Légalisation de toutes les drogues
Publié : mar. 24 avr. 2012, 17:01
Pour les raisons exposées dans la contribution elle-même, j'ai cru préférable de créer un nouveau topic plutôt que de l'insérer comme réponse à celui qui traite de la dépénalisation du cannabis voir ci-après.
de la légalisation de toutes les drogues
pour sortir d’une situation qui n’a de saine que l’apparence.
Ce que signifierait au juste légaliser
Le terme légalisation (employé ensuite) ne correspond ni à une volonté de banaliser la consommation de drogue, ce qui reviendrait à faire preuve d’un laxisme irresponsable, et encore moins à la volonté d’encourager sa consommation - nous nous placerions alors dans une perspective carrément criminelle - mais, en reconnaissant d’une manière égale toutes les consommations de toutes les drogues comme responsable de nombreux problèmes sanitaires et sociaux, à construire un cadre légal qui permette de traiter les effets néfastes de l’ensemble de ces consommations non souhaitables, avec des chances de succès supérieures aux résultats obtenus par la seule répression liée à leur pénalisation qui, dans le cas de certains produits, se double d’un caractère illégal (loi de 1970) à l’origine d’une opacité préjudiciable au traitement de ces problèmes.
Après quarante années - un bail ! - de traitement purement policier dans le cadre d’une prohibition stricte - en théorie : les résultats sont non seulement décevants mais plus encore alarmants puisque - en pratique - contraires à l’objectif poursuivi. La « guerre à la drogue » menée sur le modèle américain : du tout judiciaire, policier et militaire, produit des effets dévastateurs sur les lieux de production (guerre de gangs, financement des guérillas de type Farc ou talibanes).
Ce mode de lutte institutionnelle favorise, en fait ,les filières illicites de transport en les obligeant à se rendre moins détectables (les acteurs du terrorisme international y trouvent par ailleurs un épouvantable « complément de ressources »), et, enfin, sur les lieux de consommation, chez le consommateur donc, elle ne produit qu’une contention marginale de la distribution dépendant des seules performances douanières et policières.
En outre, depuis que les trafiquants sont parvenus à saturer les États-Unis de produits stupéfiants (cette quasi saturation du marché nord-américain est constatée par tous les observateurs) l’Europe et les pays développés sont devenus leur cible prioritaire parce qu’ils représentent la promesse de profits substantiels.
Voulons-nous devenir l’Eldorado des mafieux ?
Devant ce bilan, l’heure a sonné de remettre en cause les pré-supposés de cette « lutte » si nous souhaitons obtenir des résultats durables dont nous puissions nous féliciter.
Il n’est pas de notre propos de critiquer ici l’action des forces de police ou de douanes qui exécutent avec le courage et la détermination qui caractérise les hommes de terrain, ce que le législateurs et l’exécutif ont arrêté en matière de lutte contre la drogue mais d’affirmer que devant l’échec patent de ces politiques (le tout répressif) la responsabilité des politiques ne saurait être, plus longtemps occultée.
Il convient d’agir selon une optique radicalement nouvelle si nous souhaitons obtenir des résultats sur tous les plans car le problème de la consommation de drogue nous oblige à la considérer dans toute sa complexité. Le moraliste ambiant n’est, de notre point de vue, ni pertinent ni efficace. Comme on fait de la mauvaise littérature avec de bons sentiments, on fait - aussi mal d’ailleurs - de la mauvaise politique avec de bonnes intentions. Si nous souhaitons faire de la bonne politique au service de tous les citoyens, nous défendrons la légalisation de toutes les drogues.
Usage : avec ou sans S
L’utilisation de drogues est une pratique répandue à travers l’espace et le temps. À l’origine, rituelle, pour l’essentiel, chamans, sorciers, devins, pythies, vestales et prêtres ont employé ce moyen dont l’homme connait les effets sans les maîtriser, pour dépasser, croient-ils, leurs limites ou « ce » qu’ils ressentent comme telles. Aujourd’hui, dans les pays développés, où se concentrent les consommateurs solvables, selon les critères que se font de cette notion les mafias modernes - c’est-à-dire : les États-Unis et l’Europe, la consommation de drogue atteint un niveau inédit qui indique que son usage s’est sécularisé sur une base festive quasi domestique.
Distinguer l’usage festif de l’addiction
L’usage festif qui est une adaptation, fâcheuse lorsqu’elle est trop fréquente, de l’usage rituel d’origine, prétend réduire les inhibitions du consommateur pour lui permettre de faire brièvement l’expérience d’un autre état de conscience.
Cette consommation festive à caractère exceptionnel ne saurait être confondue, sans dommage pour la clarté du propos, avec une consommation accoutumée qui, comme son nom l’indique, renvoie à l’abdication de la volonté propre du consommateur. Dans ce cas, ce dernier est malade du produit. Concernant l’alcool, cette abdication est considérée comme le symptôme d’une maladie : l’alcoolisme ; il doit en être de même lorsqu’il y a prise récurrente des autres drogues. Au même titre que l’alcool, l’addiction à une autre drogue doit être reconnue comme symptomatique d’une pathologie.
Si l’addiction cannabique est le symptôme d’une maladie encore innommée (à notre connaissance) dont souffre son consommateur régulier, nous devons le considérer comme un malade à part entière. À ce titre, il doit profiter de la même protection sociale et de la même sollicitude que l’alcoolique. Il en va de même pour l’héroïnomane, l’opiomane, l’éthéromane… et toutes pathologies comparables. Nous ne pouvons nous satisfaire de soutenir un malade - l’alcoolique - et de criminaliser les autres toxicomanes parce que ce serait tout simplement injuste et contraire à l’égalité de traitement des citoyens.
Une « spécificité » française ?
