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Socialisme et liberté, Jaurès, un logiciel idéologique

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Fabbad
Matelot
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Socialisme et liberté, Jaurès, un logiciel idéologique

Messagepar Fabbad » lun. 13 oct. 2014, 12:11

En cette année du centenaire de l'assassinat de Jean Jaurès (1859-1914), il est de bon ton de s'en réclamer mais quel parti oserait vraiment suivre sa ligne philosophico-politique ?
Anticapitaliste, anti-"soviétique", anti-salariat, il offre pourtant un logiciel idéologique clé en main pour répondre aux défis d'aujourd'hui.

Plutôt qu'une analyse, je vous propose un patchwork d'extraits de l'article "Socialisme et liberté" de 1888. Cet article répondait aux inquiétudes du parti libéral bourgeois vis-à-vis du "socialisme" perçu comme un projet liberticide opposé à l'initiative individuelle, inquiétudes d'autant plus légitimes a posteriori vu les expériences soviétiques/maoïste mais bien loin de la conception d'un Jaurès tout empreint d'une métaphysique où la réalité concrète passe par l'individu, par l'incarnation singulière (Jaurès était philosophe de formation et à l'occasion, je ferais une présentation de sa thèse de doctorat sur un sujet à la Matrix, "De la réalité du monde sensible").

Note : les titres en gras et les soulignements sont de moi, c'est la part interprétative, créative de ce collage de citations.

A. Pour un socialisme humaniste libérateur des énergies individuelles

C’est l’individu humain qui est la mesure de toute chose, de la patrie, de la famille, de la propriété, de l’humanité, de Dieu. Voilà la logique de l’idée révolutionnaire. Voilà le socialisme.

1. Liberté, science et joie pour chaque humain, but concret de l'humanité
L’humanité elle-même n’a pas une sorte de valeur mystique et transcendante. Sa richesse est faite de toutes les énergies individuelles. (...) Elle ne vaut pour l’individu humain que dans la mesure où il participe lui-même à la liberté, à la science et à la joie.

2. L'individualité humaniste n'est pas l'égoïsme
Proclamer la valeur suprême de l’individu humain, c’est réfréner l’égoïsme envahissant des forts : ce n’est pas décréter l’égoïsme universel. Au contraire, quand l’individu humain saura que sa valeur ne lui vient ni de la fortune, ni de la naissance, ni d’une investiture religieuse, mais de son titre d’homme, c’est l’humanité qu’en lui-même il respectera. Or, comme il n’en est qu’un infime et fragile exemplaire, c’est l’humanité tout entière, dans ses manifestations multiples, dans son développement illimité, qu’il voudra aimer et servir.

3. "ni Dieu ni maître"
Aucun homme n’est l’instrument de Dieu, aucun homme n’est l’instrument d’un autre homme.

4. Liberté de fait pas seulement de droit : éducation universelle, suffrage universel, propriété universelle
"pour que chaque homme soit autonome pleinement, il faut assurer à tous, les moyens de liberté et d’action. (...) L’éducation universelle, le suffrage universel, la propriété universelle, voilà, si je puis dire, le vrai postulat de l’individu humain".

5. Pour un régime de partage librement consenti, sans contrainte
"ce n’est pas par l’action mécanique des lois de contrainte, c’est par l’action organique d’un système nouveau de propriété que les collectivistes et communistes prétendent réaliser la justice.".

"il n’y a qu’un moyen pour tous les citoyens, pour tous les producteurs, d’échapper au salariat : c’est d’être admis, par une transformation sociale, à la copropriété des moyens de production"

B. Pour le progrès technique, social et écologique

1. Décentralisation et vie bucolique

"Demain, si, comme l’espèrent tous les socialistes, un nouveau système social et le perfectionnement de tous les moyens de communication permettent aux hommes de se disséminer dans les campagnes au lieu de s’entasser dans des villes démesurées, l’humanité paraîtra revenir à un stade antérieur ; et ce sera pourtant un progrès immense, car pouvoir vibrer à la fois, par un double contact, de l’immense vie remuante des hommes et de l’immense vie paisible des choses, quelle plénitude et quelle joie !"

"quand les citoyens associés dans la propriété commune des moyens de production garderont pour eux-mêmes tout le produit de leur travail, la richesse restera au point d’origine, et la vie, au lieu de se concentrer en quelques capitales dévorantes, sera partout répandue."

