Le bizutage
Publié : mer. 26 sept. 2012, 10:55
On discute souvent du nombre de morts sur les routes, des solutions afin d'endiguer l'hécatombe. A défaut de changer le système, le politique veut réduire les risques. Le bizutage on en parle lors d'un viol ou lorsqu'un jeune se fait graver le nom d'une association dans le dos. On condamne le "dérapage". Mais s'il tue c'est parce qu'il existe, et c'est pour cela qu'il est interdit.
Que dit la loi ? "Hors les cas de violences, de menaces ou d’atteintes sexuelles, le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 Euros d’amende."
Mais le bizutage se poursuit souvent sous d'autres noms.
Si j'aborde le sujet c'est parce que j'ai assisté à un bizutage caché derrière un "week-end d'intégration". Outre un mineur qui a fini à l'hôpital à 10h du matin pour coma éthylique j'ai pu voir des actes inimaginables dans un école de la République: des anciens qui frappent les nouveaux, des jeunes filles dont on arrache les soutiens-georges pour écrire au feutre une classification des "bonne à baiser" en passant par les "salopes" et autres joyeusetés qui allaient de l'antisémitisme à l'homophobie en passant par le racisme. Bref, une vision totalement distordue de la camaraderie et de la femme, au nom de "second degré" et de la fameuse citation de Pierre Desproges "on peut rire de tout", le "mais pas avec n'importe qui" ayant du s'évaporer des esprits avec les volutes d'alcool. Plus largement, ce genre d'évènements est inquiétant concernant les questions de discriminations liées au genre. La femme y est réduite à un objet avec son consentement, poussée par le groupe, l'alcool et le manque de sommeil car empêché. Celui qui ose remettre en question le détourage au feutre des défauts d'une fille peut être traité de macho car il refuse d'admettre que la femme est un sujet libre et qu'elle veut cela.
Chaque année, des jeunes meurent pour rien, que cela soit directement ou indirectement, par les conséquences psychologiques que cela peut entrainer. Sans parler des normes intériorisées par ceux qui semblent s'accommoder ce qui s'apparente à mon sens à une fondation de l'identité estudiantine basée sur le viol et la reproduction d'un sexisme qui ne dit pas son nom. Et cela se répète, inlassablement, et avec le consentement de nombreux citoyens passifs ou actifs. On rigole du folklore alors qu'il s'agit là de déshumaniser l'autre, de le nier pour le lier à son tortionnaire dans un lien pervers qui se reproduit et se recycle. Le sociologue René de Vos a écrit un ouvrage sobrement intitulé Le bizutage qui traduit bien les mécanismes à l'oeuvre dans cet expérience qui représente une sélection après la sélection. Souvent celles des filières sélectives et élitistes.
Le constat est simple: la loi existe, mais peu portent plainte et les bizutages se perpétuent en toute impunité.
J'estime qu'aujourd'hui on peut se poser deux questions:
1. Comment sortir les victimes de leur situation ?
2. Comment mettre fin à ces phénomènes ?
Comment faire lorsqu'on a tout le monde contre soi dans le silence et que l'on risque de compromettre son parcours académique en prenant la parole face à une institution qui veut protéger son image avant toute chose ?
Le point Godwin est rapidement atteint, les rôles inversés: celui qui se soulève contre le bizutage finit "délateur", le tortionnaire "nazi" alors qu'il a souvent été victime lui aussi, s'il n'a pas demandé à plus subir que les autres lors de son propre bizutage, ce que j'ai pu constater dans l'établissement où j'étais.
Devrait-on encourager le "lanceur d'alerte" ? par de la prévention et un soutien juridique et psychologique extérieur à l'établissement touché ? Les associations ne peuvent faire ce travail seules, et elles demeurent inconnues des étudiants qui considèrent souvent que le bizutage n'a rien de choquant, se basant sur une vision de l'homme libre et affirmant sa volonté en toutes circonstances.
D'une manière plus radicale, l'évènement alcoolisé autour du binge drinking doit-il être subventionné ? L'alcool est bien souvent la cause des conduites dangereuses lors des bizutages. Ou est-ce l'évènement constituant un groupe sans but ni activité non-régressive qui doit être visé ? Ce sont dans ces conditions que les plus pervers prennent le pouvoir. Par ailleurs, supprimer les week-end d'intégration et les bizutages pourrait aussi rendre service aux étudiants les plus pauvres, exclus de ces évènements parfois très coûteux. Libre aux étudiants d'aller se bourrer la gueule, de s'insulter et de se frapper à leurs frais et en dehors du cadre lié à l'enseignement.
