission et l'enfermement dans les coalitions corporatives sont une solution simple pour résoudre les problèmes que posent la liberté, l'accès démocratique au pouvoir et la liberté d'entreprise: le bizutage est un acte social, et un acte social peut être risible sans être futile.

Dérivé de pratiques estudiantines médiévales, le bizutage parvint à la modernité au début du XIXe siècle et fut d'abord une affaire de militaires. Tous les étudiants ne sont pas des bizuteurs actifs. Mais on doit aux militaires l'attente des bizuteurs: que tous les étudiants soient volontaires au bizutage pour ne former qu'un seul groupe en embrassant des valeurs choisies comme universelles. C'est la loi totalitaire du bizutage.

En énonçant des valeurs à transmettre, ce sont des règles qui s'instaurent entre ceux qui, sur le même niveau hiérarchique, sont appelés à entrer en concurrence les uns avec les autres. Et ce sont, d'autre part, des prescriptions énoncées par les anciens pour résister à la rivalité des nouveaux en consacrant subtilement leur inscription dans des hiérarchies professionnelles. Derrière le rire se cachent des tractations et des transactions sociales.

Il n'y a pas d'évolution possible dans le bizutage. Les formes peuvent changer, le fond ne change pas. L'intention repose sur une fiction qu'on pose comme une réalité: «Parce qu'elle est individualiste, la nature humaine est mauvaise et il faut la changer.» Idéologiquement, les bizuteurs «modernes» sont les continuateurs fidèles et zélés de leurs aînés.

Avec le bizutage, le sens de l'autre, l'obéissance et la discipline sont définis comme le résultat de la soumission à la force. Le bizutage et l'intégration forcée sont la marque de l'échec d'un projet pédagogique humaniste reposant sur la conscience des personnes. L'école n'est qu'une machine à distribuer du savoir et se montre incapable d'intégrer ses élèves dans un large projet de société. Dans ce qui n'est plus qu'un désert, qu'on le nomme comme on veut, le bizutage est le point d'ancrage de la pensée totalitaire.

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Re: Le bizutage

Messagepar flct » mer. 17 oct. 2012, 15:37

Le bizutage est le reflet d'un trouble psychosociologique profond où l'individu se renie en tant que tel pour mieux être façonné par l’institution par la suite. La transmission de "valeurs fondamentales" est une façade malsaine et il y a beaucoup mieux à faire pour créer la cohésion du groupe, notamment les activités basés sur le dépassement de soi au profit du groupe où chacun peut comprendre la nécessaire collaboration de son voisin et son action dans la réussite de l'objectif du groupe.
J'ai pu moi même constater que ceux qui le revendiquent ont surtout besoin de refaire à leur tour ce qu'ils ont subit, étape ultime de l'intégration où de victimes, ils deviennent bourreaux symbolisant l’accès au rang de "prédécesseur", et ainsi se prouver et prouver qu'ils sont à présent digne de l’institution, et surtout des bénéfices qu'ils récolteront en s'en réclamant comme tel.
J'ai pu observé par ailleurs que ces traditions tenaces sont surtout ancrés dans les "grandes" institutions et j'en suis arrivé à la conclusion que cela est aussi un rite de passage pour "faire prendre conscience" au nouveau de leur évolution au sein de la société en passant du rang du peuple à la soit-disant élite (certains remarqueront un certain relent moyenâgeux)
Par exemple, dans l'armée la pratique est sévèrement réprimée, tout comme les brimades, mais perdurent encore dans certains institutions dit d'élites. Je suis arrivé au constat que pour éradiquer ce travers médiéval, il faut agir sur trois points :
- sur la durée pour provoquer une rupture de générations (j'ai subit, je fais subir)
- sur l'encadrement qui soit consciemment soit par complaisance perpétue et encourage la pratique
- sur des activités permettant de développer la cohésion du groupe permettant de valoriser l'individu dans le groupe et de mettre en avant la collaboration essentielle dans un objectif donné au groupe. Les activités physiques sont un bon terrain de pratique. Par exemple, le franchissement d'un plan incliné de 7 mètres qui ne peut se faire que par collaboration du groupe et la valorisation de l'individu en fonction de ce qu'il y apporte (réflexion, direction, puissance, agilité, ...)

