Gautier a écrit :Je ne prétends pas non plus avoir la solution à la crise, mais à force de vous voir simplement démolir des arguments sans en proposer... je me chauffe.
En vrac les solutions qui me semblent attractives :
_ Récupérer des banques centrales créatrices de monnaie
_ [Et au passage les placer sous contrôle démocratique]
Un tel « contrôle démocratique » a un effet simple : dès qu'il y a un souci le gouvernement fait tourner la planche à billets. Résultat mécanique, les prix augmentent, la valeur des investissements fond comme neige au soleil, donc personne n'a envie de venir placer ses ronds vers chez toi, c'est au contraire toi qui iras placer tes ronds sous des cieux plus stables. Si tu n'as pas une croissance forte ces effets sont démultipliés. C'est quelque chose qui a été essayé à de nombreuses reprises et les même causes produisant les mêmes effets, on a une idée de ce que ça donne. Détail intéressant, vu qu'en Europe il est verboten de faire tourner la planche à billets, les gouvernements ont eu recours à l'endettement.
_ Traiter les capitaux placés dans l'ensemble des paradis fiscaux comme potentiellement terroristes/criminels et traités comme tel ( gelés, analyse par la Justice etc...)
Attention à l'emploi du mot « terroriste » à toutes les sauces même si ça part d'une bonne intention. Mis à part ce point, tu ne peux pas. Parce qu'on est dans une économie capitaliste. L'ensemble des grosses boîtes qui ont des montages financiers disons « inhabituels » te calmeront très vite. Quand Sarkozy a fait monter la mayonnaise sur le sujet, il était évident que ce n'était que des effets de manche. La suite l'a confirmé. Regarde qui fait les lois et qui utilise les paradis fiscaux et auras une réponse limpide.
Pour donner une idée de la difficulté il faut songer à la Seconde Guerre mondiale. On sait jusqu'où c'est allé, raser des villes n'a dérangé aucune des parties belligérantes. Par contre, personne n'a touché aux paradis fiscaux pour essayer de saper le financement de l'autre.
_ Ne pas se refuser le droit de faire défaut : les taux d'intérêts sont pratiqués en raison du risque potentiel de défaut. Si la Grèce paye 20% d'intérêts à cause de son haut risque, qu'elle fasse donc défaut au lieu d'être contrainte de brader ses possessions nationales et de voir toute l'Europe dépenser des centaines de milliards d'euros pour rembourser ses créanciers. Surtout à fortiori quand le résultat final sera quand même un défaut.
Donc tes intérêts monteront à 30%, donc tu te refuseras encore moins le droit de faire défaut, donc les intérêts monteront à 40% et ainsi de suite. Résultat, tu ne peux pas emprunter ce qui a des effets catastrophiques dans une économie capitaliste -- a titre de rappel, ce qui a annoncé l'économie capitaliste est l'apparition des banques en Italie. Si tu ne peux pas emprunter, tu ne peux pas investir (ou moins que ton concurrent), donc tu es hors-jeu très rapidement.
Ceci dit, oui, tu peux faire défaut. En tout dernier recours quand tu n'as aucun autre choix, sachant que ça va couper ton accès aux marchés pendant un bon bout de temps. Si tu fais ça à la chaîne, tu finis dans une merde sans nom qui s'appelle pauvreté extrême ou misère noire, c'est selon.
_ Taxer les échanges boursiers à l'activité ( 0.1 centime l'action/par échange de cette action, un truc comme ça)
Pourquoi pas, c'est surtout efficace pour limiter la spéculation. Tu peux être sûr que Londres qui est une place financière de première importance s'y opposera très farouchement, mais dans tous les cas, ça ne résoudra pas vraiment la crise.
