thufir a écrit :c'est quoi cette malédiction ? on démarre un fil sur le patriarcat et on cause du matriarcat
Le matriarcat, si j'ai une certitude à son sujet, c'est que c'est sans objet pour nous, au 21ème siècle.
Flu-flu a terminé par une citation sujette à controverse sur le matriarcat. D'où ma réponse.
Ce qu'il y a d'intéressant à réfléchir sur la matriarcat c'est d'éviter de naturaliser le patriarcat, de le rendre inévitable.
Sinon on aboutit à des machins comme ça:
nalaf a écrit :Peut être que l'absence de régime matriarcal est une preuve que c'est un système inefficace ?
flu-flu a écrit :il ne faut pas confondre matrilinéarité et matriarcat. Le matriarcat n'a jamais existé. Le titre d'Arte est "sexy" mais faux. Pour preuve par exemple, les garçons et les filles reçoivent la même éducation scolaire chez les khasi.
Clemage a répondu pour moi pour ce qui est de la qualification matriarcale de la société Khasi (même s'il s'agit pas d'un exact miroir de nos sociétés patriarcales).
Thufir a écrit :Le patriarcat, contrairement à ce que tu dis, flu flu, ne met pas forcément les femmes en bout de chaines, après les derniers des hommes. Par contre, oui, il fonctionne en pyramide. Et à chaque étape de la pyramide, quand l'homme a un pendant féminin, la femme est hiérarchiquement en dessous (ex : le roi, la reine. La reine est quand même avant beaucoup d'hommes mais systématiquement derrière le roi).
C'est ce que j'appelais l'articulation de différents rapports sociaux.
Thufir a écrit :Ce qui est significatif, c'est qu'au top de la pyramide, y'a le père (ou patriarche
). Le patriarcat, finalement, c'est pas mal le culte du chef. L'idée que pour mener un groupe, il faut un leader et que ce leader doit disposer d'une autorité incontestée.
C'est un peu trop simpliste à mon avis. La société athénienne antique était relativement égalitaire et très peu portée vers le culte du chef MAIS elle excluait les femmes, les esclaves, les métèques. C'est à dire qu'une fois qu'elle avait déchut de la dignité toute une partie de sa population, elle était très égalitaire.
aurobindo a écrit :C'est un sujet difficile. Je pense que s'il y a eu évidemment une situation injuste pour les femmes durant pas mal d'époques, il ne faut pas non plus tomber dans l'autre extrême et dire que la femme a toujours été exploité. Pendant une grande partie de l'histoire, dans les sociétés féodales, les hommes étaient agriculteurs et faisaient les travaux dans les champs tout simplement parce qu'ils étaient plus physiques. La femme s'occupait plus de la maison et je pense qu'à l'époque aucun des deux travaux n'était considéré comme plus noble que l'autre donc les femmes n'étaient pas exploitées. A noter aussi que durant les périodes de guerre, les hommes devaient prendre les armes, ce qui n'était pas très drôle.
Je suis pas un expert des sociétés féodales mais il me semble que les femmes participaient également aux labeurs dans les champs. En plus de faire la bouffe et de s'occuper de la maison.
Par ailleurs elles étaient exclues des sphères du pouvoir: politique, armée, religion. Y'a qu'a voir la loi salique ou les règles de la primogéniture masculine (même avant avec les carolingiens et les mérovingiens, les terres étaient divisées entre les enfants mâles)
aurobindo a écrit : Je ne veux pas m'opposer au féminisme mais juste tenter de rétablir ce qui me semble un équilibre. Aujourd'hui, on insiste beaucoup sur le fait qu'il y a moins de dirigeantes que de dirigeants et c'est certain qu'il y a un problème mais je pense qu'on est aussi dans une société qui favorise les profils monomaniaques de prédateurs obsédés par la réussite et il y a plus d'hommes que de femmes ayant ces travers. Si on tente de changer le système pour qu'il bénéficie moins aux prédateurs et plus par exemple aux créateurs (science, invention, art,...) et à d'autres profils, alors il y aura plus de femmes mais surtout, il y aura moins de prédateurs. Si on remplace des prédateurs (au sens de Veblen) hommes par des prédateurs femmes, cela ne changera pas grand chose. Je pense aussi que dans notre société il vaut mieux être une femme avec un tempérament de prédateur, de business-woman, qu'un homme avec une tempérament contemplatif. Donc comme vous vous en doutez, je ne suis pas une femme et je souhaite bon courage aux féministes dans leurs combats, mon message est seulement que le risque de ce type de combat (multiculturalisme, gays et lesbiens,...) est de ne plus prendre de distance et de voir tous les problèmes sous l'angle homme/femme alors qu'une femme peut parfois être écartée pour d'autres raisons que son sexe (profil psychologique (par exemple introverti ou contemplatif (quand il faut être un killer du business), couleur de peau, religion, manque de réseau,...).
