C'est une question compliquée, je vais essayer de donner quelques éléments de réponse (c'est purement à titre personnel de la part d'un sympathisant du PPfr, ce n'est pas forcément la ligne du parti).
Tout d'abord, il faut bien noter que le coût d'un produit tendra vers son coût de production marginal. Or, le coût de reproduction d'un fichier numérique est virtuellement égal à zéro, donc tout ce qui peut être numérisé verra son prix tendre vers le gratuit. Sans oublier qu'un fichier numérique est un bien non rival (ce n'est pas parce que j'ai
copié le tiens que tu ne l'as plus). On se place du coup dans une économie dite d'abondance, compter sur la rareté d'un produit pour augmenter son prix ou espérer le vendre à l'unité n'a plus aucun sens. Essayer de recréer les conditions d'une rareté artificielle sera voué à l'échec (et c'est pourtant bien ce qu'essaye de faire la HADOPI, tant pis pour elle).
Maintenant, comment gagner de l'argent dans une économie de l'abondance ? Là, je crois qu'il faut bien noter une chose, c'est que ce n'est pas à nous d'inventer le modèle économique à la place des auteurs, c'est à eux de le trouver. Ceci dit, le passé nous renseigne quand même : au début des supports enregistrés, les musiciens qui gagnaient leur vie essentiellement grâce aux concerts étaient terrifiés ; ils pensaient qu'ils n'allaient plus pouvoir gagner leur vie. Maintenant, c'est le contraire : comment gagner sa vie si on ne peut plus vendre de supports physiques ? Peut-être en misant sur ce qui ne peut pas être numérisé : le lien avec l'auteur, la participation à l'élaboration de l’œuvre, les performances live (comme avant). En tout cas, la rémunération des musiciens norvégiens augmente comme
l'expliquait Rick Falkvinge. Des intermédiaires devenus inutiles vont
inévitablement disparaître, mais la création, elle, ne s'est jamais aussi bien portée qu'aujourd'hui.
Quant aux logiciels, la question est réglée depuis longtemps : il suffit d'examiner tout ce qui tourne autour du logiciel libre qui a une économie florissante. Je n'ai pas payé un kopeck pour mon excellent système Fedora (même si j'ai un peu contribué en retour avec des rapports de bugs et des traductions). Red Hat, pourtant, est largement bénéficiaire depuis longtemps. Parce qu'ils vendent des services autour de RHEL (distro d'entreprise pour laquelle Fedora est une base). Et puis, il y a aussi le secteur non marchand : les contributions académiques et individuelles ainsi que celles basées sur l'économie du don sont non négligeables. Et je ne parle même pas d'Android qui a écrabouillé le modèle économique de Microsoft qui a cru que son modèle était la vente de licences, même s'il y a beaucoup à dire sur les données personnelles (mais c'est loin d'être limité à Android, Windows 10 faisant largement pire).
Enfin, je crois qu'il faut bien réaliser qu'on ne peut plus vendre des films, des morceaux ou des logiciels à l'unité : Apple Music, Google Play Music ou Spotify ne vendent *
pas* de la musique, tout comme un cinéma ne vend pas des films, ou tout comme Microsoft ne vend pas des licences de logiciels. Je m'explique : pour Spotify au hasard, ce qui vendu, c'est la facilité de découverte de nouveaux morceaux, la complétude du catalogue, les services associés (ubiquité et facilité d'accès, avertissement des concerts dans le coin etc.). La musique, elle, n'est que le produit d'appel et c'est pour ça que la rémunération des artistes est si faible, même si leurs revenus augmentent comme mentionné ci-dessus. Pour les cinémas, c'est le plaisir de sortie entre amis qui joue.
Quant à Micromou, elle a prospéré dans l'ère précédent Internet et a surtout vendu de la compatibilité (votre voiture ne fonctionne que sur ma route à moi). Désormais, avec le développement cross-platform et (malheureusement) avec le cloud, la rareté de cette compatibilité tend lentement à disparaître. FreeDOS 1.2 sort bientôt
, LibreOffice remplace Office pour la plupart des besoins et s'améliore à chaque version, il vaut nettement mieux développer avec Qt ou GTK que pour MFC et j'en passe. Je l'avais dit plus haut, le modèle qui avait si bien réussi à Microsoft avant Internet s'est littéralement cassé la gueule face à Android, sur les serveurs, les mainframe, le cloud et les supercalculateurs c'est réglé depuis longtemps, et sur le bureau, c'est une question de quand, pas de si.
TL;DR: Miser sur ce qui ne peut être numérisé, que ce soit le lien avec l'auteur, la co-élaboration des œuvres (dons, participation directe etc.), les performances live, la facilité d'accès ou les services. Ça marche, aujourd'hui même, et ça n'ira qu'en se développant (coucou l'impression 3D). Alors franchement, un droit d'auteur couvrant la vie de l'auteur plus 70 ans, c'est du grand nawak. Un domaine public florissant est vital pour la création, alors je crois qu'il faudrait réduire le délai à 5 ou 10 ans maximum (non parce que les descendants de Tolkien qui n'en branlent pas une et se contentent de gérer la collecte des fonds, il faut m'expliquer en quoi c'est utile à la création).
Voili voilou.