_ Instaurer une taxe sur l'impact écologique, douane nouvelle contre l'habitude de fabriquer à des milliers de kilomètres et importer en bateau
C'est une mesure de bon sens à la base, mais quand les Chinois t'expliqueront qu'ils refuseront en retour Airbus, les centrales nucléaires et d'autres joyeusetés du même genre et que tu commenceras à perdre tous les appels d'offre, ça calmera très vite. Surtout quand tu es déjà en position de faiblesse à cause d'un endettement en phase terminale et une balance commerciale très largement déficitaire.
_ Interdire la possession du moindre actif dans un pays dont on est pas résident ou citoyen, avoir des entreprises locales possédées au moins à 51% par un citoyen/résident ( système Chinois ou Russe )
C'est du suicide. Les Chinois peuvent se le permettre parce qu'ils ont un avantage comparatif énorme quand il s'agit de manufacturer quelque chose, sans même parler de la taille de leur marché. Mais si toi tu imposes une telle condition, tu verras passer plein d'investissements étrangers sous ton nez et ça calmera très vite. La capacité à attirer les investissements étrangers et un sujet sur lequel il y a une concurrence féroce, si tu t'attaches un boulet à ton pied avant de partir dans la course, les concurrents n'y verront aucun inconvénient. Le faire à l'échelle européenne est hors de portée pour le moment vues les différences de spécialisation économique.
_ Instauration de plusieurs zones économiques au sein de l'Eurozone, selon le niveau de développement des différentes nations.
Pas bien compris, tu peux détailler ? A la limite, des zones franches sont jouables avec toutes les réductions de droit de travail qu'ils comportent, mais des zones économiques différentes dans l'Eurozone, ce serait un bordel administratif et réglementaire sans nom, ce que cette zone avait précisément pour but d'éviter afin de fluidifier les échanges.
_ Ah et... le Revenu Universel, aussi. Toujours.
Owi. Il faudrait toutefois préciser le financement.
Démolir des arguments ? Oui, j'avoue que c'est un peu ce que j'ai fait jusqu'ici. Parce qu'il est beaucoup plus facile de critiquer que de proposer, mais surtout, parce que les contraintes économiques étant ce qu'elles sont je ne vois pas de solution dans le système capitaliste. Je n'ai clairement pas les compétences pour entrer dans les détails, mais avec un zoom out, je dirais que nous sommes dans une crise de surproduction relative, les capitaux ne trouvent plus où s'investir pour rapporter donc partent dans la spéculation boursière qui nous a donné une bulle dont l'éclatement fut payé par le contribuable en aggravant l'endettement. Là-dessus l'Europe a un handicap supplémentaire parce qu'elle est constituée d'un ensemble hétéroclite sans réel gouvernement politique et parce qu'elle a beaucoup perdu de ses avantages comparatifs, ce qu'elle a momentanément comblé au prix d'un endettement (l'innovation est partie aux states et la production en Asie, donc elle manque de spécialisation). Le seul moyen qu'il existe pour sortir de ça est de baisser les coûts de production en taillant dans les budgets sociaux et les salaires (et de dévaluer en parallèle si tu peux, ce qui revient au même) afin de gagner un avantage concurrentiel temporaire avant de recommencer. Les effets sociaux sont entre autres des ghettoïsations, la montée de l'extrême droite qui ne manquera pas de trouver un étranger bouc émissaire, l'augmentation de la violence au sens général donc de la répression.
Ce que j'ai à proposer ? La reconnaissance que je suis une brêle en économie. Ce qui revient répéter que je n'ai pas les compétences pour entrer dans les détails, mais qu'en me limitant aux grandes lignes, je ne vois pas de solution dans le cadre système capitaliste autre que le processus pas très sexy que j'ai dépeint, désolé. Si quelqu'un a une solution je serais ravi de l'entendre, à l'exception des « solutions » qui relèvent de la pensée magique du genre la Grèce sort de l'euro, s’assoit sur sa dette, ne perd pas un rond et tout repart comme si rien ne s'était passé. De toute façon, cette réponse là est filtrée en ce qui me concerne vu que son auteur est toujours le même.