harpalos a écrit :
Un peu comme dans la vie réelle en fait. Un quidam monte dans le bus, insulte le chauffeur à coup d'injures racistes et descend et se fond dans la foule.
En laissant une trace dans la mémoire des autres passagers (son visage, sa voix, la direction dans laquelle il est partie).
Sur Internet, il n'y a pas de traces, à part l'adresse IP. Accepter qu'une adresse IP puisse servir de "relais anonymisateur" pour des actes délictieux c'est, de fait, abandonner totalement l'idée de poursuivre ces actes. Autant les légaliser.
Autrement dit, dans le monde réel il y a toujours un léger risque qu'un passager intercepte le quidam, qu'il soit reconnu par un proche, qu'il soit pris en photo. On est dans le réel, imparfait et bordélique, et ce léger risque fait que pour la majorité des gens qui auraient envie de faire une connerie, ils ne la font pas car l'enjeu ne vaut pas le petit risque.
Sur Internet, si tu supprimes la traçabilité, alors l'anonymat absolu est garanti. Autrement dit, n'importe qui peut enfreindre n'importe quelle loi en étant
certain de ne pas devoir répondre de ses actes.
Internet n'est pas une zone de non droit, et je ne suis pas d'accord pour y faire des lois d'exceptions.
Pour l'instant, si, Internet est une zone de non-droit.
Exemple entre mille: il y a quelques jours j'ai reçu un spam envoyé depuis un ligne Numericable, sur mon serveur en France. Le spam (prospection commerciale sans accord préalable) est un délit en France. Pourtant, je n'ai absolument aucun moyen de faire condamner le responsable de ce spam. Étant donné que le gros nul qui s'est fait véroler sa bécane et a une ligne NC n'est tenu à juste aucune obligation.
Pourtant, techniquement, c'est un hébergeur: il héberge (ou a hébergé) un service de relayage de mail, pour le compte d'une entreprise de vente de viagra basée en Russie ou je ne sais où. À partir du moment où quelqu'un est hébergeur, même si c'est à son insu, je trouve normal qu'il soit soumis aux mêmes obligations que les autres hébergeurs.
Concernant les lois d'exception: effectivement, on peut continuer à appliquer le droit commun sur Internet. Tout comme, au lieu de se doter d'un code de la route, on aurait pu laisser les gens y faire ce qu'ils veulent et traiter chaque accident au cas par cas, en se servant des lois habituelles qui régissent les incidents de la vie courante.
T'imagines le merdier? Pour chaque accident il faudrait décider au cas par cas des responsabilités, de si telle vitesse à tel endroit était, ou pas, une imprudence..
On s'est doté d'un code de la route pour éviter ça. Avoir un "code d'Internet" ne me paraît pas excessif. Tu peux appeler ça "lois d'exception", ça n'enlève pas leur pertinence.
Un exemple de ces "lois d'exception": le statut d'hébergeur. Qui me paraît être un juste équilibre entre un excès qui consisterait à rendre les hébergeurs responsables du contenu hébergé, et l'autre excès qui consisterait à garantir l'impunité dès qu'on passe par un hébergeur.
Tu proposes une traçabilité totale de la communication et une obligation de sécurisation sur les postes des particuliers, à défaut de quoi ils se retrouvent responsables de ce que des criminels ont fait de leur ligne ?
Pas responsables de ce que les criminels ont fait: responsables du fait de ne rien avoir fait, ni pour l'empêcher, ni pour garder une trace.
Ce qui me dérange, avec le modèle que tu proposes, c'est le régime d'irresponsabilité qu'il implique: il suffit d'avoir l'attitude d'une autruche pour être à l'abri. J'installe un Windows cracké, je ne mets aucune sécurité, ma machine se transforme en zombieland qui vomit tout et n'importe quoi sur Internet, mais tant que je garde la tête dans le sable en prétextant l'ignorance et le m'en-foutisme, la responsabilité s'arrête à mes portes.
Ça a été jusqu'ici la règle: Internet = far-west. Et la conséquence immédiate de cette non-responsabilité est qu'on assiste à une justice privée: des blacklist antispam qui listent TOUTES les IP résidentielles comme spammeuses, des FAI qui bloquent le port 25 ou qui déconnectent leurs abonnés sans prévenir.
Tout simplement parce qu'il est nécessaire d'agir contre ce merdier, et que, faute d'action des pouvoirs publics, chacun fait sa police sans régulation.
Au parti pirate, on milite pour que la même logique s'applique sur internet (en particulier HADOPI), et certainement pas de condamner quelqu'un qui est victime et qui ne sait pas dire qui était le vrai coupable. On milite pour éviter que des lois d'exception ne soient écrites pour internet.
Le problème avec Hadopi c'est la sacralisation du droit d'auteur, placé dans un statut "à part", par rapport à d'autres droits qui peuvent être attaqués via Internet.
Ensuite, je n'appelerais pas "victime" quelqu'un qui s'est fait véroler sa machine en téléchargeant Photoshop_cracké.exe sur la mule et qui a désactivé l'antivirus pour pouvoir l'installer. C'est quelqu'un qui a sacrifié la tranquilité des autres internautes pour éviter de payer 500€ de licence, et à mes yeux sa mauvaise foi et son indifférence au trouble qu'il sème ne justifie pas de considérer son choix "je gagne 500€ et j'emmerde le monde" comme un état de victime.