Ceci dit je note que la consommation d'alcool ne stresse pas outre mesure (enfin c'est plus du binge drinking que de la consommation) le politique par contre, lorsqu'on parle de l'égalisation du cannabis, le même politique fait vibrer la corde sensible pour "nos enfants" ... Bon, il ne faut pas trop se demander d'où vient le politique en question car l'autre intérêt du rite d'intégration est aussi de savoir reconnaitre "les siens".

PS/ Je n'ai eu à subir aucun bizutage pour ceux qui se poseront la question.
N'avions-nous pas trop pris l'habitude de nous contenter de connaissances incomplètes et d'idées insuffisamment lucides ? Notre système de gouvernement se fondait sur la participation des masses. Or, ce peuple auquel on remettait ainsi ses propres destinées et qui n'était pas incapable de choisir les voies droites, qu'avons-nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n'est possible ? Rien en vérité. Telle fut la grande faiblesse de notre système, prétendument démocratique, tel fut le pire crime de nos prétendus démocrates.

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OSB
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Re: Le bizutage

Messagepar OSB » ven. 02 nov. 2012, 00:08

Ce texte est très intéressant.

Mais le fait qu'il existe une loi répressive et que les comportements subsistent est intéressant aussi. J'ai envie de rebondir là-dessus et d'expliquer qu'on a le souhait que ces pratiques soient abandonnées, remplacées peut-être par d'autres comme le suggère Frédéric... mais que ça ne passe pas par des formes répressives, et que c'est d'abord une question d'intelligence et de prise de conscience du phénomène social qui est à favoriser plutôt que d'édicter des interdits inopérants.

On est aussi pour un certain nombre d'entre-nous, favorables à ce que la prostitution puisse être librement pratiquée. Ca ne veut pas dire qu'on encourage les femmes à se prostituer
On est, pour certains d'entre-nous, pour la liberté de porter un voile ou même une burka... ça ne veut pas dire qu'on encourage les personnes à se voiler
On est, pour certains d'entre-nous, pour ouvrir des salles de shoot, mais ça ne signifie pas qu'on encourage les gens à prendre de la drogue.

La question c'est est-ce que les interdictions sont des solutions ? Est-ce que quand quelque chose ne va pas, on tape du poing sur la table et tout rentre dans l'ordre ? Moi je ne crois pas à ça. Si j'y croyais, je ne serais pas ici au Parti Pirate.

Si les étudiants se comportent de cette façon, c'est qu'il y a des tas de raisons, et qu'ils sont déjà complètement formatés par leur éducation et par un modèle social qu'il faut questionner. Donc réfléchir avec eux, ouvrir des espaces de débat là-dessus, mais si on commence à sanctionner les comportements des jeunes même lorsqu'ils sont "stupides", c'est qu'on entre dans une logique éducative qui a démontré depuis des siècles son inefficacité. Les lois contre le bizutage ont été faites et elles ne marchent pas ? ... Ben oui, je n'en suis pas étonné : ces mesures c'est des cautères sur une jambe de bois. On ne s'attaque pas aux causes, on ne voit que les effets. Lançons des initiatives, mais plus intelligentes que le renforcement de l'arsenal répressif.

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Re: Le bizutage

Messagepar tulipius » mar. 12 mars 2013, 01:08

Je relance après l'affaire "Twitter", en rappelant que les principales "victimes" des bizutages sont les filles: chaque année ou presque ont lieu des tentatives de viol lors de ces événements, et encore, on ne parle que de ce qui sort.

