(soupir) Par où commencer ?
Rue89 (qui a connu de meilleurs jours) a écrit :Le Parti pirate, inconnu voilà six mois,
(Parle pour toi.)
culmine aujourd’hui en Allemagne à 12% d’intention de votes dans les sondages
"culmine" (sous-entendu : il n'ira pas plus haut). D'ailleurs ce n'est pas les chiffres que j'ai vus, mais bon.
bouleversant les rapports de force et les possibles coalitions entre les différents partis allemands. Avec une grande gagnante à la clé, Angela Merkel, qui pourrait lors des prochaines élections de 2013 devoir sa survie politique à une bande d’informaticiens mal habillés…
Le Parti Pirate, allié objectif de la droite gouvernementale. C'est une rhétorique classique (le chantage au vote utile repose entièrement là-dessus) : seuls deux partis sont légitimes, tous les autres ne sont que des satellites et alliés objectifs. (Bon, je passerai sur la "bande d'informaticiens mal habillés" : au PPde, derrière les geeks il y a des profs d'université et des intellectuels très pointus, mais où irions-nous s'il fallait aller au-delà des clichés ?)
Le Parti pirate a été créé en Suède en 2006. Revendiquant principalement la liberté sur Internet, les copyrights et les brevets,
Cette phrase n'a pas de sens. (Mais où irions-nous, etc.)
ce parti de niche
Je ne me souviens pas avoir jamais vu les écolos (surtout Allemands) qualifiés de "parti de niche". (Même les abrutis de CPNT y échappent.) Mais il faut croire que les systèmes de dénomination sont à géométrie variable.
a réussi à faire élire
Notez bien la formulation : "a
réussi à
faire élire". Ce ne sont pas les électeurs qui ont élu, parce qu'ils se reconnaissaient dans un programme : c'est le "parti de niche" qui a "réussi" (par on ne sait quel stratagème crapoteux) à "faire élire". Belle vision du fonctionnement démocratique.
un eurodéputé sur les vingt que compte le contingent suédois lors des élections européennes de 2009.
C'est _deux_ députés européens, pas un.
Retombé dans les oubliettes électorales,
Wait, what???
ce parti a essaimé de nombreux petits frères
Observez la succession des évènements : 1/ je forme un parti de niche 2/ je réussis à "faire élire" toussa 3/ je retombe dans les oubliettes 4/ j'essaime.
(5/ ... 6/ PROFIT!!)
Bon, peu importe que sur les "cinquante" partis la moitié était déjà apparue avant fin 2006. S'il fallait s'arrêter à l'exactitude des détails factuels, où irions-nous.
En Allemagne comme ailleurs, le Parti pirate était groupusculaire. Jusqu’au 18 septembre 2011.
Ah bon. Vous en connaissez beaucoup vous, des groupuscules qui comptent plusieurs dizaines de milliers d'adhérents ? (Suède 2007, Allemagne 2009.)
Mais s'il fallait s'échiner à employer des termes corrects,... etc.
La candidate écologiste Renate Künast s’était engagée dans la campagne pour gagner.[...]
Hélas, Frau Künast, soucieuse de chasser sur les terres des socialistes et de devenir calife à la place du calife, a mené une campagne ratée. Agressive et prétentieuse mais mal assurée, se déplaçant en Mercedes électrique, ne proposant pas grand-chose de véritablement réformateur, nombre d’électeurs ont préféré l’original à la copie et ont finalement voté pour les socialistes… ou pour le Parti pirate. C’est lui qui a capté une frange importante de jeunes électeurs contestataires et antisystème habituellement tournés vers les écolos.
Et voilà. Fermez le ban, tout est expliqué. Le Parti Pirate n'a pas convaincu les électeurs par la qualité de ses propositions, mais uniquement parce que la candidate d'en face a fait "une campagne ratée" (on se demande ce que la Mercedes électrique vient faire là, au passage).