Si l’alcool, qui est également un toxique puissant, fait partie de notre horizon culturel de longue date, malgré les ravages bien connus qu’il produit en matière de santé publique, le cannabis reste l’objet d’une pénalisation totale : détention et consommation. Or les équilibres démographiques ont changé et si la France refuse obstinément de savoir combien de citoyens d’origine orientale, pour ne renvoyer personne à son origine ou à sa religion, assignation constitutive de la forme la plus détestable du racisme, force est de constater que la consommation de cannabis représente, pour ces populations, le miroir inversé de la consommation d’alcool puisque cette substance leur reste interdite pour des motifs que nous n’avons pas à juger.
Or une spécificité française (fruit de l’exception éponyme ?) fait d’un alcoolique un « bon vivant » et d’un consommateur de cannabis, même occasionnel, un délinquant. Bizarre autant qu'étrange. Si le problème numérique demeurait négligeable c’est-à-dire comparable en nombre à ce qu’il était avant la première guerre mondiale (entrée de neuf originaires coloniaux par an), il n’a cessé depuis d’évoluer avec la diversité de la population.
Sanctuariser cette spécificité revient-il à dire que les élus imaginent que le monde n’a pas changé de puis 1914 où bien est-ce le moyen d’exercer une pression politique sur une partie de la population française, estimée à dix pourcents, en faisant de ces consommateurs des délinquants pour leur assigner une citoyenneté de seconde zone, parce que perpétuellement menacée ? Là, réside la vraie question.
Mais alors… quid de tous nos amis : professeurs, policiers, éducateurs, pompiers, infirmiers, médecins, commerçantes, techniciennes, vendeuses, étudiantes, chômeurs, universitaires qui ne dédaignent pas de partager un splif, un joint, un bédo avec un ou une amie ?
Sont-ils tous délinquants ?
Vivrons-nous au milieu de délinquants ?
C’est parce que nous ne nous habituons pas à cette torsion de la réalité, il suffit de sortir un peu pour la découvrir, que nous croyons nécessaire de réviser en profondeur la position vis-à-vis des drogues en préconisant une légalisation, disposée par le législateur qui donne à l’exécutif les moyens de sa mission. Une légalisation sans œillère mais aussi sans faiblesse ni complaisance pour les puissances mafieuses quelque que soient leur influence et peut-être, qui sait, leurs appuis.
Aspect pénal
En l’état
La loi française du 31 décembre 1970 est une des plus répressives d'Europe avec les résultats que l’on constate. Résultats de nature paradoxale, d’une part, la criminalisation d’une portion croissante de la population (le 1,2 million de consommateurs français vivent sous la menace d’une interpellation) et, d’autre part, l’impossibilité d’appliquer de manière uniforme le volet répressif de cette législation. Ce manque d’uniformité, d’égalité de traitement, alimente les populismes trop heureux de pouvoir stigmatiser tel ou tel, et il accroit le sentiment d’une justice à deux vitesses, et partant d’une injustice. Ce ressenti inégalitaire n’est profitable ni à l’intégration des consommateurs et notamment celle dont l’option festive privilégie le cannabis pour des motifs culturels, ni profitable au rétablissement de la confiance que les citoyens doivent développer à l’endroit des institutions sensées les protéger.
Projection
Une fois définie une offre légale, assortie d’un périmètre de pénalisation de la publicité, de la contrebande et du trafic, la justice pourra sévir en toute rigueur à l’endroit des trafiquants et des publicistes dont le rôle mafieux ne fera plus de doute ni pour les consommateurs ni pour les non consommateurs. Les consommateurs étant les premiers, parce qu’ils en paient le prix, à déplorer l’état actuel qui, objectivement, donne licence à des criminels dénuées de scrupules d’agir en régulateurs d’un marché que la puissance publique fait profession d’ignorer en prédisant son extinction prochaine grâce au tout répressif.
Dans le cadre de la nouvelle légalisation, l’application de peines « plancher » d’une sévérité accrue pourront être prononcées et acceptées dans toutes leur étendue puisqu’elle ne concerneront « mécaniquement » qu’un nombre réduit d’individus qui auront, par leurs agissements, fait la preuve de leur caractère violemment antisocial et dont plus personne ne tolérera la pseudo-connivence avec les consommateurs lesquels auront cessé d’être leurs premières victimes doublement pénalisées peur leur « consentement au mal » que toute prohibition ne manque jamais d’introduire. la légalisation permet d’entrevoir ce que serait une politique ambitieuse en matière de lutte contre les trafiquants de drogue.
Aspect social
La consommation de drogue, hors trafic, au vu des tarifs pratiqués, pousse de plus en plus de consommateurs démunis à sombrer dans la petite et moyenne délinquance. La dé-socialisation qui en résulte : prononcer de peine avec sursis, inscription au casier judiciaire, prison, etc., emporte des effets de bord considérables à la nocivité avérée.
Cette petite et moyenne délinquance, qui s’exprime sous la forme d’atteintes aux personnes aux biens, est la porte ouverte à la grande délinquance. Un faux-pas en entrainant un autre, une fréquentation une autre (la prison est un lieu redoutable à cet égard), une fenêtre s’ouvre sur le crime organisé dont les acteurs les plus pervers vont jusqu’à s’abriter derrière le terrorisme sanglant pour masquer l’aspect sordide de leur méprisable cupidité.
La légalisation brisera cette spirale et c’est tant mieux car à l’exception des personnes qui font du crime leur affaire - tout porte à croire que les plus endurcis se recycleront dans d’autre voies malfaisantes : légaliser n’est pas rêver d’un monde subitement idéal, peuplé de « Bisounours », il ne se trouvera plus beaucoup de consommateurs et de trafiquants d’occasion pour regretter et reproduire les minables combines auxquelles les contraint la législation actuelle qui crée, de manière factuelle, les failles dont elle récuse l’existence.
Aspects sanitaires
Toutes les drogues qui donnent lieu à accoutumance, au premier rang desquelles l’alcool, ne produisent pas une addiction systématique au produit dans le cas consommation festive exceptionnelle. Cependant les effets de l’ivresse cannabique, la dépendance physique aux toxiques puissants que sont l’héroïne et la cocaïne, sont étudiés et connus. Ils se révélent redoutables pour la santé des consommateurs car le danger est patent sinon certain d’aboutir à une altération définitive de leur état de santé.