Si la culture du viol a une messe c'est bien celle des bizutages. Car quoiqu'on vous fasse durant un bizutage, et on risque fort de vous faire subir quelque chose que vous ne souhaitez, on vous rétorquera toujours "tu n'avais qu'à ne pas venir", alors que souvent, le secret, le non-dit est entretenu autour des pratiques d'intégration qu'on veut les moins violentes possibles, pour qu'elles puissent être reconduites.

On peut donc parler de slut-shaming, la norme dès que lors que l'on incite les étudiantes à se dénuder pour remporter un "prix" de "miss" (en réalité beaucoup la traite de salope dans son dos et lui taillent une réputation). On peut aussi se demander si le cadre universitaire est le lieu adéquat pour des séances de strip-tease. Il ne me semble pas qu'il soit liberticide de dire que non.

Quelques notes que j'ai prise en interrogeant des amis à ce sujet. Ce qui est étonnant c'est qu'ils n'en avaient jamais parlés au-delà du "c'était cool ce week-end". A mesure qu'ils se remémoraient les faits, ils étaient de plus en plus mal à l'aise. Prise de conscience, sans doute.

Etudiant dans un IEP de province, Jean décrit le spectacle de l’élection des miss et mister WEI. Il s’agit souvent d’un concours de strip-tease ou de lap-dance, les plus téméraires sont ensuite moqués par leurs camarades de promo. Jean rapporte ainsi les propos de certains qui ironisent ouvertement en proposant de la catégoriser en tant que “plus grande salope de l’histoire de l’IEP” dans le registre des diplomés.

Il paraît en fait décontenancé par ces filles “libérées”, qui se déclarent féministes lorsqu’il s’agit de déclarations contre l’excision, mais qui n’ont aucune objection à émettre lorsque les anciens les étiquètent d’un “bonne à baiser” ou d’un adjectif moins valorisant : “baisable”, le tout écrit au feutre entre leurs seins, après leur avoir arraché le soutien-gorge. Tout est prétexte au rire, sadique pour les uns, jaunes pour les autres.

A l’IEP de Grenoble, le GBA, pour Grenoble Bukkake Action, s'inscrit au centre du processus d'intégration et de représentation de l'école lors du CRIT. Ce groupe semble s’imaginer regroupement d’anticonformistes provocateurs face à un monde conservateur, coincé et bien-pensant. Entre autres, ils reprennent le rappeur québequois surnommé Roi Heenok pour son insulte : “pute nègre”


D'autres témoignages, dans les journaux, sur le camp d'entraînement à l'hétérosexualité que constitue parfois l'intégration

J’ai été choisie pour la première épreuve : un garçon était obligé de mettre une banane devant sa braguette et je devais enfiler un préservatif dessus avec ma bouche.


Lors de la soirée déguisée, les deuxième et troisième années ont désigné un roi et une reine parmi les petits nouveaux. Devant tout le monde, le couple a dû faire un lap dance sensuel collé serré comme les stripteaseurs. En fin de soirée, alors que la beuverie battait son plein, il fallait mimer le plus de positions du Kama-sutra en cinq minutes.


Pour les jeunes filles, la sélection consiste aussi à regarder un film pornographique alors qu'elles sont allongées nues sur du papier journal afin de pouvoir les classer en fonction de l’humidité dégagée.


Pour vous convaincre des comportements sexistes parfois totalement désinhibés qui règnent dans ces bizutages, des extrait d'un texte que j'ai écrit à ce sujet, après avoir interrogé des amis étudiants, dont certains qui viennent de l'une des meilleures prépa de France, d'autres de SciencesPo Paris.

quelques notes que j'avais prises sur un WEI à SciencesPo, où c'est considéré comme "bon enfant"

WEI : voyage en car, picole un peu globalement. Mélanges du BDE pas très chargés, pas de coma, bourrés. Chants autour du CRIT, fiches à remplir : nom, prénom, ce que tu aimes, recherche meuf ou pas pendant le week-end

Olympiade : 8 équipes : tir à l’arc, beer pong au vodka burn, concours de chaînes d’habits : l’équipe qui est le plus à poil gagne

Deuxième soirée : Miss & Mister WEI sur la base du volontariat. Un membre du BDE sur une table : lap-dance, filles sur garçon, garçons filles. Concours de strip-tease : un mec à poil, un presque, une fille sein nus. Plus à poil : plus décrédibilisés : preuve de soumissions. Fille chariée, traitée “pute”.


