Messagepar pers » mer. 18 avr. 2012, 12:02
Bonjour,
il existe déjà au moins deux travaux universitaires en cours sur le Parti Pirate en France, donc c'est manifestement un sujet très porteur et nous ne pouvons que nous en réjouir !
Difficile de vous répondre de manière précise et utile sur des questions aussi générales ; je ne peux que vous inviter, évidemment, à lire nos écrits et à ne pas hésiter à nous faire part des questions qu'ils pourraient susciter en vous.
Pour m'arrêter un instant, néanmoins, sur ce terme de "cyber-militantisme", quelques réflexions me viennent :
- je me méfie en général beaucoup des termes branchés et mal définis, tout particulièrement lorsqu'ils me semblent convoyer l'idéologème qui consiste à remettre "au goût du jour" des démarches anciennes (et donc implicitement "has-been"). Vous parlez de "cyber-militantisme" (le préfixe cyber- faisait fureur dans les années 1990), on pourrait également parler de "netizens" ou d'"hacktivisme" -- pour ne rien dire de l'expression "libertés numériques" que j'ai amplement pourfendue à longueur d'articles.
- le Parti Pirate est un mouvement pour qui le Web est un espace indispensable, mais cela en tant que moyen plus qu'en tant qu'enjeu à part entière. Nous avons vocation à imaginer un modèle de société respectueux des citoyens, de leur liberté et de leur solidarité ; il se _trouve_ que les réseaux informatiques sont un outil extraordinairement efficace et précieux pour atteindre ce but, mais ce n'est qu'un outil parmi d'autres et nous n'oublions pas que la lutte pour cette citoyenneté se poursuit et s'amplifie y compris lorsque l'on n'est pas devant un écran !
- outre l'utilité d'Internet pour encourager le partage des richesses immatérielles et la connaissance du monde et d'autrui, c'est un moyen inédit de réappropriation des questions de politique. Les citoyens peuvent enfin se saisir de l'information par eux-même plutôt que de devoir se satisfaire d'une doxa médiatique centralisée (ce qui a également des effets pervers comme l'hideux "entonnoir Google"). De même, un parti traditionnel ne peut se former qu'au prix d'un investissement matériel considérable : location de locaux, réunions, déplacements, impression de tracts et opuscules... Là où le budget de fonctionnement du Parti Pirate est quasi nul, et nous permet de rassembler des gens éparpillés sur le territoire métropolitain et outre-mer ; sans parler de l'"internationale Pirate" (PPI) qui s'est constituée spontanément en à peine quelques mois à l'été 2006 !
En ce qui me concerne, c'est en 2002 que j'ai compris combien le système (censément) démocratique français était corrompu, lorsque l'élection présidentielle a été confisquée par une chaîne de télévision (de l'aveu même de ses dirigeants, a posteriori). Le référendum de 2005 sur le Traité Constitutionnel Européen a été une étape importante, en ce qu'il a mis en évidence le rapport de force entre des acteurs légitimés (grands partis, médias, faisant _tous_ campagne pour le Oui) et des moyens de communication et d'expression décentralisés (le Web était en majorité Noniste). Ce n'est peut-être pas un hasard si le Parti Pirate, un an plus tard, a rencontré un tel succès en France : pour beaucoup de déçus de la politique, un mouvement comme le nôtre est une source d'espoir et de renouveau, une chance de retrouver un peu de confiance en la prétendue "démocratie" française. Hélas, ce rapport de force a montré ses limites en 2007 lorsqu'un président réactionnaire (voire crypto-fasciste) a été élu (notamment avec l'appui des milieux ruraux et des personnes âgées). Mais le rapport évolue, et nous sommes peut-être nombreux à penser aujourd'hui que la vie politique _peut_ se jouer en faisant appel à l'intelligence des gens et non en flattant leur bassesse.
Il est certain qu'une transition sociale majeure est en train de se jouer dans les pays occidentaux (et même au-delà, fort heureusement). Cette transition a lieu quoi que l'on fasse ; le propos du Parti Pirate est seulement de l'accompagner, et d'essayer d'influer pour qu'elle se fasse dans le sens de l'intérêt général (environnemental, social, culturel, institutionnel, économique) plutôt que de la confiscation des processus décisionnels au profit de quelques intérêts privés égoïstes à court terme (qu'ils soient d'ordre industriel, financier, commercial, politique ou médiatique).
La liberté, c'est l’esclavage.
La guerre, c'est la paix.
L'ignorance, c'est la force.
La démocratie, c'est l'Amendement 13.