La MILDT souligne ces risques, les mesure et accomplit un travail de prévention salutaire. Ce sera donc avec la plus grande circonspection que la puissance publique devra accompagner les toxicomanes qui livrent leur santé, physique et mentale, et parfois celle d’autrui (cas heureusement exceptionnel des femmes enceintes) à l’emprise puis aux dégâts de ces stupéfiants. Le rôle du système de santé doit être privilégié pour leur en éviter les conséquences désastreuses et, faut-il le souligner, dans bien des cas irréversibles.
L’addiction est définie par des critères précis comme l’impossibilité de maîtriser une consommation qui n’a plus rien à voir avec une consommation exceptionnelle ou en rapport avec une pratique festive. L’addiction peut, selon les produits, procéder d’une dimension psychologie et/ou physique. Une fois la constatation de l’addiction établie par un professionnel de santé habilité à poser ce diagnostic, tout doit être entrepris pour abolir cette addiction au moyen de soins appropriés.
Si la cure échouait, le professionnel de santé doit se trouver en capacité de fournir le produit au toxicomane (la minima en fonction de son état de dépendance) et cela dans des conditions de sécurité sanitaire maximum, à un prix qui ne le condamne de facto pas à la délinquance, étant entendue que celle-ci commence avec la publicité qu’il serait tenté de donner mal-à-propos à son état ou au traitement dont il bénéficie.
Enfin, la traçabilité de la fabrication des stupéfiants doit être assurée de manière rigoureuse par l’autorité sanitaire compétente, de même que leur qualité substantielle de sorte qu’à l’addiction, déjà difficile à soigner, ne s’ajoute pas une « iatrogénie clinique » liée à l’altération des produits consommés ou à leurs conditions d’administration particulièrement délicates lorsqu’il il y a emploi ou réemploi de matériels d’injection.
Aspects économiques
La consommation de drogues en particulier celles encore illicites à ce jour : cannabis, cocaïne, héroïne, ecstasy, produit une économie souterraine soutenue. Elle se chiffre pour la France en milliards d’euros. Cette économie dans certaines zones urbaines défavorisées atteint une importance telle que le combat trop vigoureux des forces de l’ordre contre les trafiquants aboutit à des effets économiquement « pervers » consistant à priver les habitants de ces zones d’une partie substantielle de leur revenus.
Cette « perte de revenus », on n’ose dire d’exploitation, a conduit, en 2011, des acteurs économiques locaux : petit commerce, grande distribution, bailleurs sociaux à s’émouvoir de la situation, mezzo voce car l’affaire demeure sensible et les chiffres sujets à caution, et à réclamer des dépositaires de l’autorité publique qu’ils mènent un combat « mesuré » contre le trafic de drogue, de sorte à ne pas réduire les petits trafiquants, souvent soutiens de famille, à une détresse financière qui les conduisent à commettre des actes désespérés s’accompagnant d’une violence plus grande encore…et à la ruine pure et simple de l’économie locale. Le paradoxe de la pénalisation nous conduit, malheureusement, à cette impasse !
Légaliser les drogues pour assécher le financement des activités criminelles - pour mémoire un guetteur qui n’a pour seule qualification que de rester assis sur con cul, gagne l’équivalent d’un SMIC - doit s’accompagner d’une stratégie économique importante et concertée. Aider les zones les plus affectées par l’économie de trafic ne constitue pas une « prime à la délinquance ou à la repentance de raccroc » mais fait partie de l’ambition républicaine qui souhaite restaurer l’égalité de traitement entre les citoyens.
Cette ambition passe par la rénovation urbaine, le désenclavement en matière de transport et la formation des jeunes et moins jeunes après une évaluation fine des problématiques et des atouts propres à chacune des zones concernées. Le financement des mesures de transition nécessaires proviendront de la réaffectation d’une partie des crédits alloués à la lutte contre le trafic, mais au delà de ce jeu de vases communicants que les adversaires de la légalisation ne manqueront pas de pointer, les dispositifs nécessaires ne sont pas séparables d’une politique ambitieuse de partage de la connaissance et d’incitation à l’initiative sans lesquelles nous risquerions, selon la formule : « de désespérer Billancourt » et d’avoir à supporter, de manière différée; un coût bien plus élevé.
Un rapide calcul effectué sur la base du prix au gramme selon les qualités de produits disponibles et le nombre estimé de fumeurs habituels de cannabis, laisse espérer, à prix constant, la collecte de trois cents (300) millions d’euros de taxes annuelles. Ces sommes considérables pourraient être affectées à la formation et à la mise en alerte d’un réseau d’urgence toxicologique ainsi qu’au subventionnement de commerce à prix soutenus à proximité ou dans les anciennes zones de trafic. Procurer des denrées de première nécessité à un prix préférentiel à leurs habitants . Il s’agit de pistes comme les autres pour éviter l’attibution de subventions directement aux intéressés qui ne pourraient être comprises de la population.
Aspects géopolitiques
Les pays producteurs à grande échelle des végétaux nécessaires à la confection de produits stupéfiants trouvent dans ces productions agricoles et leur transformation sommaire (parce que la chimie en question est basique n’en déplaise à leurs gourous) en dérivés de médiocre qualité (résine, huile, héroïne, cocaïne) les moyens de financer l’acquisition d’armes de guerre (Liban, Afghanistan, Birmanie, Colombie… Salvador) auprès des pays producteurs d’armes et de munitions.
La production extensive de pavot reste pour la plupart des pays concernés le seul moyen de se procurer les devises grâce auxquelles ils peuvent régler leurs fournitures militaires et paramilitaires. Les pays producteurs et exportateurs d’armes se confrontent au paradoxe (encore un) de la pénalisation. Elle réclame de laisser prospérer chez eux le trafic de drogue pour espérer écouler ses propres productions et obtenir le règlement de leur livraison (armes, munitions, fournitures militaires).