Sur l'alcoolisme, dans une des meilleurs prépa de France

La direction de son établissement catholique, privé sous contrat d’association avec l’Etat, laisse ainsi sa carte bleue aux élèves lorsqu’il faut régler des notes dans des bars que fréquentent les étudiants, même si celles-ci dépassant parfois le millier d’euros


C'est aberrant quand on connaît le combat parallèle contre l'alcool au volant, ou, plus simplement, l'alcoolisme. La liberté d'avoir des événements corporatistes alcoolisées et subventionnées me semble être une liberté de luxe quand on voit le prix global à payer.
Dans les filières sciences humaines à l'université, les étudiants sont-ils plus malheureux que les autres ? Est-il nécessaire d'avoir un esprit de corps si ce n'est pour former une soi-disant élite ? J'en doute.

L'intégration fonctionne bien mieux par d'autres activités: sportives, culturelles, travail en petit groupes etc.

Vous me direz que personne n'est obligé de venir, mais c'est un peu comme une victime de viol à qui on dit que personne ne l'a obligé à s'habiller ainsi ou à se promener dans le rue. Ca me semble pas valide comme argument.

Je croyais qu'il y avait une différence entre bizutage et WEI. Personne ne m'avait prévenu qu'on irait me dessiner des croix gammées sur la tête, qu'on m'arracherait des habits, qu'on m'attacherait à un poteau en me forçant à boire de la chartreuse avant de me laisser pour mort sous la pluie au coucher du soleil. D'ailleurs, pour la plupart des gens, c'est juste "trash", quand ce n'est pas "bon enfant".

Et pour vous montrer à quel point la cécité sévit: cet article-témoignage dans lequel témoigne le vice-président du BDE actuel, qui était présent au moment des séances de bizutage:

«On trouve la décision radicale, regrette Leo Finkel, vice-président du bureau des élèves (BDE) de Sciences Po, mais on la comprend. » La direction de l'IEP, qui n'a pas souhaité s'exprimer, a en effet choisi d'annuler le week-end d'intégration (« Wei »), prévu début octobre, en raison des risques de débordements et de bizutage. « Le rectorat a fait état d'une menace de plainte de la part d'une élève de l'an dernier et d'images du Wei d'il y a deux ou trois ans », explique Leo Finkel. Ces vidéos, diffusées sur le net, mais retirées depuis, décrivaient notamment des simulations d'actes sexuels. « Elles peuvent choquer si on ne les prend pas au second degré mais il n'y avait rien de méchant. »

« Excellent souvenir »
Le vice-président du BDE a participé au Wei 2011 et ne s'est « pas senti humilié ni bizuté. On n'a pas fait d'activité car tout le matériel avait été oublié. On était au bord de la mer, on a consommé un peu d'alcool et élu Miss et Mister Wei mais il n'y a jamais eu de concours de la fille la plus moche. » Valmon Leymarie, du BDE de Grenoble INP, garde, lui aussi, « un excellent souvenir. Le bizutage n'existe pas chez nous. L'an passé, on est parti près de Montpellier, dans des bungalows, où était organisée une soirée à thème. Personne n'a été contraint à quoi que ce soit et il régnait une vraie cohésion. »
« On croise les doigts, on n'a jamais constaté de pratiques dégradantes, affirme Mireille Jacomino, vice-présidente formation à Grenoble INP. On sensibilise beaucoup nos étudiants à ce sujet. »


Les BDE se présentent rarement, en début d'année, comme des organisations aux pratiques profondément sexistes, vu qu'ils se veulent "apolitiques" et "neutres".

Des propositions

Code : Tout sélectionner

La question c'est est-ce que les interdictions sont des solutions ?


