Je ne sais pas si vous passez encore sur le forum, mais je me permets de remonter le sujet que je trouve bien intéressant, en général, malgré le côté polémique.
Je viens d’adhérer au parti, et en tant qu’économiste, je connais plutôt bien les thèses libérales voire libertariennes (de Rand à Hayek en passant par Friedman, Aron, Mises, Salin, Buchanan, Rothbard…)
Non seulement je connais un peu, mais je partage également certaines de ces thèses souvent bien pertinentes. C’est donc avec sympathie que j’essaie modestement d’apporter un élément de réponse ici.
D’abord, le parti pirate n’est pas le parti libertarien (qui existe par ailleurs, je crois, sans grand succès). Il y a sans aucun doute des libéraux (moi, s’il faut une étiquette, mais très attaché à l’égalité des conditions de départ, on dit alors libéral de gauche paraît-il) et des libertariens.
La question initiale du thread ne me semble quand même pas très judicieuse. La raison en est qu’il ne s’agit pas, toujours selon moi, de rejoindre ce groupe avec des idées figées mais au contraire de chercher à défendre des idées force avec l’esprit de conciliation nécessaire au bon fonctionnement de toute organisation communautaire.
A ceci s’ajoute le fait que le libéralisme, et même le libertarisme, ne sont pas des corpus théoriques unifiés. Il y a de nombreux libéralismes (d’ailleurs, la notion est originellement d’ailleurs politique, avant d’être économique) parmi lesquels le monétarisme et ses Chicago boys, le libértarisme autrichien (Hayek, Mises), l’objectivisme d’Ayn Rand, le libéralisme dit de gauche à la Sen, la nouvelle économie de l’offre à la Laffer ou encore le public choice de Tullock et Buchanan. Bien sûr, ces approches se rejoignent sur de nombreux points, probablement plus philosophiques qu’autre chose, d’ailleurs. Ils montrent tous un attachement à la liberté individuelle, à la valeur subjective des choses ou encore au rôle important de la propriété privée. Pour autant, ils marquent aussi parfois des dissonances tout aussi importantes : étude des externalités chez l’école du public choice vs Rothbard qui en nie l’existence… C’est la même chose pour les utilitaristes ou ceux qui trouvent quand même une certaine forme de bon sens à une justice rawlsienne (vaut-il mieux que dans une économie de 2 individus l’un ait 10 000 et l’autre 0, plutôt que l’un ait 2 000, l’autre 7 000 ? Clairement non pour les premiers, mais la réponse n’est peut être pas si évidente…).
Une autre manière aussi de le voir, dans des termes très anglo-saxons est bien de comprendre la différence entre pro-business (soutien des grandes firmes multinationales, souvent au détriment de l’efficacité de marché) ou pro-market (l’efficacité de marché au détriment des grands groupes à tendances monopolistiques). En France, on a tendance à voir le premier (le fameux « ultra-libéralisme) et beaucoup moins le second.
Je crois que le parti pirate est compatible avec le cœur de l’approche libérale, sinon je ne serais probablement pas là. Pour autant, que crois qu’il faut savoir aussi dépasser cette représentation des choses. La première raison est que les origines des membres est très diverses et que vouloir cliver les débat ne peut qu’aboutir à une impasse. C’est un argument pragmatique. Ensuite parce les nouvelles technologies commencent à rendre caduques (au moins en partie) les idées d’il y a deux siècles. La question de la propriété intellectuelle en est un excellent exemple. Pierre Levy l’avait parfaitement vu en 1998 dans Cyberculture où il y avait une forme de revanche socialiste avec réappropriation des moyens de production (les idées), par tous ceux qui auraient accès au cyberspace. J’avais été ravi de voir que l’idée avait fait son chemin, au point qu’elle se retrouve dans Wired il y a une paire d’années ( http://www.wired.com/culture/culturerev ... wsocialism ). Une autre manière de le dire c’est que les lignes traditionnelles se brouillent, et paradoxalement, on va probablement à la fois vers une société plus libre et en même temps plus collectiviste.
Pour reprendre mon propre exemple qui est sans aucun doute celui que je connais le mieux, j’accorde une place très importante à la liberté humaine. Je considère que les mécanismes de marché permettent généralement de concilier l’idée de liberté avec l’efficacité économique mais qu’ils sont aussi à l’origine de problèmes humains sérieux (pauvreté, fortes inégalités de revenu, manque d’accès à certains bien importants (santé ou éducation, quand le système est libre)) sans parler des imperfections de marché classiques (externalités, biens publics). Je crois qu’à ce titre, les partis traditionnels n’offrent aucune solution satisfaisante. Le bidouillage ne fonctionne même plus à court terme, et il me semble opportun de revoir nombre « d’acquis ».
Je viens de m’intéresser pas mal au débat sur un revenu universel (identite/revenu-base-t6420.html )qui pourrait parfaitement être une mesure phare d’un éventuel programme économique pirate, et dont l’idée même est partagée par des libéraux (Friedman, Hayek, Marseille en France..) et des non-libéraux. De même, repenser la propriété intellectuelle est un défi majeur à venir, et d’autant plus importante que le savoir est source d’externalités positives potentiellement très importantes.
Au final, je suis convaincu qu’il faut laisser ses à priori de côté (ce qui vaut pour les libéraux mais pour tous les autres aussi) et simplement chercher à réfléchir sereinement (ça veut dire sans s’énerver, et avec des arguments étayés) à chacun des sujets d’intérêts (qui sont pas les mêmes pour tout le monde), afin de proposer des choses cohérentes et réfléchies. Le progrès technologique entraine des changements rapides et parfois brutaux. On a clairement besoin de le faire