Le précédent historique de la révolte des Boxers montre qu’une opposition populaire et violente à ce « gentleman agreement » : armes contre drogue, peut entraîner une déstabilisation des organisateurs de cet échange malsain dont ils croyaient en demeurer longtemps les bénéficiaires.
Cette approche géopolitique suppose que le ou les pays consommateurs nets de produits stupéfiants : par hasard, ils correspondent au club des pays exportateurs d’armes, prennent la mesure de l’impact commercial et financier sur leur propre industrie (principalement d’armement). Cette branche industrielle doit se préparer, suivant la légalisation, à l’effondrement de la solvabilité de certains de ses clients indirects (gouvernements autoritaires ou corrompus, groupes révolutionnaires, mafias, milices para-étatiques…) officieusement traités par les filières adéquates parce qu’officiellement on ne discute pas avec ces « gens là » !
Cette baisse significative ne doit pas affaiblir le rayonnement de la France (certains politiciens se persuadent, ou font semblant, qu’en prolongeant les pratiques actuelles ils le défendent) dans les pays aussitôt « aidés » par des pays moins « regardants ». Pour compenser le ralentissement prévisible de ces échanges bilatéraux, il est important d’impulser un programme de transfert de technologies non stratégiques de manière à ne pas ruiner les pays producteurs.
Leur déconfiture ne manquerait pas de les plonger dans une crise politique à l’issue incertaine pour eux comme pour nous. Fournir conformément aux orientations de la politique extérieure une aide, dénuée de nocivité, aux gouvernements qui devront gérer l’appauvrissement des populations dont les revenus provenaient pour l’essentiel de ces cultures n’est pas une option, c’est une nécessité.
L’objection selon laquelle les tentatives similaires qui ont été faites par les États-Unis ont échoué, est invalide parce que cette politique de "déplantage" (conduite parfois à l’aide du Napalm, de sinistre mémoire) n’a pas été corellée à une légalisation des produits stupéfiants dans la zone de consommation correspodnante : l’ensemble du territoire des États-Unis ; l’État de Californie n’étant pas seul en cause.
En entraînant un effondrement des prix de vente lié à la perte de leur débouché, ce couplage aurait découragé un trafic dont la rentabilité se serait avérée moins bonne que la reconversion proposée aux paysans producteurs. L’absence de coordination entre les deux volets d’une même action a signé l’échec de ce qu’il faut bien appeler une demi-mesure, et c’est précisément ce qu’il faut éviter pour réussir.
Pour une légalisation en neuf points
Légaliser pour priver de revenus occultes les organisations mafieuses, enrayer leur développement et les éradiquer ;
Légaliser pour garantir la qualité des produits distribués et éviter les drames sanitaires résultant de le consommation de poison (la majorité des overdoses sont provoquées par la mauvaise qualité du produit distribué par les circuits souterrains);
Légaliser pour permettre au corps médical de prévenir l’installation des addictions, par la prescription de substituts pour les toxicomanies les plus lourdes ;
Légaliser pour créer des recettes que l’État affectera au traitement des toxicomanes et à celui des zones de trafic de sorte à amortir le déséquilibre lié à la disparition de l’économie souterraine ;
Légaliser pour pénaliser sans état d’âme la publicité et la contrebande en concentrant les moyens de l’État sur cette mission, pour retirer tout le bénéfice de poursuivre sur un objectif unique ;
Légaliser pour reconnaître le toxicomane comme un malade quel que soit le produit consommé : alcool ou stupéfiant ;
Légaliser pour instituer l’égalité de traitement entre tous les usagers de toutes les drogues, et tarir les comportements irresponsables des « stars » jouissant d’un fort crédit chez les plus jeunes ;
Légaliser pour ne pas instrumentaliser les toxicomanes comme variables d’ajustement d’une politique sécuritaire passablement hypocrite;
Enfin…
Légaliser pour prendre nos responsabilités au niveau international vis-à-vis des pays producteurs chez lesquels nous favorisons, de facto, une criminalité insoutenable .
Conclusion (provisoire)
Faire le choix de la légalisation n’est pas une tentation démagogique qui traduirait une inavouable « pêche aux voix », parce que les personnes gravement affectées par une addiction ne sont pas - malheureusement pour elles - les électeurs ou les électrices les plus conscientes de l’enjeu, mais une volonté de prendre nos responsabilités à deux niveaux.
D’une part, il s’agit de tendre la main à ces personnes qui souffrent et dont nous devons considérer la maladie en tant que telle pour renouveler l’obligation de Fraternité à laquelle nous engage le pacte républicain et, d’autre part, il importe de conformer la loi à l’usage car il est des retards en matière de morale commune qui, sous le masque du moralisme, s’avèrent être des obscurantismes aux relents de racisme.
Nous estimons les payer trop cher ces préjugés moralistes, en leur sacrifiant - comme nous espèrons l’avoir montré - l’Égalité de traitement entre les citoyens et, de manière plus fondamentale au regard du bien commun, la Liberté de vivre dans un pays que nous voulons débarrasser de ses éléments antisociaux qui, insensiblement, se constituent en mafia ; tendance dont nous observons les effets délétères ailleurs, ce qui nous alarme.
La légalisation ne peut s’envisager, hors sol, c’est-à-dire sans une collaboration étroite entre les ministères de l’intérieur (redéfinition des missions policières), de la santé (mise en place d’un grand service d’accompagnement des toxicomanes), du commerce (maillage des zones de trafic par un service de distribution des produits de premières nécessités aidés), des relations extérieures (pour organiser les relations avec les producteurs étrangers à travers leurs gouvernements) et du budget (fixation des prix, du taux de taxes et le cas échéant, des privilèges de distribution).
