Publié : sam. 05 déc. 2009, 04:32
Bonjour tout le monde,
comme vous les savez peut-être, la société Sun (Java, (Open)Solaris, StarOffice/OpenOffice, MySQL,...), après avoir pris ces dernières un virage très favorable au logiciel Libre, est en train de couler. Un repreneur s'est présenté : la société Oracle, nettement moins favorable au Libre en général. En particulier, là où Sun a développé une application libre de base de donnée (mysql) très largement utilisée, le business d'Oracle repose en majorité sur une application concurrente et propriétaire. On voit mal, dans ces conditions, comment Oracle pourrait continuer d'assurer le développement des applications de Sun (sans parler des OpenOffice et autres Java, dont Oracle n'a strictement rien à foutre).
Pour une telle reprise, qui se chiffre en milliards de dollars, les instances officielles ont leur mot à dire. Le congrès américain a déjà donné son accord. La commission européenne, en revanche, hésite ; elle devrait donner son avis la semaine prochaine, après consultation d'experts, notamment pour apprécier le risque encouru pour le développement des applications sous licence GPLv2 telles que mysql.
Et c'est là que l'histoire prend une tournure inattendue : Acte 1, Richard Stallman, fondateur du projet GNU, de la Free Software Foundation et auteur de la licence GPL versions 1 et 2, a écrit à ladite commission (avec l'appui d'un organisme nommé Knowledge Ecology International, que je découvre à cette occasion : http://keionline.org/ec-mysql) pour leur signaler que mysql est en grand danger.
Acte 2, Eben Mogler envoie une autre lettre à ladite commission pour leur dire... exactement le contraire : http://www.softwarefreedom.org/news/200 ... ion-oracle
Qui est Eben Mogler ? Avocat, membre de la Free Software Foundation depuis près de 20 ans, il a défendu (et gagné) les procès intentés depuis 1994 envers des licences libres (à l'oeil). Il a également fondé 'indispensablle SFLC (Software Freedom Law Center) et a écrit la version 3 de la GPL, récemment parue. Autant dire que le gars sait de quoi il parle.
Sa lettre est longue et fort bien argumentée, comme le signale Groklaw : http://www.groklaw.net/article.php?stor ... 4095942328
Quels sont les scénarios possibles ? Oracle ne peut pas rendre mysql propriétaire (la gpl l'interdit). Il peut en publier de nouvelles versions sous une double licence, mais pas enlever la gpl. Il peut tenter de recouvrir mysql sous des surcouches propriétaires, de rendre le code dépendant de bibliothèques propriétaires. La GPLv3 l'interdit mais non la GPLv2, qui est seule valable dans le cas présent. Il peut, tout simplement, laisser pourrir mysql dans un coin en cessant d'aider son développement.
L'argument de Mogler est simple : la GPL est une protection suffisante, en ce qu'elle garantit que si quoi que ce soit tourne mal, la communauté a le droit de forker le code. D'ailleurs mysql a *déjà* été forkée lorsque son créateur a été viré de Sun il y a quelques mois, le navire prenant l'eau : https://launchpad.net/drizzle (son fork) est paraît-il plus rapide et plus léger que mysql.
Cependant, on peut aussi comprendre l'inquiétude de RMS en voyant une compagnie propriétaire bouffer du code libre, alors que le domaine des serveurs et des bases de données est encore largement dominé par les solutions libres (au grand dam de Microsoft, qui fait tout ce qu'il peut pour essayer de fourguer sa camelote et attend probablement avec beaucoup d'impatience la décision de la commission européenne). On risque (potentiellement) d'assister à l'émergence d'un monopole privé sur une grande partie du Web.
Pas simple. En tout cas, le prochain épisode du feuilleton sort la semaine prochaine. À vous.
comme vous les savez peut-être, la société Sun (Java, (Open)Solaris, StarOffice/OpenOffice, MySQL,...), après avoir pris ces dernières un virage très favorable au logiciel Libre, est en train de couler. Un repreneur s'est présenté : la société Oracle, nettement moins favorable au Libre en général. En particulier, là où Sun a développé une application libre de base de donnée (mysql) très largement utilisée, le business d'Oracle repose en majorité sur une application concurrente et propriétaire. On voit mal, dans ces conditions, comment Oracle pourrait continuer d'assurer le développement des applications de Sun (sans parler des OpenOffice et autres Java, dont Oracle n'a strictement rien à foutre).
Pour une telle reprise, qui se chiffre en milliards de dollars, les instances officielles ont leur mot à dire. Le congrès américain a déjà donné son accord. La commission européenne, en revanche, hésite ; elle devrait donner son avis la semaine prochaine, après consultation d'experts, notamment pour apprécier le risque encouru pour le développement des applications sous licence GPLv2 telles que mysql.
Et c'est là que l'histoire prend une tournure inattendue : Acte 1, Richard Stallman, fondateur du projet GNU, de la Free Software Foundation et auteur de la licence GPL versions 1 et 2, a écrit à ladite commission (avec l'appui d'un organisme nommé Knowledge Ecology International, que je découvre à cette occasion : http://keionline.org/ec-mysql) pour leur signaler que mysql est en grand danger.
Acte 2, Eben Mogler envoie une autre lettre à ladite commission pour leur dire... exactement le contraire : http://www.softwarefreedom.org/news/200 ... ion-oracle
Qui est Eben Mogler ? Avocat, membre de la Free Software Foundation depuis près de 20 ans, il a défendu (et gagné) les procès intentés depuis 1994 envers des licences libres (à l'oeil). Il a également fondé 'indispensablle SFLC (Software Freedom Law Center) et a écrit la version 3 de la GPL, récemment parue. Autant dire que le gars sait de quoi il parle.
Sa lettre est longue et fort bien argumentée, comme le signale Groklaw : http://www.groklaw.net/article.php?stor ... 4095942328
Quels sont les scénarios possibles ? Oracle ne peut pas rendre mysql propriétaire (la gpl l'interdit). Il peut en publier de nouvelles versions sous une double licence, mais pas enlever la gpl. Il peut tenter de recouvrir mysql sous des surcouches propriétaires, de rendre le code dépendant de bibliothèques propriétaires. La GPLv3 l'interdit mais non la GPLv2, qui est seule valable dans le cas présent. Il peut, tout simplement, laisser pourrir mysql dans un coin en cessant d'aider son développement.
L'argument de Mogler est simple : la GPL est une protection suffisante, en ce qu'elle garantit que si quoi que ce soit tourne mal, la communauté a le droit de forker le code. D'ailleurs mysql a *déjà* été forkée lorsque son créateur a été viré de Sun il y a quelques mois, le navire prenant l'eau : https://launchpad.net/drizzle (son fork) est paraît-il plus rapide et plus léger que mysql.
Cependant, on peut aussi comprendre l'inquiétude de RMS en voyant une compagnie propriétaire bouffer du code libre, alors que le domaine des serveurs et des bases de données est encore largement dominé par les solutions libres (au grand dam de Microsoft, qui fait tout ce qu'il peut pour essayer de fourguer sa camelote et attend probablement avec beaucoup d'impatience la décision de la commission européenne). On risque (potentiellement) d'assister à l'émergence d'un monopole privé sur une grande partie du Web.
Pas simple. En tout cas, le prochain épisode du feuilleton sort la semaine prochaine. À vous.