Messagepar Stasis » lun. 02 juil. 2012, 10:24
Bon, j'ai l'impression que nous nous embarquons dans des problématiques très différentes les unes des autres. Quand je parlais de "menace", c'est au sens verbal du terme. Par exemple, si quelqu'un me dit "je vais te tuer" ou si je reçois une lettre me disant la même chose. C'est une menace pure et dure, mais qui en pratique n'existe que très rarement car en règle général on ne menace quelqu'un que dans un but précis. Et là, on tombe plus dans le chantage, chose qui me semble appartenir à un tout autre domaine que la simple expression.
Donc si quelqu'un veut me tuer, l'état se propose de me protéger en lui interdisant de me le dire. C'est déjà en soi une drôle de conception de la protection des personnes ; mais soit, continuons : cet individu me dit comme ça "je vais te tuer" mais, bizarrement, ne le fait pas de suite et me laisse le temps d'aller porter plainte. Tribunal, confrontation, etc. impossible de prouver quoi que ce soit, ma parole contre celle de celui qui m'a menacé : non-lieu, et chacun est renvoyé à son foyer. Un tour de manège judiciaire pour rien, le problème reste le même. Et je peux continuer de m'inquiéter parce que si je me rends au poste de police ou de gendarmerie le plus proche, on me dira que l'affaire est réglée et que "circulez y a rien à voir". Et si j'insiste on me dira que mon inquiétude est le fruit d'une quelconque pathologie et que je ferais bien de me faire soigner. Pour obtenir gain de cause, il faudra que je meure, ce qui n'arrangera pas mes affaires.
Mais imaginons que mon "ennemi" virtuel ne m'ait pas menacé verbalement, mais par écrit. Serais-je protégé pour autant parce qu'il aura été condamné de m'avoir menacé en laissant des traces ? Non : il aura un casier, mais restera libre de mettre sa menace à exécution. Et me protégera-t-on particulièrement ? Non, parce que l'état n'a ni le temps ni les moyens de protéger d'autres personnes que les personnes importantes. Par contre, il se sera donné le temps et les moyens de se faire mousser en faisant la morale. Donc, même si je peux comprendre dans l'absolu la pénalisation de la menace pure, je n'en vois pas l'intérêt dans les faits. Pour qu'elle ait un intérêt réel, il faudrait que la menace soit sanctionnée à hauteur de ce qu'elle annonce : tu me menaces de me tuer, la justice te condamne comme si tu m'avais tué. Là, j'y verrais un intérêt. Mais dans ce cas on traiterait l'état de monstre froid, liberticide et totalitaire.
Le problème n'est donc pas vraiment de savoir si on est pour ou contre les injures ou les menaces, mais de savoir si les interdire protège qui que ce soit en réalité. Or le meilleur moyen de protéger la population est de lui permettre d'être calme, informée, voire d'être en mesure de réagir. Or c'est tout l'inverse que l'on fait : on la maintient dans état d'agitation permanente que l'on glorifie tout en la gavant de causes d'inquiétude, et on prétend la protéger en roulant des mécaniques avec des politiques d'affichage tout en la laissant se débrouiller avec ses problèmes.
"We have a strategic plan. It's called doing things."
Herb Kellerher