JP Bigot a écrit :Notre démarche n'a rien d'étatique, encore moins une contribution téléguidée ! simplement une contribution.
Mes excuses alors, j'avais mal compris. Bravo en tous les cas de venir vous renseigner et vous confronter aux avis extérieurs !
JP Bigot a écrit :Maintenant, la question de fond. La justice n'est pas pertinente pour des délits de cybercriminalité, cad la grande masse des phishing, des loteries bidon, des nigérianes, des ventes de contrefaçon de médicaments ou de produits de luxe, etc... Ils sont inaccessibles et sourds aux injonctions. Pourquoi aller devant un juge pour cela ? L'autorité devrait être dotée d'une certaine autonomie pour pouvoir agir.
Je ne suis pas d'accord. Si le délit est caractérisé, quelle différence entre demander à un juge et demander à un magistrat dans une haute autorité "indépendante" de trancher ? Pour moi, si l'un des deux va plus vite, c'est nécessairement qu'il s'embarrasse de moins de vérifications que l'autre.
La justice doit se concentrer sur la sanction après coup, pas sur un illusoire blocage. Je le répète : s'il s'agit simplement d'agir vite, alors le dispositif doit être optionnel : si je ne connais pas Internet, je peux activer le dispositif de filtrage pour m'empêcher d'accéder à des sites réputés dangereux ; mais si je le souhaite je dois pouvoir ne pas subir le filtrage.
JP Bigot a écrit :C'est pareil pour aider des victimes d'images dégradantes, il faut pouvoir agir vite.
Pourquoi ne pas réfléchir à créer un corps de justice dédié, auquel on affecterait les moyens nécessaires ? Plutôt que d'assécher continuellement le budget de la justice, et de critiquer ensuite son manque d'efficacité pour créer des autorités sous contrôle plus ou moins assumé du gouvernement...
Plutôt qu'agir vite, il faudrait peut-être réfléchir à adapter d'anciens délits à l'ère numérique. Il y a 20 ans, diffuser sans accord des "acteurs" une sextape était beaucoup moins grave qu'aujourd'hui, il faudrait peut-être commencer par alourdir les peines pour ceux qui commettent ce délit, histoire de les en dissuader.
JP Bigot a écrit :Préconiser l'obligation d'une décision judiciaire dans ce domaine, c'est équivalent à ne rien faire contre la cybercriminalité.
Je vois plutôt cela comme exiger le respect de la séparation des pouvoirs, un héritage de la Révolution. Si la justice est inefficace à lutter contre la cybercriminalité, c'est parce qu'elle n'est pas adaptée. Alors qu'on ne s'est même pas demandé si on pouvait lui en donner les moyens, proposer de créer une nouvelle autorité administrative pour faire son travail à sa place sans les garanties de respect de valeurs comme la présomption d'innocence ou le droit à un procès équitable me dérange.
JP Bigot a écrit :En revanche, une autorité peut elle prendre la décision de qualifier que tel propos est diffamatoire, ce n'est pas certain. Une décision judiciaire peut être préférable, de même que l'autorité saisie directement devrait pouvoir se déclarer incompétente pour en juger. D'un autre côté, vous savez comme moi qu'une diffamation ou une image dégradante se diffuse immédiatement, elle devient indélébile sur le net si l'on prend le temps d'attendre la décision judiciaire ! non pas que les juges soient lents, mais les procédures ne sont pas adaptées. Car l'autorité doit être au service de tous les internautes, sans privilèges ni passe droit.
Si "les procédures ne sont pas adaptées", pourquoi ne pas regarder d'abord s'il est possible de les mettre à jour ?
Pour ce qui est de la diffusion d'une image dégradante, je pense qu'il est illusoire de penser qu'une telle autorité permettrait d'empêcher sa diffusion. Une fois que c'est numérisé et publié, tout se partage facilement sur des réseaux chiffrés partout dans le monde, et hors de tout contrôle d'une hypothétique autorité du net en France.
Il faut se concentrer sur la pénalisation des criminels qui diffusent des données personnelles. En revanche, il ne faut pas tomber dans l'excès inverse, qui conduirait à censurer toute image dégradante au détriment de la parodie. Pour ce type de cas, je ne fais pas confiance à autre chose qu'un juge pour trancher.
