Content de te retrouver, Dante. Ta synthèse me parait très bien faite et propre à trouver un point d'équilibre et à pacifier le débat.
Je réponds tout de même aux questions posées par Fluflu en précisant bien qu'elles doivent être prises dans un esprit d'explication et d'apaisement et non de polémique, même lorsque j'exprime un désaccord.
flu-flu a écrit :Est ce que tu considères mon discours et ma position comme anti-mec ?
Pas volontairement en tous les cas, mais un petit peu malgré toi, dans la mesure où tu simplifies les choses et où tu reprends le discours abolitionniste en réduisant la question du travail sexuel à des méchants hommes qui exploitent le corps des gentilles femmes. Or d'une part la sexualité masculine est plus complexe que le dessin que tu en fais, et d'autre-part le travail sexuel aussi.
Le souci pour moi provient de ce que tu te bases sur des perceptions biaisées du rapport des hommes et des femmes dans les sociétés occidentales contemporaines. Par exemple ton schéma dans lequel les mères sont soumises aux fils correspond à une forme de patriarcat que l'on trouve dans les milieux très imprégnés de la Bible ou du Coran, mais qui n'est pas pertinent dans la plupart des familles françaises des classes moyennes, où les fils sont soumis à l'autorité maternelle souvent jusqu'à leur majorité.
Il ne s'agit évidement pas d'un "matriarcat", mais d'une forme d'autorité exercée par les mères sur les jeunes hommes et qui est loin d'être négligeable. Je ne suis pas d'accord avec cette façon de systématiquement minimiser l'autorité des femmes et les abus qui en découlent parfois.
Quand tu parles de "camp des bourreaux", comme le note très bien Faro, c'est pareil... tu le fais sous le coup de l'émotion, sans doute, et je le comprends, mais oui ça participe d'une forme de sexisme antimec qui est assez injuste pour tous ceux qui ont toujours considéré les femmes qu'ils rencontraient sur un strict pied d'égalité en toutes choses.
Je ne suis ni un bourreau, ni un violeur potentiel.
flu-flu a écrit :Tu parles de fantasmes sexuels masculins. Vous avez tous les mêmes ? Vous avez été tous éduqués, baignés dans le même biotope culturel et affectif ?
Non bien sûr, mais sans pour autant faire d'essentialisme, avoir un corps d'homme et avoir un corps de femme ne procure pas les mêmes sensations physiques, le plaisir sexuel n'est pas identique, et les fantasmes construits à partir de ce corps sont nécessairement différents. Si on veut se comprendre, il faut pouvoir interroger l'autre sexe qui est étrange et se mettre à l'écoute de ce que cet autre corps a à nous dire. Beaucoup d'hommes ne comprennent pas la sexualité féminine, ne sont pas informés, plaquent des schémas faux sur les femmes, leur désir et leur plaisir. Cela nourrit le machisme et les comportements inappropriés... les féministes le disent et elles ont raison, mais l'inverse est vrai également. La sexualité masculine n'est pas connue, les femmes plaquent aussi des schémas faux sur le désir et le plaisir masculin. Ce que tu as dit plus haut sur l'érection le montre bien. Cela est source de malentendus et le discours à la fois antisexe et antimec contre l'érotisme masculin (on sait que l'érotisme est en effet malheureusement trop souvent fait par des hommes pour des hommes et traduit donc plutôt des fantasmes masculins) repose sur pas mal de malentendus.
L'idée que l'homme qui paye une travailleuse sexuelle la méprise et la traite de façon indigne participe de ce type de malentendu. En fait je ne vois pas en quoi il la mépriserait davantage que la femme qui glisse un billet dans le slip d'un streap-teaser masculin.
flu-flu a écrit :En dehors de l'auto suffisance ( masturbation) il y a toujours l'autre, ou les autres, qui participent à la jouissance. Qui ou quels sont ils ? Des sex toys vivants? des godmichets vivants ? des marchandises ? des serviteurs ? des esclaves ? des salariés ? Des êtres humains qui arrivent dans la situation à vivre avec leur histoire, leur vécu... Quelle(s) option(s) choisis tu ?
Je choisis bien sûr la dernière option, mais je ne pense pas qu'un travailleur sexuel soit aucune des options précédentes. C'est également un être humain qui arrive dans la situation avec son histoire et son vécu, à mon avis...