Le problème dans cette analyse c'est la perte de vue que homme et femme sont assignés depuis leur enfance à des comportements différents. La psyché individuelle n'est que le produit des interactions sociales dans lesquelles a été engagé l'individu depuis son enfance. Y'a beaucoup d'analyses sociologiques qui ont montré que les parents encourageaient implicitement (par le laisser faire, la tolérance plus grande, et la naturalisation de tels comportements) l’agressivité et les comportements transgressifs des garçons tout en punissant plus fermement les transgressions des filles dès leur plus jeune âge (favorisant leur docilité). En gros, on va laisser plus facilement pleurer plus longtemps le bébé fille ou on va considérer que le garçon transgresse les règles parce que c'est la testostérone etc. Du coup après au collège, au lycée on a 80% des punitions tombent sur les garçons (
http://www.puf.com/Autres_Collections:L ... ll%C3%A8ge).
Le patriarcat encourage une telle division des rôles en assignant et perpétuant ces constructions.
clemage a écrit :Ce que cela montre, c'est que le patriarcat n'est qu'une conséquence intermédiaire et que le problème profond est les différenciation non pertinentes des individus en fonction de leur sexe.
C'est exact (si ce n'est que ce n'est pas tant un phénomène qui est la conséquence de l'autre mais les deux qui s'auto-entretiennent).
Delphy disait déjà dans les années 90: "le genre précède le sexe" (« Penser le genre : quels problèmes ? », Sociologie, IRESCO, CNRS, 1991.).
gendertrouble.org a écrit :Le dépassement de la notion de genre
La notion de genre nécessite d’être critiquée et repensée. La pensée de Christine Delphy me semble éclairante de ce point de vue [4]. Celle-ci explique en effet tout d’abord que l’adoption du concept de genre donne à comprendre trois éléments : le contenu social et arbitraire de ce qui est compris dans les différences entre les sexes ; un singulier (le genre) qui permet de penser le principe de partition lui-même (et pas seulement les parties divisées, masculin et féminin) ; la notion de hiérarchie entre les sexes. Mais la sociologue déplore que l’on continue finalement de penser le genre en terme de sexe ; on l’envisage simplement comme une dichotomie sociale déterminée par une dichotomie naturelle. Le genre serait un contenu et le sexe un contenant. La question de l’indépendance du genre par rapport au sexe n’est pas posée. Elle affirme que la plupart des auteurs se demandent à quel type de classification le sexe donne naissance, mais la question n’est jamais : pourquoi le sexe donnerait-il lieu à une classification quelconque ? On admet l’antériorité du sexe sur le genre, donc on se situe dans une théorie où le sexe cause le genre. Christine Delphy pense quant à elle que le genre précède le sexe, et que celui-ci est simplement un marqueur de la division sociale, il sert à reconnaître et identifier les dominants des dominés. Donc elle estime que quand on met en correspondance le genre et le sexe, on ne compare pas du social et du naturel, mais bien du social avec encore du social, c’est-à-dire les représentations que se fait une société donnée de ce qu’est la « biologie ». (un article de Nicole-Claude Mathieu [5], se référant à Paola Tabet [6], donne à voir une explication matérialiste intéressante d’une « biologisation » des corps des femmes ayant pour objectif la reproduction) Christine Delphy explique ensuite que de nombreux-ses féministes cherchent à abolir la hiérarchie existant entre hommes et femmes sans pour autant dissoudre la distinction, abolir les contenus mais pas les contenants. Or les catégories du masculin et du féminin sont elles-mêmes issues de la hiérarchie, du système de domination. Par conséquent, si la hiérarchie est dissoute, (nous sommes bien d’accord, il s’agit là d’une visions utopique permettant de penser le genre et ainsi nos objectifs) les notions même de masculin et de féminin disparaissent. Ces notions ne peuvent exister sans la sur-valorisation de l’une au détriment de l’autre. La distinction entre les sexes sert uniquement de support mental à la domination masculine. Il nous faut donc quitter nos présupposés de complémentarité entre les sexes qui structurent notre pensée actuelle. On ne peut pas imaginer les valeurs d’une société égalitaire sur le modèle de la somme ou de la combinaison du masculin et du féminin actuels. Créés dans et par la hiérarchie ils ne pourraient survivre à celle-ci. Il s’agit alors de penser un monde où les différences de sexe ne feraient plus sens, ce qui est, il est vrai, plutôt difficile à imaginer.
Ou plus simplement:
crepegeorgette.com a écrit :Christine Delphy déclare, ainsi que d'autres, que "le genre précède le sexe ; dans cette hypothèse le sexe est simplement un marqueur de la division sociale". Elle veut dire que le sexe est surtout une représentation sociale du biologique.
On naît avec des organes génitaux différents et on irait coller sur ces organes génitaux des comportements sociaux particuliers.
Comment entendre cela. Prenons l'exemple des différentes couleurs d'yeux. Cette différence de couleur est génétique et n'a pas entraîné, socialement parlant, une catégorisation. On aurait pu imaginer "le groupe yeux bleus" "le goupe yeux verts" et le "groupe yeux marrons". Si cette catégorisation là existait, toutes nos sociétés seraient fondées là dessus. On imaginerait que le caractère influerait en fonction de la couleur d'yeux. C'est exactement ce dont on a procédé en divisant l'humanité en deux. Il ne s'agit pas ici, encore une fois de nier les différences biologiques (et je parle bien ici de biologie) mais de montrer que ce qu'on a collé sur ces différences biologiques qui fondent le sexisme.