Je réponds non en l'état actuel, où la loi ne se suffit à elle-même, car presque rien n'est fait: voir la réponse à une question au gouvernement en juillet 2012:

http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-872QE.htm

Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche s'emploie avec une particulière détermination à prévenir les actes de bizutage et les dérives lors des soirées étudiantes et week-ends d'intégration. La très grande majorité des événements organisés en début d'année universitaire ne donne pas lieu à des actes de bizutage. Pour autant, chaque année, des pratiques dégradantes et humiliantes sont infligées à des étudiants primo-inscrits. Ces agissements peuvent marquer durablement les victimes et compromettre la poursuite de leurs études. En complément de l'attention particulière qui doit être portée sur les événements d'intégration de début d'année universitaire, il est indispensable d'accompagner au mieux, tout au long de l'année, les étudiants dans l'organisation d'événements festifs. Il ne s'agit pas de restreindre la possibilité offerte aux étudiants de se réunir dans un cadre festif et convivial (s'image-t-on des subventions pour ouvrir des coffeeshops étudiants ?) mais de favoriser l'organisation d'événements sûrs et responsables. De multiples initiatives perttinentes ont déjà été mises en place par de nombreux établissements d'enseignement supérieur, le plus souvent en lien avec les associations et les mutuelles étudiantes. Il devient nécessaire de généraliser cette démarche à l'ensemble des établissements afin de toucher l'ensemble de la population estudiantine et de la communauté universitaire. La politique ministérielle en la matière s'organisera autour de trois axes. Tout d'abord, il sera rappelé chaque année à titre préventif aux chefs d'établissement le caractère délictuel du bizutage et la responsabilité pénale des auteurs des faits et des fonctionnaires en charge de l'ordre et de la sécurité. La ministre a rappelé, dans une lettre du 16 juillet 2012 adressée à l'ensemble des chefs d'établissements accueillant des étudiants, l'importance extrême qu'elle attache à la protection et à l'accompagnement des étudiants, ce qui implique la condamnation ferme de tout acte de bizutage (paroles, paroles, paroles: on ne condamne jamais pour bizutage mais pour les bizutages mal-contrôlés, qui sombrent dans la violence, le viol, l'homicide etc.). Ensuite, le ministère développera une politique de sensibilisation à destination non seulement des jeunes mais aussi de toute la communauté universitaire de manière à accompagner un changement culturel vis-à-vis des pratiques de bizutage. Enfin, la ministre s'engage à ce que toutes les recherches nécessaires d'information et de vérification des faits et des témoignages soient menées dès lors que des actes de bizutage ont été portés à sa connaissance. (j'attends toujours qu'on me contacte et pourtant des faits connus de bizutage c'est facile à lister chaque année)


Mais certaines menaces ou interdictions peuvent fonctionner, par rapport à certains des points précédemment énumérés comme leviers d'actions:

Code : Tout sélectionner

- sur la durée pour provoquer une[b] rupture de générations[/b] (j'ai subit, je fais subir)
- sur[b] l'encadrement[/b] qui soit consciemment soit par complaisance perpétue et encourage la pratique
- sur des activités permettant de développer la cohésion du groupe permettant de valoriser l'individu dans le groupe et de mettre en avant la collaboration essentielle dans un objectif donné au groupe.


- Sur l'encadrement: punir les responsables qui auront été au courant des bizutages, ou qui les ont encouragés. Ca devrait les dissuader, au lieu de ne rien faire pour ne pas mécontenter la minorité qui veut bizuter. Les punir lourdement lorsqu'ils encouragent la consommation d'alcool, ou la subventionnent.

(Dans mon université le directeur regardait avec complaisance, lors de l'amphi de rentrée, les vidéos de promotion du BDE où les filles étaient présentées comme des potiches qui disaient texto "je suis là pour sucer": belle vision de la femme)

- Sur la rupture de la transmission du bizutage: il faut le dénoncer, puis l'interdire. Là où je l'ai dénoncé, il n'y en a plus, et c'est déjà ça pour les personnes suivantes ! La contrainte marche bien, dans ce cas précis.