Pas un mot, au passage, sur les diverses compromissions idéologiques et politiques de la classe politique allemande (puisqu'on vous dit que c'est la faute à la Merco à piles).
son échec a ouvert la boîte de Pandore au niveau national. L’émergence du Parti pirate a signé la fin du niveau élevé d’intentions de vote dont bénéficiaient les écologistes depuis un an
Notez, là encore, la façon dont la phrase est tournée. Pauvres, pauvres écologistes.
Des Pirates qui intriguent les médias
Là encore, ne parlons pas de propositions (elles ont été évacuées en une phrase, du reste incorrecte). Présentons-les plutôt comme un animal de cirque, ça ne mange pas de pain.
Véritable surprise du scrutin, ils ont fait sensation dans les médias
C'est beau comme du Champeau. (Mais bon, si c'est du journalisme "à sensation" alors tout s'explique.)
Les Pirates ont transformé l’essai
(Parce qu'on n'a pas peur des
tournures éculées, tenez-le vous pour dit.)
Ils ont obtenu 7,4% des voix. Un record ! Pour comparaison, dans ce Land, les Verts qui existent depuis trente ans n’ont jamais dépassé les 5,9 %
Décidément, la vie est trop injuste. Pauvres, pauvres verts.
Il n’en a pas fallu plus pour confirmer l’installation des « Oranges » (leur couleur ) dans le paysage politique allemand.
Notez encore la tournure. Il "n'en a pas fallu plus" : ils s'étaient juste contentés de recueillir 7% des voix (par un stratagème douteux, nous l'avons vu). Et cela a "suffi" à les "installer" et à leur donner une apparence de légitimité à laquelle, naturellement, ils ne sauraient prétendre dans un paysage politique où les Verts "existent depuis trente ans". Il y a décidément quelque chose de pas net là-dessous -- la preuve, ce sont des alliés objectifs de la droite.
En surfant sur la capacité libertaire offerte par l’émergence de nouveaux outils internet permettant à chacun de s’exprimer et à quiconque de créer un réseau, les Pirates remettent en cause l’ordre établi. Crypto-anars, ils considèrent que notre système démocratique représentatif est aujourd’hui archaïque compte tenu du développement de ces nouvelles possibilités numériques d’expression citoyenne. Ils prônent la démocratie liquide.
(Terme que l'on s'abstiendra de définir. S'il fallait faire appel à l'intelligence du lecteur, où irions-nous.)
Ils veulent redonner des pouvoirs aux citoyens et sont les chantres de l’ « empowerment » (autonomisation).
Les "chantres". On aurait pu parler de démocratie, de représentativité, de réformes institutionnelles, mais non : on va mettre un terme anglais branchouille et faire passer tout ça pour une religion. Ça c'est du journalisme, coco.
Il est vrai que même si la démocratie allemande fonctionne mieux que les démocraties décadentes française ou italienne
Wait, what??? <citation needed>
Il est donc aisé pour les Pirates de revendiquer plus d’autonomie, de transparence et plus de participation pour les citoyens.
C'est vrai quoi. Parler démocratie (vous noterez que ce terme n'apparaît nulle part), c'est vraiment "aisé". Quelle bande de bouffons opportunistes, quand même.
Ces crypto-anars ne font pas semblant
Raaah lovely.
(Comment, pardon ? D'où sort ce titre ? Aucune justification ? Aah mais ya _pas_ besoin de justification, c'est ça le journalisme, coco.)
les Pirates assument qu’ils n’ont pas la moindre idée de ce qui doit être dit du conflit israélo-palestinien ou du fonds européen de stabilité
Vous prenez bien des notes, au fond ?
Lorsque vous parlez du Parti Pirate, ne dites pas "Refuser de prendre position", dites : "ne pas avoir la moindre idée".
Et paradoxalement, c’est ce qui leur permet de gagner des voix. Les sondages montrent que leurs électeurs en Sarre sont en grande partie d’anciens abstentionnistes.
