Cependant, un aspect qui a été soulevé mérite de continuer à être discuté : l'envie de redonner du pouvoir de décision aux familles, ou (plutôt) aux citoyens.
Et si ce pouvoir, nous cherchions à le développer dans le cadre d'un mécanisme de "budget participatif" ?
En effet le budget participatif répond à cette envie, et correspond nettement à notre système de valeurs (plus grandes implication citoyenne, transparence, coopération, etc.).
Dans ce cas, il ne resterait plus qu'à en concevoir des modalités pratiques, pleinement conformes à notre vision et peut-être plus simples dans leur fonctionnement que celles qui ont été mises en oeuvre à Porto Alegre, et que je rappelle :
Le Budget participatif de Porto Alegre (1,5 million d'habitants, extrême sud du Brésil) fonctionne depuis 1989. En constante évolution, cette expérience est passée à d'autres municipalités brésiliennes puis à tout un État [l'État du Rio Grande do Sul].
[Au premier niveau] Tout le monde peut dire son mot sur les priorités et les thèmes car les seize secteurs de la ville possèdent de très nombreuses associations, parfois plusieurs par rue [qui se constituent en assemblées de discussion]. Chacune élit un délégué pour dix personnes. [Au second niveau] Les délégués forment le forum des délégués du quartier ou de la thématique. Le forum organise le débat et les arbitrages entre les différentes propositions venues des assemblées de base, et les transmet à la mairie. Ensuite une grande assemblée est organisée dans chaque quartier où sont élus les conseillers : deux conseillers par secteur et deux conseillers par thème, soit […] 42 conseillers. Ils ont pour mission [au sein du Conseil municipal du Budget participatif] de contrôler que la mairie suit bien les priorités des quartiers et des thématiques. [L'ensemble] représente des milliers de réunions !
L'exécutif (le maire) et le législatif (le conseil municipal) sont nettement séparés [au Brésil]. La séparation de ces deux pouvoirs permet une tension démocratique salutaire. Le Budget participatif constitue un troisième pouvoir. Pour éviter le clientélisme et la bureaucratie, les conseillers, élus pour un an, sont renouvelables une seule fois et révocables à tout moment par le forum des délégués de leur quartier ou de leur « thématique ». Ils doivent s'en tenir strictement à leur mandat qui est de mettre en œuvre les choix des assemblées de quartier [qui ont été validés par le législatif]. […] Pour le Parti des Travailleurs, il est essentiel que les conseillers ne touchent ni salaire, ni contrepartie financière. C'est la garantie de leur autonomie. […]
Lors du Séminaire international sur la démocratie participative (Porto Alegre, novembre 1999), les délégués étrangers ont été frappés par la maturité et l'engagement des habitants présents : "Les fonctionnaires de la mairie, qui auparavant nous paraissaient lointains et intouchables, doivent maintenant venir chez nous dans les favelas, s'asseoir avec nous, discuter avec nous des projets. Ils ne sont plus maîtres de la vérité." Une expérience concrète rapportée par Martine Toulotte, du réseau "Démocratiser radicalement la démocratie", raconte une visite dans une favela : "[Dans la favela de Santa Teresa] D'anciens chemins qui dégringolaient des favelas sont asphaltés d'une manière très soignée, très bien finie, avec des trottoirs très propres. Ces nouvelles rues ont des pentes incroyables. Elles permettent cependant aux camions poubelles de passer et chacun dépose devant sa baraque de planches un sac poubelle bien ficelé. Mais la viabilisation de ces rues a permis que chaque baraque ait un numéro, une adresse identifiée et donc la possibilité de recevoir du courrier. Dans cette favela, on peut voir la différence entre une rue qui s'est mobilisée et un chemin de terre à côté où les maisons sont moins pauvres, mais où les habitants sont moins mobilisés, et n'ont donc pas obtenu l'asphaltage. Avec la rue et l'espace public, sont arrivées crèche et école. Les favelas [mobilisées] sont effectivement transformées, propres, avec des équipements publics."
Il faut éviter d'idéaliser l'expérience. Des points noirs subsistent. Mais des enquêtes menées en 1998 par la ville de Porto Alegre montrent une participation accrue des femmes (51 %). 58 % des interviewés reconnaissent que leur communauté a bénéficié de travaux et de services […]. Presque 70 % des personnes interrogées jugent que "toujours" ou "presque toujours" les conseillers ont respecté et soutenu les revendications communautaires (secteurs) ou thématiques. […]
Cette vigueur du Budget participatif s'explique par la notion de "démocratie active". Certaines personnes sont plus ouvertes, plus informées, plus volontaires que d'autres, donc plus "actives". Ces éléments "en pointe" pourraient abuser de leur dynamisme, mais de multiples mécanismes incitent ces personnes à rester toujours au service de la collectivité."
La démocratie dans notre vie, BT2 n°39, mai 2001, P.E.M.F.