Combattre les mafias par la légalisation de toutes les drogues revient à libérer une importante masse financière, encore otage du crime organisé, qui devient créatrice de services que nous mettrons au service des consommateurs, de ceux qui veulent abandonner cette consommation et de tous les acteurs agissant en vue de traiter ce fléau social.
de la légalisation de toutes les drogues
pour sortir d’une situation qui n’a de saine que l’apparence.
Ce que signifierait au juste légaliser
Le terme légalisation (employé ensuite) ne correspond ni à une volonté de banaliser la consommation de drogue, ce qui reviendrait à faire preuve d’un laxisme irresponsable, et encore moins à la volonté d’encourager sa consommation - nous nous placerions alors dans une perspective carrément criminelle - mais, en reconnaissant d’une manière égale toutes les consommations de toutes les drogues comme responsable de nombreux problèmes sanitaires et sociaux, à construire un cadre légal qui permette de traiter les effets néfastes de l’ensemble de ces consommations non souhaitables, avec des chances de succès supérieures aux résultats obtenus par la seule répression liée à leur pénalisation qui, dans le cas de certains produits, se double d’un caractère illégal (loi de 1970) à l’origine d’une opacité préjudiciable au traitement de ces problèmes.
Après quarante années - un bail ! - de traitement purement policier dans le cadre d’une prohibition stricte - en théorie : les résultats sont non seulement décevants mais plus encore alarmants puisque - en pratique - contraires à l’objectif poursuivi. La « guerre à la drogue » menée sur le modèle américain : du tout judiciaire, policier et militaire, produit des effets dévastateurs sur les lieux de production (guerre de gangs, financement des guérillas de type Farc ou talibanes).
Ce mode de lutte institutionnelle favorise, en fait ,les filières illicites de transport en les obligeant à se rendre moins détectables (les acteurs du terrorisme international y trouvent par ailleurs un épouvantable « complément de ressources »), et, enfin, sur les lieux de consommation, chez le consommateur donc, elle ne produit qu’une contention marginale de la distribution dépendant des seules performances douanières et policières.
En outre, depuis que les trafiquants sont parvenus à saturer les États-Unis de produits stupéfiants (cette quasi saturation du marché nord-américain est constatée par tous les observateurs) l’Europe et les pays développés sont devenus leur cible prioritaire parce qu’ils représentent la promesse de profits substantiels.
Voulons-nous devenir l’Eldorado des mafieux ?
Devant ce bilan, l’heure a sonné de remettre en cause les pré-supposés de cette « lutte » si nous souhaitons obtenir des résultats durables dont nous puissions nous féliciter.
Il n’est pas de notre propos de critiquer ici l’action des forces de police ou de douanes qui exécutent avec le courage et la détermination qui caractérise les hommes de terrain, ce que le législateurs et l’exécutif ont arrêté en matière de lutte contre la drogue mais d’affirmer que devant l’échec patent de ces politiques (le tout répressif) la responsabilité des politiques ne saurait être, plus longtemps occultée.
Il convient d’agir selon une optique radicalement nouvelle si nous souhaitons obtenir des résultats sur tous les plans car le problème de la consommation de drogue nous oblige à la considérer dans toute sa complexité. Le moraliste ambiant n’est, de notre point de vue, ni pertinent ni efficace. Comme on fait de la mauvaise littérature avec de bons sentiments, on fait - aussi mal d’ailleurs - de la mauvaise politique avec de bonnes intentions. Si nous souhaitons faire de la bonne politique au service de tous les citoyens, nous défendrons la légalisation de toutes les drogues.
Usage : avec ou sans S
L’utilisation de drogues est une pratique répandue à travers l’espace et le temps. À l’origine, rituelle, pour l’essentiel, chamans, sorciers, devins, pythies, vestales et prêtres ont employé ce moyen dont l’homme connait les effets sans les maîtriser, pour dépasser, croient-ils, leurs limites ou « ce » qu’ils ressentent comme telles. Aujourd’hui, dans les pays développés, où se concentrent les consommateurs solvables, selon les critères que se font de cette notion les mafias modernes - c’est-à-dire : les États-Unis et l’Europe, la consommation de drogue atteint un niveau inédit qui indique que son usage s’est sécularisé sur une base festive quasi domestique.
Distinguer l’usage festif de l’addiction
L’usage festif qui est une adaptation, fâcheuse lorsqu’elle est trop fréquente, de l’usage rituel d’origine, prétend réduire les inhibitions du consommateur pour lui permettre de faire brièvement l’expérience d’un autre état de conscience.
Cette consommation festive à caractère exceptionnel ne saurait être confondue, sans dommage pour la clarté du propos, avec une consommation accoutumée qui, comme son nom l’indique, renvoie à l’abdication de la volonté propre du consommateur. Dans ce cas, ce dernier est malade du produit. Concernant l’alcool, cette abdication est considérée comme le symptôme d’une maladie : l’alcoolisme ; il doit en être de même lorsqu’il y a prise récurrente des autres drogues. Au même titre que l’alcool, l’addiction à une autre drogue doit être reconnue comme symptomatique d’une pathologie.
Si l’addiction cannabique est le symptôme d’une maladie encore innommée (à notre connaissance) dont souffre son consommateur régulier, nous devons le considérer comme un malade à part entière. À ce titre, il doit profiter de la même protection sociale et de la même sollicitude que l’alcoolique. Il en va de même pour l’héroïnomane, l’opiomane, l’éthéromane… et toutes pathologies comparables. Nous ne pouvons nous satisfaire de soutenir un malade - l’alcoolique - et de criminaliser les autres toxicomanes parce que ce serait tout simplement injuste et contraire à l’égalité de traitement des citoyens.
Une « spécificité » française ?
Si l’alcool, qui est également un toxique puissant, fait partie de notre horizon culturel de longue date, malgré les ravages bien connus qu’il produit en matière de santé publique, le cannabis reste l’objet d’une pénalisation totale : détention et consommation. Or les équilibres démographiques ont changé et si la France refuse obstinément de savoir combien de citoyens d’origine orientale, pour ne renvoyer personne à son origine ou à sa religion, assignation constitutive de la forme la plus détestable du racisme, force est de constater que la consommation de cannabis représente, pour ces populations, le miroir inversé de la consommation d’alcool puisque cette substance leur reste interdite pour des motifs que nous n’avons pas à juger.