2. Une mystique naturaliste, panthéiste
"Mais, au-delà même de l’humanité, l’homme affranchi s’associera à l’univers. (...) l’humanité, affranchie par le socialisme et réconciliée avec elle-même prendra conscience en sa vivante unité de l’unité du monde, et interprétant à la lumière de sa victoire l’obscure évolution des forces, des formes, des êtres, elle pourra entrevoir, comme en un grand rêve commun de toutes ses énergies pensantes, l’organisation progressive de l’univers, l’élargissement indéfini de la conscience et le triomphe de l’esprit. La révolution de justice et de bonté accomplie par cette portion de nature qui était hier l’humanité, sera comme un appel et un signal à la nature elle-même".

C. Contre l'extinction des énergies, l'étatisme, la "soviétisation", l'aliénation famille-patrie

1. Contre le socialisme d'Etat, simple outil régulateur au service du capitalisme
le socialisme d’État respecte les principes essentiels du système capitaliste, mais il intervient dans la lutte des classes antagonistes pour empêcher l’écrasement complet des sans- propriété, qui sont les plus faibles. (...) le socialisme d’État est une sorte de pessimisme social. (...) Il croit que l’ordre, l’équité, la paix, doivent être imposés du dehors par l’arbitrage impérieux de l’État, à des forces irréductiblement hostiles.

2. Contre la subordination du travailleur : salariat et fonctionnariat, esclavage contractuel
"ils proclament que, pour que la liberté subsiste, il faut que la classe ouvrière demeure à l’état de dépendance, sous la loi du salariat. En fait, il n’y a qu’un moyen pour tous les citoyens, pour tous les producteurs, d’échapper au salariat : c’est d’être admis, par une transformation sociale, à la copropriété des moyens de production."

"Nul, aujourd’hui, parmi les vivants, ne souffre de n’avoir pas des esclaves. Nul ne souffrira demain de n’avoir pas des salariés."

"Et par quelle confusion étrange dit-on que, dans la société nouvelle, tous les citoyens seront des fonctionnaires ? En fait, c’est dans la société présente que tous les citoyens ou presque tous aspirent à être “ des fonctionnaires ”. (...) Les fonctionnaires sont des salariés : les producteurs socialistes seront des associés. Les fonctionnaires sont dans la dépendance du gouvernement, de l’État, qui est souvent le gardien des intérêts de classe et qui asservit ses agents."

3. Contre le destin "à la soviétique" : dictature du prolétariat, centralisation, grisaille et médiocrité
"par leur propagande tous les jours plus active et plus étendue, qui s’adresse à la fois à la classe ouvrière, aux paysans et à la bourgeoisie intellectuelle, les socialistes diminuent sans cesse la force de résistance de la société d’aujourd’hui ; ils diminuent par là même les chances de “ dictature ” prolétarienne. Avant peu, l’idéal socialiste aura si profondément pénétré, qu’au lendemain de la victoire du prolétariat, des forces innombrables se rallieront autour de lui."

"la propriété individuelle, avec la liberté économique, disparaîtront la liberté politique et la liberté de la pensée. Le monde sera soumis non à la tyrannie d’une élite, intéressée, par ses fantaisies mêmes, au progrès universel, mais à la tyrannie routinière de la masse. Et une centralisation despotique assurera un régime de médiocrité.
Voilà bien l’objection toujours renouvelée"


4. Contre l'aliénation famille-patrie

"Il n’est qu’un moyen d’assurer dans la vie de famille la liberté et la dignité des êtres humains : c’est de transformer la propriété ; c’est d’assurer à tous, hommes et femmes, les moyens de vivre par le travail libre et fier. C’est d’assurer aux enfants un droit préalable de copropriété qui fait d’eux, même si la famille immédiate se brise ou les abandonne, des membres de la famille humaine".

"Le jour où un seul individu humain trouverait, hors de l’idée de patrie, des garanties supérieures pour son droit, pour sa liberté, pour son développement, ce jour-là l’idée de patrie serait morte. Elle ne serait plus qu’une forme de réaction. Et c’est sauver la patrie que de la tenir dans la dépendance de la justice."