Là oui, c'est un peu fort. Nul ne devrait pouvoir être condamné par le fait d'autrui.
Ça n'empêche pas d'être tenu responsable des dommages causés à autrui. Si ton chien, ton robinet mal fermé, vont mordre le voisin ou inonder son appartement, c'est toi qui paies les dégâts. Et si tu as manqué à des obligations élémentaires de sécurité (mettre une muselière à un chien dangereux, faire réparer une installation obsolète) tu peux être tenu pénalement responsable.
On milite pour que la loi normale s'applique sur internet et pas un fichage systématique des moindres faits et gestes façon pays de l'Est.
On veut éviter un État policier sur internet, un État où un commentaire dans un blog ou un facebook vous fait prendre un procès par une multinationale en furie ou une garde a vue par des policiers qui n'ont pas le sens de l'humour.
Un commentaire dans un blog ou sur Facebook est une
publication. En tant que publication c'est normal qu'elle soit soumise aux lois qui régissent l'expression en public.
Ce qui peut-être problématique c'est:
- d'avoir des interdictions abusives. Mais j'ai cru comprendre que le Parti Pirate souhaitait une évolution de la législation sur, par exemple, les droits d'auteur, la contrefaçon, le jailbreak, afin d'autoriser certaines pratiques qui apportent plus à la société qu'elles ne lui font perdre. À ce moment là, si l'ensemble de ce qui est autorisé est raisonnable et positif, pourquoi vouloir protéger les gens qui passent outre les interdictions?
- d'avoir une police et une justice agressifs aux actions démesurées. Là encore, la bonne réponse n'est pas de garantir l'impunité, mais (par exemple) de limiter les moyens d'enquête en proportion de la gravité du délit commis. "Hou la menteuse" ne mérite pas une garde à vue ni une perquisition. Ça rejoint le problème du fichier des marqueurs ADN et ce genre de choses: pour des petites conneries la justice répond d'une façon disproportionnée. C'est un problème qui dépasse très largement le cadre d'Internet.
- les gens n'ont pas conscience de publier quelque chose quand ils écrivent sur Internet. Là encore, transformer Internet en bac à sable pour gamins qui découvrent la vie ne me paraît pas souhaitable. Écrire un truc sur un blog ou Facebook a exactement la même portée que le publier dans un journal ou l'écrire sur un tract distribué à des milliers d'exemplaires. Il serait temps de prendre conscience de cette évidence. Il n'y a absolument aucune raison de traiter différemment un propos publié sur Internet d'un propos publié dans un journal à grande diffusion. La réponse à ce problème est de former, d'éduquer, de faire prendre conscience chaque internaute qu'il est potentiellement lu par l'ensemble des autres internautes dès qu'il publie.
Ce qui me dérange dans l'approche retenue par le PP, c'est le côté "On rase gratis". Les idées sont finalement très "internauto-démagogiques": on veut flatter l'internaute moyen dans le sens du poil. Lui garantir l'impunité s'il insulte quelqu'un via Internet. Lui donner son warez quotidien. Fermer les yeux sur le fait qu'il connecte une poubelle vérolée à Internet.
On a des adultes qui se comportent comme des enfants, sur Internet.
La réponse actuelle de l'UMP c'est "on va traiter les gens comme des enfants": HADOPI les gronde et les prive de dessert, LOPPSI et ARJEL veulent transformer le réseau en bac à sable pour neuneus: on considère que les gens ne sont pas capables d'agir de façon responsables, pas capables de réfléchir, et on prend des décisions à leur place, en essayant, par la technologie, de faire d'Internet un espace aussi surveillé, contrôlé et filtré qu'un jardin d'enfant.
La réponse du PP semble être "Mais oui, faites les cons en toute impunité" et... voilà. Faites les andouilles sur Internet, ad nauseam, on vous couvre.
J'aimerais un discours politique plus responsabilisant, plus courageux. Un discours où les individus sont responsables de leur faits et gestes. Une politique où, si ce qui est permis sur Internet devient raisonnable, alors il n'y a pas de raison de fermer les yeux sur le fait d'enfreindre les limites de ce qui est permis.
Mais ça ne les dispense pas d'accepter que je puisse utiliser mon droit de propriété (le vrai, celui des biens matériels), pour ouvrir ma console de jeu vidéo (ou mon DVD) avec un tournevis et de regarder ce qu'il y a dedans avec une loupe ou un dés-assembleur ou des logiciels ad-hoc écrits par des hackers et publiés sur internet.
Tout à fait. Ma position visait simplement à garantir le droit de propriété sur le matériel. Autrement dit, au lieu de s'en remettre à la bonne fortune pour "espérer qu'un jour quelqu'un parviendra à casser la protection", on garantit le droit de faire tourner un autre logiciel sur le matériel. C'est:
- plus sain techniquement, vu que l'accès au matériel est garanti,
- plus sain éthiquement, vu qu'au lieu de proposer un "firmware propriétaire jailbreaké que les lois internationales voient comme une contrefaçon" on peut repartir from scratch avec du 100% libre.