Franchement, vu tout ce qu'on vient de voir (et ce qui suit), ils auraient mieux fait de continuer à s'abstenir.
C’est le syndrome Magali Vaé, cette gagnante de la « Star Ac » 2005 qui était loin d’être la meilleure chanteuse candidate mais qui a remporté le télé crochet justement pour l’empathie de l’immense majorité des gens qui n’ont pas le privilège d’être des premiers de la classe.
Eeh oui. Non seulement le Parti Pirate est un ramassis de connards incultes irréfléchis et mal habillés, mais il est _populiste_ et son cœur de cible est le gros veau abstentionniste empathique qui regarde la Star-Ac.
Donc : non seulement il faudrait interdire les partis qui n'existent pas depuis trente ans et ne sont que des idiots utiles de Merkel, mais en plus je serais moi, hein ? Je délivrerai un
permis de voter aux citoyens dignes de ce nom, et je laisserais les gros veaux abstentionnistes le cul devant leur télé.
(Finalement je commence à comprendre pourquoi cet article n'emploie pas le terme démocratie.)
Or les candidats Pirates sont des « geeks » mal habillés.
(faux : voir plus haut.)
Et c’est bien là leur plus grande force : casser la logique de marketing
Cette phrase pourrait passer pour un compliment ; il n'en est rien. Ce que l'auteur entend par là, c'est que l'action du Parti Pirate se situe _uniquement_ sur un terrain de marketing, comme nous allons le voir.
On peut être moche, fringué comme l’as de pique, ne pas feindre d’être plus intelligent que la moyenne et être tout de même un citoyen qui a droit de cité.
Vous noterez qu'il n'est, une nouvelle fois, aucunement question d'idées (tout au plus de leur absence). Si les gens votent Pirates, c'est uniquement pour leur look (puisqu'on vous dit que c'est la démocratie Star-Ac).
Actuellement, la CDU d’Angela Merkel, parti de droite centriste et exempt de racisme subliminal comme l’UMP
<citation needed> (et la communauté turque allemande appréciera).
Il n’est pas non plus question pour les SPD et les écolos de s’unir au parti d’extrême gauche Die Linke – ambiguïté de celui-ci sur les activités de certains de ses membres du temps de l’Allemagne de l’Est.
Euh, <citation needed> derechef.
le mot communiste n’a pas la consonance gentiment kitsch qu’il a en France.
À condition de s'appeler Christophe Barbier ou Nicolas Demorand. (Ou encore... zut, c'est qui le nouveau boss de Rue89 ? Son nom m'échappe.)
De même, il ne semble pas envisageable de bâtir une coalition avec les Pirates, parti sans doute trop jeune, pas assez crédible aux yeux des professionnels de la profession.
Observez comme la chose est envisagée exclusivement du point de vue SPD. Nous demanderons-nous en retour si les Pirates, _eux_, sont prêts à envisager de prendre part à un gouvernement de coalition et sous quelles conditions ? Nenni. (Puisque nous avons vu que de toute façon, ce sont des charlots.)
D’ailleurs, nombre de leurs cadres ou dirigeants démissionnent car les rythmes de la vie politique les épuisent.
<citation needed>
Relevez également le "weasel talk" : "nombre de leurs cadres" -> COMBIEN ?
(J'offrirais volontiers à la personne qui rédige ce torchon un stage de bizutage intensif sur Wikipédia, cela serait très profitable à la qualité de son journalisme (et de son écriture) (et de son intégrité intellectuelle).)
Merkel se trouve donc aujourd’hui grâce à l’émergence du Parti pirate en mesure de rempiler pour un troisième mandat avec les socialistes dans le cadre d’une grande coalition.
Eeet voilà. CQFD.
Que disais-je, déjà ? « Effroyable » ? C'est vrai, le mot est un peu faible.