Je ne suis pas fan de ta manière de parler "au nom du Parti Pirate". Et j'emploierais un terme plus précis pour désigner les gens que tu évoques, le terme de "libéral" ayant été trop détourné dans plusieurs directions différentes.
Je suis sensible à cette critique, car j'ai conscience d'être parfois emporté par mon enthousiasme, je te remercie donc pour cette remarque. Je ne représente pas le Parti Pirate puisque je ne suis pas élu ni nommé, mais en même temps j'ai l'impression de participer à sa construction au moins sur le plan des idées.
Le socle idéologique, moral, spirituel et politique du libéralisme est en effet si large qu'il est difficile de l'utiliser sans devenir imprécis et flou. Néanmoins c'est une référence à côté de laquelle nous ne pouvons pas passer, justement parce que des courants très différents les uns des autres s'en sont inspiré.
Ce que je propose, ce n'est pas de rejeter le "libéralisme" en bloc mais plutôt de nous appuyer sur cette idéologie comme un point de départ, avec des choses à conserver comme cette idée que le contrat social n'est pas réalisé par une démocratie représentative, mais avec des approfondissements critiques nécessaires, comme le plan des valeurs laïques, celui de l'intérêt général, et plus généralement le manque de vision d'ensemble à long terme de notre système politique libéral.
Cette vision me paraît trop optimiste. Je pense que l'on ne devrait pas espérer de canaliser la violence des puissants dans l'intérêt commun car c'est structurellement impossible à mon avis mais plutôt essayer de limiter ses effets négatifs en limitant la force des puissants.
Daniel nous apporte des éléments très intéressants pour notre réflexion.
- Limiter la force des puissants : Est-ce possible de limiter la force des dominants sans automatiquement augmenter le pouvoir de résistance des dominés ?
Je pense que le défaut de ce raisonnement est de se focaliser sur le pouvoir en oubliant la question de la responsabilité.
Donner ou enlever du pouvoir à une des partie au conflit, à mon avis entraîne une modification symétrique du pouvoir pour l'autre partie. Ce qui est à craindre, c'est que par exemple en enlevant du pouvoir aux responsables politiques, les citoyens soient plus libres de désobéir, d'affronter le pouvoir, mais toujours sans y participer.
Ce système se rapprocherait de l'aspect négatif de l'anarchie : le chaos, la guerre civile.
Le Parti Pirate a revendiqué à de nombreuses reprises être un parti républicain, c'est pourquoi à mon avis il devrait s'opposer aux propositions dangereuses pour la stabilité de l'État et son efficacité.
- Canaliser la violence, structurellement impossible : Ceci est très exactement la question que nous devons nous poser.
A l'origine de ma réflexion, il y a cette intuition que d'autres ont probablement eu aussi, qui consiste à constater une évolution des infrastructures technologiques dont nous disposons aujourd'hui pour mettre en œuvre le politique, qui en réduisant les distances et les délais, a rendu possible ce qui ne l'était pas auparavant, c'est à dire la démocratie directe via Internet. Certes, la question du vote en ligne et de sa fiabilité reste un frein à cette évolution possible, mais la technologie permet déjà aujourd'hui ce qui était inimaginable auparavant, la construction d'infrastructures permettant de connecter tous les citoyens entre eux.
De même, la décentralisation, aujourd'hui inscrite dans la constitution, est une évolution politique majeure qui, si on lui donnait des moyens financiers et une réelle volonté politique, pourrait permettre une certaine autonomie locale des citoyens encadrée par l'Etat central, une responsabilité de chaque citoyen dans le fonctionnement démocratique, ce qui rejoint cette fois l'anarchie, mais dans ses aspects positifs.
Donc, ce qui peut changer dans la structure du pouvoir, ce sont déjà les infrastructures et l'organisation des structures du pouvoir (centrale/décentralisée).
Ces modifications sont elles suffisantes pour changer radicalement la structure du pouvoir ?
J'ai tendance à penser comme Daniel que le conflit et la violence sociale persisteraient et se reproduiraient aux nouveaux échelons. Cependant ces conflits deviendraient plus transparents, car ils auraient pour cadre un lieu institutionnel d'expression dynamique, ce qui pourrait amener les citoyens à prendre d'avantage conscience de ces conflits et ainsi de gagner en liberté.