Or une spécificité française (fruit de l’exception éponyme ?) fait d’un alcoolique un « bon vivant » et d’un consommateur de cannabis, même occasionnel, un délinquant. Bizarre autant qu'étrange. Si le problème numérique demeurait négligeable c’est-à-dire comparable en nombre à ce qu’il était avant la première guerre mondiale (entrée de neuf originaires coloniaux par an), il n’a cessé depuis d’évoluer avec la diversité de la population.
Sanctuariser cette spécificité revient-il à dire que les élus imaginent que le monde n’a pas changé de puis 1914 où bien est-ce le moyen d’exercer une pression politique sur une partie de la population française, estimée à dix pourcents, en faisant de ces consommateurs des délinquants pour leur assigner une citoyenneté de seconde zone, parce que perpétuellement menacée ? Là, réside la vraie question.
Mais alors… quid de tous nos amis : professeurs, policiers, éducateurs, pompiers, infirmiers, médecins, commerçantes, techniciennes, vendeuses, étudiantes, chômeurs, universitaires qui ne dédaignent pas de partager un splif, un joint, un bédo avec un ou une amie ?
Sont-ils tous délinquants ?
Vivrons-nous au milieu de délinquants ?
C’est parce que nous ne nous habituons pas à cette torsion de la réalité, il suffit de sortir un peu pour la découvrir, que nous croyons nécessaire de réviser en profondeur la position vis-à-vis des drogues en préconisant une légalisation, disposée par le législateur qui donne à l’exécutif les moyens de sa mission. Une légalisation sans œillère mais aussi sans faiblesse ni complaisance pour les puissances mafieuses quelque que soient leur influence et peut-être, qui sait, leurs appuis.
Aspect pénal
En l’état
La loi française du 31 décembre 1970 est une des plus répressives d'Europe avec les résultats que l’on constate. Résultats de nature paradoxale, d’une part, la criminalisation d’une portion croissante de la population (le 1,2 million de consommateurs français vivent sous la menace d’une interpellation) et, d’autre part, l’impossibilité d’appliquer de manière uniforme le volet répressif de cette législation. Ce manque d’uniformité, d’égalité de traitement, alimente les populismes trop heureux de pouvoir stigmatiser tel ou tel, et il accroit le sentiment d’une justice à deux vitesses, et partant d’une injustice. Ce ressenti inégalitaire n’est profitable ni à l’intégration des consommateurs et notamment celle dont l’option festive privilégie le cannabis pour des motifs culturels, ni profitable au rétablissement de la confiance que les citoyens doivent développer à l’endroit des institutions sensées les protéger.
Projection
Une fois définie une offre légale, assortie d’un périmètre de pénalisation de la publicité, de la contrebande et du trafic, la justice pourra sévir en toute rigueur à l’endroit des trafiquants et des publicistes dont le rôle mafieux ne fera plus de doute ni pour les consommateurs ni pour les non consommateurs. Les consommateurs étant les premiers, parce qu’ils en paient le prix, à déplorer l’état actuel qui, objectivement, donne licence à des criminels dénuées de scrupules d’agir en régulateurs d’un marché que la puissance publique fait profession d’ignorer en prédisant son extinction prochaine grâce au tout répressif.
Dans le cadre de la nouvelle légalisation, l’application de peines « plancher » d’une sévérité accrue pourront être prononcées et acceptées dans toutes leur étendue puisqu’elle ne concerneront « mécaniquement » qu’un nombre réduit d’individus qui auront, par leurs agissements, fait la preuve de leur caractère violemment antisocial et dont plus personne ne tolérera la pseudo-connivence avec les consommateurs lesquels auront cessé d’être leurs premières victimes doublement pénalisées peur leur « consentement au mal » que toute prohibition ne manque jamais d’introduire. la légalisation permet d’entrevoir ce que serait une politique ambitieuse en matière de lutte contre les trafiquants de drogue.
Aspect social
La consommation de drogue, hors trafic, au vu des tarifs pratiqués, pousse de plus en plus de consommateurs démunis à sombrer dans la petite et moyenne délinquance. La dé-socialisation qui en résulte : prononcer de peine avec sursis, inscription au casier judiciaire, prison, etc., emporte des effets de bord considérables à la nocivité avérée.
Cette petite et moyenne délinquance, qui s’exprime sous la forme d’atteintes aux personnes aux biens, est la porte ouverte à la grande délinquance. Un faux-pas en entrainant un autre, une fréquentation une autre (la prison est un lieu redoutable à cet égard), une fenêtre s’ouvre sur le crime organisé dont les acteurs les plus pervers vont jusqu’à s’abriter derrière le terrorisme sanglant pour masquer l’aspect sordide de leur méprisable cupidité.
La légalisation brisera cette spirale et c’est tant mieux car à l’exception des personnes qui font du crime leur affaire - tout porte à croire que les plus endurcis se recycleront dans d’autre voies malfaisantes : légaliser n’est pas rêver d’un monde subitement idéal, peuplé de « Bisounours », il ne se trouvera plus beaucoup de consommateurs et de trafiquants d’occasion pour regretter et reproduire les minables combines auxquelles les contraint la législation actuelle qui crée, de manière factuelle, les failles dont elle récuse l’existence.
Aspects sanitaires
Toutes les drogues qui donnent lieu à accoutumance, au premier rang desquelles l’alcool, ne produisent pas une addiction systématique au produit dans le cas consommation festive exceptionnelle. Cependant les effets de l’ivresse cannabique, la dépendance physique aux toxiques puissants que sont l’héroïne et la cocaïne, sont étudiés et connus. Ils se révélent redoutables pour la santé des consommateurs car le danger est patent sinon certain d’aboutir à une altération définitive de leur état de santé.