JP Bigot a écrit :Il y a aussi des cas d'urgence, tel appel à la violence, par exemple fin d'année dernière avec photos des policiers du quartier et appel au meurtre.. je crois même qu'il y avait leur nom..
Il y a là-dedans plusieurs choses sanctionnées de prison et d'amende dans le code pénal. Si on donnait les moyens à la justice de remonter à la source et qu'on sanctionnait efficacement les auteurs de ces actes, ce serait plus efficace que de se concentrer sur essayer d'empêcher Mme Michu de tomber dessus par hasard.
Et là encore, il ne faut pas tomber dans l'excès inverse, et pénaliser de la même manière un réel appel au meurtre et une action similaire qui pourrait être une simple farce. Même remarque sur le juge pour trancher.
JP Bigot a écrit :Où se situerait le curseur ? ce sera au législateur de le dire si notre appel est entendu.
Vu ce que ledit législateur a commis au nom de la défense des auteurs et artistes ou des mineurs victimes de violences diffusées sur Internet, je suis très pessimiste sur la position finale dudit curseur...
JP Bigot a écrit :Concernant les "administrations qui travaillent dans leur coin"..
Je pense en effet que la régulation d'internet est dispersée, et que cette dispersion fait courir des risques, et est inefficace. Des risques car chaque administration aurait sa propre interprétation du droit.. la police avec la Lopssi ou la LCEN (le projet de décret BESSON), l'arjel qui s'en remettrait au juge (loi du 12 mai 2010), et L'HADOPI.. je ne sais pas trop.. C'est aussi une question d'efficacité, car tout le monde irait demander des blocages en ordre dispersé aux FAI. Si on veut être efficace face à la cybercriminalité, il faut une plateforme commune et une collaboration avec les FAI. C'est d'ailleurs ce que propose Laure de la Raudière dans son rapport, mais confiée à l'ARCEP.
Pourquoi ne pas créer des catégories de sites visés avec des systèmes de filtrage optionnels, chacun maintenu par l'une de ces administrations, voire reliées aux systèmes de signalement avec une simple vérification ? Il n'y aurait aucun souci de droits fondamentaux (tant que chaque citoyen fait confiance à la liste dans une catégorie, il l'utilise et ne tombe pas sur les sites qui posent souci ou reçoit un avertissement ; mais le jour où le filtrage est abusif il n'a qu'à le désactiver...)
Quoi qu'il en soit, je trouve disproportionné de vouloir bloquer l'accès à un site Internet sous prétexte qu'il est jugé potentiellement dangereux pour l'internaute. Prévenir est une très bonne chose (comme peut le faire le navigateur ou un moteur de recherche), mais pas décider arbitrairement que c'est trop dangereux pour l'internaute.
JP Bigot a écrit :Ensuite, je pense que le numérique mérite une autorité à part entière (comme aussi un vrai ministère!!).
Un vrai ministère au lieu d'un secrétariat d'état uniquement dédié à l'aspect économique serait une bonne chose.
JP Bigot a écrit :L'idée est donc qu'une seule autorité ait le monopole d'intervenir sur le Net.. sur demande judiciaire, ou sur sa décision propre.
(à ce propos, celle là peut être difficilement l'ARCEP qui ne traite que des flux, des tuyaux.. ni le CSA qui voit internet comme un média.. la CNIL ? plusieurs parlementaire l'ont évoqué).
La CNIL, dont le président est un sénateur UMP qui a reçu un
prix spécial du jury des Big Brother Awards pour tromperie et dissimulation ? La CNIL, qui a
une attitude très ambiguë sur des dossiers comme HADOPI ? Personnellement, ça ne serait pas pour me rassurer.
JP Bigot a écrit :D'une façon plus générale, le débat se cristallise sur la question sensible du blocage.
Mais tout aussi important est le respect de la neutralité et la mission pédagogique.
Le respect de la neutralité du Net, il faudrait commencer par l'inscrire dans la loi. Le rapport de Laure de la Raudière et Corinne Erhel est bien, mais si ces derniers temps on voit une multiplication de rapport, de conseils sans pouvoir et autres jolies déclarations... mais ce qui compte, ce sont les lois, et elles ne changent pas...