Bien sûr ce ne sont pas des rapports sentimentaux, si c'est ce que tu veux dire, et l'argent permet sans doute de liquider une partie du transfert affectif. Mais ça peut être aussi pas mal d'avoir ce type de rapport tant que les gens ne sont pas prêts pour le polyamour généralisé auquel nous aspirons tous, mais qui suppose quand même une très grande capacité à maitriser notre propension à la possessivité, ce qui ne me paraît pas du tout acquis.
flu-flu a écrit :Tu avoue que tu as peur

Oui... ça ne me pose d'ailleurs aucun problème je suis un pirate pas un soldat de la marine royale
J'ai peur en effet que dans la société sécuritaire qui se met en place, mes fantasmes soient traqués par la police de la pensée, et que méchant_homme_qui_ne_rêve_pas_sexuellement_bien, je finisse vaporisé par un drône du Miniamour.
Mais j'ai pas peur de le dire ni de me battre contre ça.
flu-flu a écrit :La pression sur la sexualité masculine ? Ce sont les hommes entre eux qui se la font (le patriarcat, encore lui). L'idéologie de la conquête, la compétition, le symbole phallique.
Oui, c'est vrai aussi, mais ce n'est qu'une partie de la question. Il n'y a pas que cet aspect, il y a aussi une injonction à refouler certains fantasmes jugés incorrects, à ne pas les exprimer dans l'érotisme... c'est tout ça qui est visé dans la chasse aux sorcières dont les travailleuses du sexe font l'objet.
flu-flu a écrit :D'ailleurs à ce propos, je te signale que dans les films porno les mecs sont sur une norme élevée au niveau longueur et grosseur. Or, le plus important c'est que ça s'emboite bien. Donc ça dépend aussi de l'autre partie de l'assemblage.
Ah ça c'est la différence entre le fantasme et la réalité. Il y a le truc qui est fait pour l'oeil et le truc qui est fait pour la cuisse... les deux ont leur charme.
La démesure érotique est un style. Elle n'est pas spécifique au porno contemporain. On trouve ça aussi bien dans l'estampe japonaise ou dans la BD.
Chacun est libre d'apprécier ou non, d'être excité ou pas. Quoi qu'il en soit, ce serait bien triste de se priver des fantaisies de l'érotisme sous un prétexte idéologico-politique, alors qu'il suffit de considérer que l'égalité des sexes, et plus largement de tous les êtres humains dans la vie réelle, n'empêche pas de jouer toutes les partitions sur le plan du fantasme.
L'érotisme n'est pas aussi standardisé qu'on le raconte. C'est vrai qu'il y a ce côté stéréotypé de l'image du corps mais c'est malgré tout beaucoup plus divers et plus riche. Tout existe parce qu'il faut pouvoir répondre à tous les désirs qui sont extraordinairement variés.
L'érotisme est une source d'admiration constante pour moi. Et je suis extrêmement admiratif du travail sexuel en général. C'est un vrai travail de performance. Les tds s'engagent avec tout leur corps dans ce qu'ils font c'est une chose magnifique et je trouve qu'ils devraient être très bien payés et très bien considérés dans notre société. Et c'est sur ce plan que j'ai envie de me battre, car dire que ce qu'ils font est indigne ou présente une image dégradante du corps contribue à les enfonçer, et avec eux à enfoncer notre conception de la sexualité dans l'opprobre moral d'où on a tant de mal à l'extraire, alors que s'ils sortent du placard, et que notre vision sur la sexualité change, et bien ils et elles seront estimés, et avec eux notre propre corps en sortira estimé aussi davantage, et c'est tout ce qui compte à mon sens.
flu-flu a écrit :Est ce que s'acheter une partie de sexe, c'est du jeu ?
On s'achète toujours une partie de sexe. Ce qui diffère d'une histoire à l'autre c'est ce qu'on donne en échange.
La sexualité est une chose subtile et complexe. Il y entre des tas de paramètres, et l'argent ou les avantages en nature ne sont que l'un de ces éléments très nombreux où les représentations que nous avons de l'autre et des rapports humains parfois de soumission et d'autorité interviennent. On ne peut pas normer ça pour établir des obligations et des interdits.
Il y a des femmes qui ne veulent pas faire l'amour dans certaines positions parce qu'elles estiment que c'est une forme de domination masculine patriarcale. C'est tout-à-fait leur droit. Mais faut-il édicter une loi pour obliger toutes les autres à se plier à cette règle ? Va-t-on instaurer une position missionaire d'Etat ? Indiquer les bonnes et les mauvaises pratiques sexuelles ?
J'espère bien que non !
Pas d'obligation en matière de sexualité. Si les gens échangent de l'argent ou des cadeaux ou que sais-je, c'est leur problème. Nous n'avons pas à mettre notre nez là-dedans ou bien on ouvre la boîte de Pandore de la société sécuritaire au nom de la protection et des bonnes moeurs.
flu-flu a écrit :Bien sûr qu'on peut jouer avec des costumes, des décors, des accessoires, des situations! Ah! le théâtre de la vie

Et bien voila... on est d'accord !
Merci à Stéphanie pour son message sympathique, et à touTEs les intervenantEs