La MILDT souligne ces risques, les mesure et accomplit un travail de prévention salutaire. Ce sera donc avec la plus grande circonspection que la puissance publique devra accompagner les toxicomanes qui livrent leur santé, physique et mentale, et parfois celle d’autrui (cas heureusement exceptionnel des femmes enceintes) à l’emprise puis aux dégâts de ces stupéfiants. Le rôle du système de santé doit être privilégié pour leur en éviter les conséquences désastreuses et, faut-il le souligner, dans bien des cas irréversibles.
L’addiction est définie par des critères précis comme l’impossibilité de maîtriser une consommation qui n’a plus rien à voir avec une consommation exceptionnelle ou en rapport avec une pratique festive. L’addiction peut, selon les produits, procéder d’une dimension psychologie et/ou physique. Une fois la constatation de l’addiction établie par un professionnel de santé habilité à poser ce diagnostic, tout doit être entrepris pour abolir cette addiction au moyen de soins appropriés.
Si la cure échouait, le professionnel de santé doit se trouver en capacité de fournir le produit au toxicomane (la minima en fonction de son état de dépendance) et cela dans des conditions de sécurité sanitaire maximum, à un prix qui ne le condamne de facto pas à la délinquance, étant entendue que celle-ci commence avec la publicité qu’il serait tenté de donner mal-à-propos à son état ou au traitement dont il bénéficie.
Enfin, la traçabilité de la fabrication des stupéfiants doit être assurée de manière rigoureuse par l’autorité sanitaire compétente, de même que leur qualité substantielle de sorte qu’à l’addiction, déjà difficile à soigner, ne s’ajoute pas une « iatrogénie clinique » liée à l’altération des produits consommés ou à leurs conditions d’administration particulièrement délicates lorsqu’il il y a emploi ou réemploi de matériels d’injection.
Aspects économiques
La consommation de drogues en particulier celles encore illicites à ce jour : cannabis, cocaïne, héroïne, ecstasy, produit une économie souterraine soutenue. Elle se chiffre pour la France en milliards d’euros. Cette économie dans certaines zones urbaines défavorisées atteint une importance telle que le combat trop vigoureux des forces de l’ordre contre les trafiquants aboutit à des effets économiquement « pervers » consistant à priver les habitants de ces zones d’une partie substantielle de leur revenus.
Cette « perte de revenus », on n’ose dire d’exploitation, a conduit, en 2011, des acteurs économiques locaux : petit commerce, grande distribution, bailleurs sociaux à s’émouvoir de la situation, mezzo voce car l’affaire demeure sensible et les chiffres sujets à caution, et à réclamer des dépositaires de l’autorité publique qu’ils mènent un combat « mesuré » contre le trafic de drogue, de sorte à ne pas réduire les petits trafiquants, souvent soutiens de famille, à une détresse financière qui les conduisent à commettre des actes désespérés s’accompagnant d’une violence plus grande encore…et à la ruine pure et simple de l’économie locale. Le paradoxe de la pénalisation nous conduit, malheureusement, à cette impasse !
Légaliser les drogues pour assécher le financement des activités criminelles - pour mémoire un guetteur qui n’a pour seule qualification que de rester assis sur con cul, gagne l’équivalent d’un SMIC - doit s’accompagner d’une stratégie économique importante et concertée. Aider les zones les plus affectées par l’économie de trafic ne constitue pas une « prime à la délinquance ou à la repentance de raccroc » mais fait partie de l’ambition républicaine qui souhaite restaurer l’égalité de traitement entre les citoyens.
Cette ambition passe par la rénovation urbaine, le désenclavement en matière de transport et la formation des jeunes et moins jeunes après une évaluation fine des problématiques et des atouts propres à chacune des zones concernées. Le financement des mesures de transition nécessaires proviendront de la réaffectation d’une partie des crédits alloués à la lutte contre le trafic, mais au delà de ce jeu de vases communicants que les adversaires de la légalisation ne manqueront pas de pointer, les dispositifs nécessaires ne sont pas séparables d’une politique ambitieuse de partage de la connaissance et d’incitation à l’initiative sans lesquelles nous risquerions, selon la formule : « de désespérer Billancourt » et d’avoir à supporter, de manière différée; un coût bien plus élevé.
Un rapide calcul effectué sur la base du prix au gramme selon les qualités de produits disponibles et le nombre estimé de fumeurs habituels de cannabis, laisse espérer, à prix constant, la collecte de trois cents (300) millions d’euros de taxes annuelles. Ces sommes considérables pourraient être affectées à la formation et à la mise en alerte d’un réseau d’urgence toxicologique ainsi qu’au subventionnement de commerce à prix soutenus à proximité ou dans les anciennes zones de trafic. Procurer des denrées de première nécessité à un prix préférentiel à leurs habitants . Il s’agit de pistes comme les autres pour éviter l’attibution de subventions directement aux intéressés qui ne pourraient être comprises de la population.
Aspects géopolitiques
Les pays producteurs à grande échelle des végétaux nécessaires à la confection de produits stupéfiants trouvent dans ces productions agricoles et leur transformation sommaire (parce que la chimie en question est basique n’en déplaise à leurs gourous) en dérivés de médiocre qualité (résine, huile, héroïne, cocaïne) les moyens de financer l’acquisition d’armes de guerre (Liban, Afghanistan, Birmanie, Colombie… Salvador) auprès des pays producteurs d’armes et de munitions.
La production extensive de pavot reste pour la plupart des pays concernés le seul moyen de se procurer les devises grâce auxquelles ils peuvent régler leurs fournitures militaires et paramilitaires. Les pays producteurs et exportateurs d’armes se confrontent au paradoxe (encore un) de la pénalisation. Elle réclame de laisser prospérer chez eux le trafic de drogue pour espérer écouler ses propres productions et obtenir le règlement de leur livraison (armes, munitions, fournitures militaires).