Encore faut-il pouvoir dénoncer, et là ce sont sur les mentalités qu'on joue, mais pas seulement, il faut aussi un cadre, un soutien extérieur propice pour le faire.

Les propositins d'une association contre le bizutage:

-une plus grande transparence sur les journées d’intégration (publicité du lieu, du programme...) et l’arrêt de leur financement
-faire figurer sur les dossiers d’inscription des post-bacs le texte de loi, et les coordonnées des organisations contre le bizutage (on pourrait en plus rajouter ça sur une feuille rouge donnée en début d'année)
-que les enquêtes en cas d’accusation soient faites par des services extérieurs aux établissements, que soient recrutés dans les corps d’inspection des anti-bizuteurs militants


J'ajoute une dernière mesure: la garantie pour les victimes d'obtenir sur demande un transfert dans un autre établissement de même niveau en cas de bizutage avéré, car si on ne dénonce pas c'est aussi parce qu'on a peur des retours de bâtons des bizuteurs qu'on fréquente au quotidien, qu'on risque de fréquenter pendant une durée qui va jusqu'à la demie-douzaine d'années ! Il faudrait une protection comme celle que nous prônons pour le lançeur d'alerte.

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Re: Le bizutage

Messagepar OSB » mar. 12 mars 2013, 22:57

Je pense que tu as complètement raison sur le fond.
J'ai pas l'expérience du bizutage. J'ai fait des études de façon un peu atypique et je n'ai pas eu à souffrir de ça, mais ce que tu décris du sexisme de la violence et de la bêtise des comportements est assez atterrant.
Maintenant, je me demande si on ne devrait pas aller beaucoup plus loin, et proposer tout simplement de supprimer les grandes écoles telles qu'elles existent et de les ouvrir à tous.
Le système éducatif actuel est quand même un système dont on sait qu'il est essentiellement destiné à reconduire la hiérarchie sociale. La transmission du savoir peut se faire sous une autre forme.

J'ai peur que les formes d'intégration que tu décris ne soient que la conséquence d'un problème beaucoup plus profond qui touche l'ensemble de la société et qu'on va retrouver aussi bien dans les entreprises sous d'autres formes destinées à casser les individus.

Ce n'est pas l'aspect sexuel des jeux que tu décris qui me gène (et presque ça me gène qu'on mette ça en avant, d'où ma réaction intiale), mais le fait que les participants se sentent obligés de participer vis à vis du groupe en livrant leur corps à la collectivité. C'est le conformisme qui est flippant. Il faut le dénoncer comme tu le fais, mais il faut dénoncer à mon sens en même temps la structure sociale qui est symbolisée par ces pratiques. Il faut tout remettre à plat, et dire qu'on ne veut plus vivre dans une société moutonnière fondée sur ce type d'incorporation du corps humain à un corps collectif, à une corporation... et définitivement repenser l'éducation d'une toute autre façon.

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Re: Le bizutage

Messagepar Nicolopolo » jeu. 14 mars 2013, 17:47

Au risque de paraitre un peu nombriliste, je vais vous faire part de mon expérience sur le sujet.

Je n'ai jamais été dans une grande école parisienne, j'ai commencé mes études dans une petite fac de province dans laquelle les effectifs étaient limités. Il n'y avait pas de week end d'intégration, seulement une soirée quand je suis arrivé en première année. Et il n'y a eu aucun débordement.
La majeure partie de la soirée a été consacrée à des jeux tout à fait innocents, par équipe (les bizuts étant mélangés aléatoirement par les soins des organisateurs), comme un blind test, un concours de blague, ce genre de choses... Plus la récitation d'un code dit qui était un peu dépassé et faisait un peu trop l'apologie de la boisson. Ce qui mettait les étudiants musulmans dans une situation un peu inconfortable.
Certes les étudiants étaient incités à boire, certes il y a eu un concours de strip tease donnant lieu à l'élection de Mister Bizut et un concours de danse pour Miss Bizut. Mais oui, là est ma remarque : ici les rôles étaient inversés. L'un des buts était de montrer aux garçons ce que ressent une fille quand elle est réduite à l'état d'objet sexuel. Et j'étais parmi les strip teasers, ça ne m'a pas traumatisé, au contraire ça m'a appris quelque chose.
La seule obligation qu'avaient ensuite Mister et Miss Bizut était d'être pris en photo ensemble. Rien de plus.
Je conçois que ça n'est certainement pas le cas de tout le monde, ça peut en choquer certains. Reste que l'ambiance était bon enfant.

