http://www.lesechos.fr/opinions/points_vue/0202044947953-la-grande-erreur-du-liberalisme-322736.php
En 1979, les Friedman pouvaient également affirmer en toute confiance qu'en l'absence de discrimination institutionnelle (par exemple les lois ségrégationnistes dans le Sud) l'économie de marché conduit à une distribution suffisamment égalitaire des revenus. Les Friedman affirmaient aussi qu'une protection sociale minimale pour ceux qui se retrouvent sans ressources en raison d'une malchance ou d'une imprudence et la suppression de toutes les barrières juridiques à l'égalité des chances conduiraient à la société la plus équitable possible.
Au moment de sa publication, on ne pouvait exclure que le programme politique défendu par les Friedman soit une bonne solution. Un gouvernement peu interventionniste, n'offrant qu'une protection sociale minimale, des tribunaux efficaces et des liquidités en volume toujours croissant conduiraient à une société relativement égalitaire et prospère, sans chômage, offrant les mêmes chances à tous. Mais cela ne s'est pas passé ainsi, tel n'est pas le monde dans lequel nous vivons.
Milton et Rose Friedman ont commis une erreur de raisonnement quand ils ont postulé qu'un simple respect des règles conduisait à la prospérité. Il me paraît évident que le fonctionnement de la société ne dépend pas seulement du respect des règles mais aussi du contenu des règles que l'on respecte ( ou pas ). Milton et Rose Friedman n'ont pas analysé l'influence du contenu des règles de la société sur son fonctionnement car ils ont probablement supposé qu'une société démocratique choisit automatiquement de bonnes règles pour son fonctionnement.
Hélas la critique actuelle du libéralisme ne va pas dans cette direction, vers une analyse des règles de la société ou de la capacité limitée de l'être humain à fixer des règles de la société. On est plutôt en train de suggérer que les règles conduisent à des dysfonctionnements quelque soit leur contenu ou le processus de leur élaboration et on nous propose de les remplacer par une gestion arbitraire par le pouvoir.