D. Ruses de l'histoire : tous les chemins mènent au socialisme

quelle que soit l’hypothèse adoptée, nous sommes toujours ramenés à cette alternative saisissante : ou nous proclamerons que le système capitaliste ne s’écartera pas sensiblement de sa forme actuelle, ou s’il se meut, s’il évolue, il se rapprochera nécessairement de cette unité de production et de propriété que nos adversaires dénoncent comme la négation même de la liberté. (...) Si donc la liberté est incompatible avec la forme socialiste de la propriété, il faut proclamer que la race humaine, au moment même où elle s’exalte en un rêve de fraternité, d’unité vivante et de grandeur, s’achemine à l’inévitable servitude. Mais qui donc osera risquer cette sombre prophétie ?

1. Par l'organisation organique de la production, prémisses d'une production raisonnée de tous pour tous

"il s’opère une concentration industrielle et commerciale incessante, et cette concentration capitaliste, qui exproprie peu à peu les petits et moyens producteurs, ébauche et facilite la concentration socialiste qui expropriera les expropriateurs."

Supposez un instant que les coopératives de production et de consommation se multiplient et s’étendent. (...) Ce sera donc avant peu un vaste organisme unique de production et d’échange.

2. Par le petit actionnariat
"Supposez encore, si vous voulez, pour rester plus près du mécanisme capitaliste, que la propriété mobilière se dissémine infiniment comme le font espérer les conservateurs utopistes ; supposez que chaque citoyen arrive à posséder un titre représentant une parcelle de l’outillage industriel et agricole. Tous les citoyens, tous les producteurs étant actionnaires voudront intervenir dans la direction de l’industrie ; les plus petits actionnaires, encouragés par leur nombre réclameront leur part d’influence et de pouvoir, et bientôt même, par leur groupement, feront échec aux gros actionnaires. Ainsi toute la nation sera comme une immense assemblée possédante et dirigeante."

3. Par la convergence de classe : classes moyennes, une modalité d'action entre prolétaire et bourgeois, entrepreneur/travailleur, un nouveau régime de propriété

"Qu’est-ce en effet qu’une forme nouvelle de propriété ? C’est une forme nouvelle d’action."

"pour les deux classes antagonistes, pour le prolétariat et pour la bourgeoisie, la révolution sociale sera une ascension. Elle apportera au prolétariat, sous des formes nouvelles de propriété, des garanties positives de liberté et de bien-être, des possibilités nouvelles d’action, et elle apportera à la bourgeoisie, avec le sens plein de son œuvre historique, une révélation de noblesse morale et de grandeur. C’est en montant toutes deux que les deux classes se confondent; c’est sur un sommet que sera proclamée l’unité humaine."

"Et le socialisme a besoin que les classes aujourd’hui gouvernantes et possédantes gardent le plus possible de liberté et de vie ; il se propose si peu d’amortir et de contraindre les forces humaines qu’il voudrait que l’activité du monde fût au plus haut avant qu’il en prit possession au nom de la justice."

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Re: Socialisme et liberté, Jaurès, un logiciel idéologique

Messagepar yadlajoie » mar. 10 févr. 2015, 13:25

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Re: Socialisme et liberté, Jaurès, un logiciel idéologique

Messagepar yadlajoie » mar. 24 mars 2015, 14:18

Le discours de Jaurès d'avril 1894

À l'occasion de la découverte de fonds venant de haut lieu chez un anarchiste, de retour de Carmaux où des grèves ont eu lieu depuis 1892, Jaurès se lance dans un discours à la Chambre, le 30 avril 1894, où il dénonce la politique répressive du gouvernement; la censure du Père peinard, « consacré presque tout entier à injurier les députés socialistes »; le deux poids deux mesures avec d'un côté la censure des journaux et députés socialistes, de l'autre la tolérance de discours également contestataires de certains catholiques (Albert de Mun, l'article « La Bombe » dans La Croix de Morlay, les articles de La Croix ou l'article du Père Marie-Antoine publié dans L'Univers puis dans L’En-dehors et titré « Le Christ et la Dynamite ») ; enfin, l'usage des agents provocateurs :

« C’est ainsi que vous êtes obligés de recruter dans le crime de quoi surveiller le crime, dans la misère de quoi surveiller la misère et dans l’anarchie de quoi surveiller l’anarchie. (Interruptions au centre. — Très bien ! très bien ! à l’extrême gauche.)

Et il arrive inévitablement que ces anarchistes de police, subventionnés par vos fonds, se transforment parfois — comme il s’en est produit de douloureux exemples que la Chambre n’a pas pu oublier — en agents provocateurs. »

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Lois_scélérates
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