J'avance de deux ans. Par un hasard de circonstance plus que par réel ambition, je me suis retrouvé président du BDE et par conséquent maître de cérémonie de l'intégration.
La première chose que j'ai faite à ce titre a été de ne pas limiter l'intégration à la seule soirée. Le BDE a alors créé un jeu l'après-midi même de la rentrée. Mais pas un jeu type "bataille de farine" ou ce genre de chose. Non, c'était une chasse au trésor dans les rues de la ville. Les organisateurs formaient des équipes de gens qui ne se connaissaient pas et ils devaient arriver les premiers à un endroit qu'ils ne connaissaient pas, ce qui les obligeaient à collaborer ensemble, à parler et donc à faire connaissance tout en découvrant des lieux de la ville qui leur seraient agréable de connaître (salle de spectacle, bureau info jeunesse, RU, bars sympas...). Les premiers arrivés gagnaient un prix (étudiants en droit, on leur offrait un Code civil, ce qui est loin d'être un cadeau sans valeur).
Ensuite venait la soirée. Nous avons voulu garder ce qui marchait : la formation aléatoire des équipes, les jeux innocents. Rien de plus. Le code qu'on m'avait fait lire lors de mon intégration a été totalement remanié par mes soins pour en amoindrir les aspects les plus corporatistes et remplacer toute notion d'alcool par la seule mention de "verre" qui laisse à chacun le soin de choisir ce qu'il veut boire.
Le strip-tease masculin est resté. Et avec le recul, c'était peut-être une erreur. Pour autant, je ne le regrette pas parce que, comme je l'ai dit, ça ne fait pas de mal d'inverser les rôles de temps en temps.

L'un des anciens (président au moment de mon intégration) a été scandalisé par mon "abandon de la tradition". Il avait une vision beaucoup plus élitiste de l'université et je n'étais, à ses yeux, qu'un parvenu. Je l'ai envoyé chié et il n'a plus jamais été invité aux soirées organisées par le BDE.

Si l'intégration a évolué depuis que je suis parti, il est resté plus ou moins sur la même ligne. Ce que je veux signaler ici, c'est que le bizutage en lui-même n'est pas condamnable. Il est une façon de créer des liens, de briser la glace. Tout ce qu'il faut, c'est le faire avec la manière et savoir dire merde à ce qui se faisait avant.


Maintenant, je voudrais attirer votre attention sur une autre forme de bizutage, plus pernicieuse. Certains d'entre vous ont sans doute entendu parlé de la Faluche durant leurs études. Cette coiffe est soit disant une tradition étudiante remontant à la fin du XIXe siècle mais a été très largement abandonné lors de mai 1968. Aujourd'hui, moins de 1% des étudiants la porte, ce qui en fait une petite société élitiste et fermée dont l'ambiance et la philosophie est d'autant plus contestable. Pour vous en convaincre, je vous laisse lire les articles du code de la Faluche (http://www.faluche.info/index.php/la-faluche/codes-de-la-faluche/code-national-de-la-faluche/24-code-national-de-la-faluche-124eme-anniversaire) et particulièrement son article XII.
Je vous laisse réagir là-dessus...
La démocratie, ce n'est pas élire quelqu'un en votant pour lui.
La démocratie, c'est l'idée que chacun peut donner son avis sur ce qu'est le bien commun et y travailler au profit de tous.


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