Pour remplacer le bizutage, l'intégration ne pourrait-elle pas avoir lieu autour du sport, de la culture et de l'entraide ? Un exemple d'intégration: à Paris, les classes d'une école organisent à la rentrée des prises de paroles autour de la culture parisienne, dans les lieux publics. En province, une randonnée est organisée par l'association sportive. Bref, les exemples ne manquent pas.
Que dit la loi ? "Hors les cas de violences, de menaces ou d’atteintes sexuelles, le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 Euros d’amende."
Mais le bizutage se poursuit souvent sous d'autres noms.
Si j'aborde le sujet c'est parce que j'ai assisté à un bizutage caché derrière un "week-end d'intégration". Outre un mineur qui a fini à l'hôpital à 10h du matin pour coma éthylique j'ai pu voir des actes inimaginables dans un école de la République: des anciens qui frappent les nouveaux, des jeunes filles dont on arrache les soutiens-georges pour écrire au feutre une classification des "bonne à baiser" en passant par les "salopes" et autres joyeusetés qui allaient de l'antisémitisme à l'homophobie en passant par le racisme. Bref, une vision totalement distordue de la camaraderie et de la femme, au nom de "second degré" et de la fameuse citation de Pierre Desproges "on peut rire de tout", le "mais pas avec n'importe qui" ayant du s'évaporer des esprits avec les volutes d'alcool. Plus largement, ce genre d'évènements est inquiétant concernant les questions de discriminations liées au genre. La femme y est réduite à un objet avec son consentement, poussée par le groupe, l'alcool et le manque de sommeil car empêché. Celui qui ose remettre en question le détourage au feutre des défauts d'une fille peut être traité de macho car il refuse d'admettre que la femme est un sujet libre et qu'elle veut cela.
Chaque année, des jeunes meurent pour rien, que cela soit directement ou indirectement, par les conséquences psychologiques que cela peut entrainer. Sans parler des normes intériorisées par ceux qui semblent s'accommoder ce qui s'apparente à mon sens à une fondation de l'identité estudiantine basée sur le viol et la reproduction d'un sexisme qui ne dit pas son nom. Et cela se répète, inlassablement, et avec le consentement de nombreux citoyens passifs ou actifs. On rigole du folklore alors qu'il s'agit là de déshumaniser l'autre, de le nier pour le lier à son tortionnaire dans un lien pervers qui se reproduit et se recycle. Le sociologue René de Vos a écrit un ouvrage sobrement intitulé Le bizutage qui traduit bien les mécanismes à l'oeuvre dans cet expérience qui représente une sélection après la sélection. Souvent celles des filières sélectives et élitistes.
Le constat est simple: la loi existe, mais peu portent plainte et les bizutages se perpétuent en toute impunité.
J'estime qu'aujourd'hui on peut se poser deux questions:
1. Comment sortir les victimes de leur situation ?
2. Comment mettre fin à ces phénomènes ?
Comment faire lorsqu'on a tout le monde contre soi dans le silence et que l'on risque de compromettre son parcours académique en prenant la parole face à une institution qui veut protéger son image avant toute chose ?
Le point Godwin est rapidement atteint, les rôles inversés: celui qui se soulève contre le bizutage finit "délateur", le tortionnaire "nazi" alors qu'il a souvent été victime lui aussi, s'il n'a pas demandé à plus subir que les autres lors de son propre bizutage, ce que j'ai pu constater dans l'établissement où j'étais.
Devrait-on encourager le "lanceur d'alerte" ? par de la prévention et un soutien juridique et psychologique extérieur à l'établissement touché ? Les associations ne peuvent faire ce travail seules, et elles demeurent inconnues des étudiants qui considèrent souvent que le bizutage n'a rien de choquant, se basant sur une vision de l'homme libre et affirmant sa volonté en toutes circonstances.
D'une manière plus radicale, l'évènement alcoolisé autour du binge drinking doit-il être subventionné ? L'alcool est bien souvent la cause des conduites dangereuses lors des bizutages. Ou est-ce l'évènement constituant un groupe sans but ni activité non-régressive qui doit être visé ? Ce sont dans ces conditions que les plus pervers prennent le pouvoir. Par ailleurs, supprimer les week-end d'intégration et les bizutages pourrait aussi rendre service aux étudiants les plus pauvres, exclus de ces évènements parfois très coûteux. Libre aux étudiants d'aller se bourrer la gueule, de s'insulter et de se frapper à leurs frais et en dehors du cadre lié à l'enseignement.
Pour remplacer le bizutage, l'intégration ne pourrait-elle pas avoir lieu autour du sport, de la culture et de l'entraide ? Un exemple d'intégration: à Paris, les classes d'une école organisent à la rentrée des prises de paroles autour de la culture parisienne, dans les lieux publics. En province, une randonnée est organisée par l'association sportive. Bref, les exemples ne manquent pas.