Le précédent historique de la révolte des Boxers montre qu’une opposition populaire et violente à ce « gentleman agreement » : armes contre drogue, peut entraîner une déstabilisation des organisateurs de cet échange malsain dont ils croyaient en demeurer longtemps les bénéficiaires.
Cette approche géopolitique suppose que le ou les pays consommateurs nets de produits stupéfiants : par hasard, ils correspondent au club des pays exportateurs d’armes, prennent la mesure de l’impact commercial et financier sur leur propre industrie (principalement d’armement). Cette branche industrielle doit se préparer, suivant la légalisation, à l’effondrement de la solvabilité de certains de ses clients indirects (gouvernements autoritaires ou corrompus, groupes révolutionnaires, mafias, milices para-étatiques…) officieusement traités par les filières adéquates parce qu’officiellement on ne discute pas avec ces « gens là » !
Cette baisse significative ne doit pas affaiblir le rayonnement de la France (certains politiciens se persuadent, ou font semblant, qu’en prolongeant les pratiques actuelles ils le défendent) dans les pays aussitôt « aidés » par des pays moins « regardants ». Pour compenser le ralentissement prévisible de ces échanges bilatéraux, il est important d’impulser un programme de transfert de technologies non stratégiques de manière à ne pas ruiner les pays producteurs.
Leur déconfiture ne manquerait pas de les plonger dans une crise politique à l’issue incertaine pour eux comme pour nous. Fournir conformément aux orientations de la politique extérieure une aide, dénuée de nocivité, aux gouvernements qui devront gérer l’appauvrissement des populations dont les revenus provenaient pour l’essentiel de ces cultures n’est pas une option, c’est une nécessité.
L’objection selon laquelle les tentatives similaires qui ont été faites par les États-Unis ont échoué, est invalide parce que cette politique de "déplantage" (conduite parfois à l’aide du Napalm, de sinistre mémoire) n’a pas été corellée à une légalisation des produits stupéfiants dans la zone de consommation correspodnante : l’ensemble du territoire des États-Unis ; l’État de Californie n’étant pas seul en cause.
En entraînant un effondrement des prix de vente lié à la perte de leur débouché, ce couplage aurait découragé un trafic dont la rentabilité se serait avérée moins bonne que la reconversion proposée aux paysans producteurs. L’absence de coordination entre les deux volets d’une même action a signé l’échec de ce qu’il faut bien appeler une demi-mesure, et c’est précisément ce qu’il faut éviter pour réussir.
Pour une légalisation en neuf points
Légaliser pour priver de revenus occultes les organisations mafieuses, enrayer leur développement et les éradiquer ;
Légaliser pour garantir la qualité des produits distribués et éviter les drames sanitaires résultant de le consommation de poison (la majorité des overdoses sont provoquées par la mauvaise qualité du produit distribué par les circuits souterrains);
Légaliser pour permettre au corps médical de prévenir l’installation des addictions, par la prescription de substituts pour les toxicomanies les plus lourdes ;
Légaliser pour créer des recettes que l’État affectera au traitement des toxicomanes et à celui des zones de trafic de sorte à amortir le déséquilibre lié à la disparition de l’économie souterraine ;
Légaliser pour pénaliser sans état d’âme la publicité et la contrebande en concentrant les moyens de l’État sur cette mission, pour retirer tout le bénéfice de poursuivre sur un objectif unique ;
Légaliser pour reconnaître le toxicomane comme un malade quel que soit le produit consommé : alcool ou stupéfiant ;
Légaliser pour instituer l’égalité de traitement entre tous les usagers de toutes les drogues, et tarir les comportements irresponsables des « stars » jouissant d’un fort crédit chez les plus jeunes ;
Légaliser pour ne pas instrumentaliser les toxicomanes comme variables d’ajustement d’une politique sécuritaire passablement hypocrite;
Enfin…
Légaliser pour prendre nos responsabilités au niveau international vis-à-vis des pays producteurs chez lesquels nous favorisons, de facto, une criminalité insoutenable .
Conclusion (provisoire)
Faire le choix de la légalisation n’est pas une tentation démagogique qui traduirait une inavouable « pêche aux voix », parce que les personnes gravement affectées par une addiction ne sont pas - malheureusement pour elles - les électeurs ou les électrices les plus conscientes de l’enjeu, mais une volonté de prendre nos responsabilités à deux niveaux.
D’une part, il s’agit de tendre la main à ces personnes qui souffrent et dont nous devons considérer la maladie en tant que telle pour renouveler l’obligation de Fraternité à laquelle nous engage le pacte républicain et, d’autre part, il importe de conformer la loi à l’usage car il est des retards en matière de morale commune qui, sous le masque du moralisme, s’avèrent être des obscurantismes aux relents de racisme.
Nous estimons les payer trop cher ces préjugés moralistes, en leur sacrifiant - comme nous espèrons l’avoir montré - l’Égalité de traitement entre les citoyens et, de manière plus fondamentale au regard du bien commun, la Liberté de vivre dans un pays que nous voulons débarrasser de ses éléments antisociaux qui, insensiblement, se constituent en mafia ; tendance dont nous observons les effets délétères ailleurs, ce qui nous alarme.
La légalisation ne peut s’envisager, hors sol, c’est-à-dire sans une collaboration étroite entre les ministères de l’intérieur (redéfinition des missions policières), de la santé (mise en place d’un grand service d’accompagnement des toxicomanes), du commerce (maillage des zones de trafic par un service de distribution des produits de premières nécessités aidés), des relations extérieures (pour organiser les relations avec les producteurs étrangers à travers leurs gouvernements) et du budget (fixation des prix, du taux de taxes et le cas échéant, des privilèges de distribution).
Combattre les mafias par la légalisation de toutes les drogues revient à libérer une importante masse financière, encore otage du crime organisé, qui devient créatrice de services que nous mettrons au service des consommateurs, de ceux qui veulent abandonner cette consommation et de tous les acteurs agissant en vue de traiter ce fléau social.