Leguman a écrit :imaginer toute sorte de catastrophes possibles
C'est une façon d'aborder la problématique, mais ce n'est pas la seule ni forcément la plus pertinente. Jusqu'ici le Parti Pirate a eu tendance à se construire par tentatives d'amélioration incrémentales et progressives (comme un article Wikipédia, pour résumer grossièrement) ; la situation présente procède d'une démarche très différente (et d'ailleurs critiquable à ce titre).
Dire (comme nous sommes quelques-uns à le faire) que le fonctionnement envisagé par le "club de l'amendement 13" n'est
pas sain, ce n'est pas "imaginer un scénario-catastrophe". C'est simplement considérer les réformes envisagées sous un angle idéologique et structurel, sans nécessairement faire de prospective ou de spéculation.
D'un point de vue idéologique :
- cet amendement introduit de fait (avec une grave insincérité) un fonctionnement non-démocratique, dont je redoute qu'il n'ait
rien de transitoire mais s'installe dans l'idéologie promue par notre Parti (et le fait que cet amendement recueille l'approbation massive de nos membres les moins légalistes n'est pas fait pour me rassurer).
- je constate que la seule réponse adressée à cette critique, se fait sous forme d'une apologie du vote non-secret (en particulier sous forme électronique), en d'autres termes l'on cherche à combler un déficit démocratique (d'ailleurs en partie artificiellement suscité) par des moyens non-démocratiques.
What could go wrong?
- même si la décentralisation et la vie locale sont des points absolument primordiaux, je constate que cet amendement contient en germe tout ce qu'il faut pour inciter les gens à se définir par des critères avant tout géographiques, pour cliver les différentes régions en les mettant dans des situations inégalitaires ou de compétition, pour en faire des bastions où le pluralisme interne n'est pas encouragé. Cette critique peut-être disqualifiée comme "jacobine" ; je considère effectivement que la Révolution Française (puis celle de 1848) a apporté des acquis démocratiques majeurs, que le souci de "décentralisme" ne doit pas conduire à démanteler -- ce qui est le projet porté par cet amendement.
D'un point de vue structurel :
- j'ai indiqué à 65536 reprises que les situations de conflits internes n'avaient AUCUNE solution d'ordre statutaire. Cet amendement n'y changera RIEN, bien au contraire.
- le Parti Pirate a mis quatre ou cinq ans à gagner un certain niveau de stabilité (réussite dont les constructeurs successifs ont été remerciés par un pain dans la tronche à chaque occasion possible, mais c'est un autre problème). Lancer un grand chambardement de cet ordre, surtout aussi irréfléchi, ne peut qu'_accroître_ l'instabilité structurelle déjà existante du Parti Pirate.
- l'instabilité se traduit invariablement par : des flottements organisationnels, des démissions en masse (à l'automne 2006 nous sommes passés de 5000 membres à 15 en dix jours, je sais de quoi je parle), voire un danger pour la survie même du Parti Pirate -- comme tout mouvement de bénévoles, la démotivation est contagieuse et les ressources humaines restent plus ténues qu'on ne veut bien l'admettre.
- les flottements (particulièrement quand ils sont amplifiés par le Règne de l'Arbitraire qu'on nous impose aujourd'hui) facilitent les risques de récupération/noyautage/entrisme au profit d'autres mouvements politiques. Ce risque s'était éloigné depuis deux ans, il était donc urgent de lui redonner toutes ses chances. #gg
- le fait (notamment grâce à cet amendement mais également des "améliorations" que mes collègues du C.A.P. sortant s'étaient mis en tête d'apporter aux statuts, non sans naïveté) d'apporter de nouveau la question du FONCTIONNEMENT interne sous le feu des projecteurs, plutôt que de VRAIES questions intéressantes (notre programme, notre projet politique, notre proximité avec l'électorat), va _évidemment_ détourner toute l'énergie possible des combats électoraux, de notre réflexion politique à long terme, et de notre intégration et participation dans les mouvements Pirates trans-nationaux en train de se constituer. (Mais réécrire les statuts pour la 512e fois est bien plus excitant que tout ça, il faut le croire.)
Bref. Aucune de ces réflexions n'est vraiment un "scénario catastrophe", ce sont simplement des faiblesses et des absurdités (et quelques désaccords idéologiques MAJEURS) qui me font conclure à la nocivité de ce dispositif, et m'interdisent d'y prendre part de près ou de loin. Je n'exclus pas que le Parti Pirate _parvienne_ un jour à fonctionner sous ce régime, je n'ai simplement pas vraiment hâte de voir à quoi il ressemblera ce jour-là.