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Des lois avec une date limite de validité

transparence, constitution, réformes structurelles...
iorior
Moussaillon
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Des lois avec une date limite de validité

Messagepar iorior » mar. 29 mai 2012, 00:02

Je poste un sujet sur lequel je réfléchis depuis un moment.

Ce qui fait une démocratie, c'est par définition la participation du peuple à la formation des règles.
Dans la forme rousseauiste du contrat social (par exemple):
 « Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout ».
Cela se traduit dans l'article 6 de la DDHC : "La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation..."

Actuellement, dans le droit français, et celui de la plupart des pays démocratiques, la loi ne dispose que pour l'avenir.
Il ne peut y avoir de règles rétroactives, sauf exceptions, je ne rentre pas dans le détail.
[url]http://fr.wikipedia.org/wiki/Rétroactivité_en_droit_français[/url]

La loi dispose pour l'avenir: c'est bien le problème. Si le peuple a adopté une règle de droit (directement ou par ses représentants, c'est un autre sujet sur lequel il y a beaucoup à dire), elle s'applique ensuite sans limite de temps, sauf si cette règle ou une règle de force supérieure prévoit le contraire.
Le peuple a pu apporter son concours à l'établissement de la règle, par lui même ou (beaucoup plus souvent) par l'intermédiaire de ses représentants. En ce qui concerne la loi, le concours se réduit le plus souvent à l'expression du consentement par le parlement aux projets du gouvernement.
Dans nos sociétés, ce consentement à la règle est donc un consentement initial, et non un consentement continu. 

Ce problème devrait être résolu par le principe que toujours, entre deux règles qui occupent la même place dans la hiérarchie des normes, la règle ultérieure prime. Une loi peut par exemple abroger une loi précédente. Si elle ne le fait pas expressément, elle peut le faire tacitement. Si l'application de la règle antérieure est incompatible avec celle de la nouvelle règle, le juge ne considérera pas la règle antérieure et le citoyen n'a pas à en tenir compte.

Le problème n'est cependant pas résolu. 
Beaucoup de pays connaissent une inflation législative et réglementaire. La tentation est forte de créer une loi à chaque fait divers (ou moins nuisible à la lisibilité du droit, mais plus coûteux pour les finances publiques : une commission de réflexion composée "d'experts", et n'aboutissant à rien).
Il existe une sorte de flemme normative. Certaines règles très importantes  ne sont jamais (re)débattues. Des règles sont adoptées sans que l'on se soucie du droit existant. Parfois il existe un doute à propos de l'abrogation tacite de certaines règles.
Le peuple est de toute façon soumis aux règles fixées par les ancêtres. Lorsque l'on arrive à l'âge de la majorité, le changement n'est pas si radical : on reste soumis à des règles sans avoir eu le "droit de concourir... à sa formation". Le contrat social est en place avant même que les citoyens l'aient accepté.
Nous n'avons pas une démocratie mais une ancestrocratie. 

Il devrait être obligatoire à chaque adoption d'une règle de prévoir aussi la date au delà de laquelle elle ne s'appliquera plus. 

Le fait de fixer des dates de péremption obligerait à redébattre des règles qui s'appliquent à une nouvelle génération de citoyens sans que cette génération ait pu donner son avis.

Beaucoup de normes n'ont heureusement pas besoin d'être changées, elles pourront dans ce cas être adoptées de nouveau. Le peuple renouvellera alors son accord.

On pourrait éventuellement imaginer que les droits fondamentaux échappent à cette obligation de réexamen régulier. Ils sont d'ailleurs définis comme imprescriptibles dans l'article 2 de la DDHC.
En revanche les règles organisant les institutions devrait absolument être repensées de temps en temps.
(Parmi les Français d'aujourd'hui, peu de gens étaient en âge de voter lors du référendum du 28 septembre 1958 sur la constitution de la Ve République)

La constitution fixerait des durées maximales, y compris pour elle-même.
Ces durées de validité pourraient varier selon le domaine (plus court par exemple, dans les domaines où le progrès technique est rapide).

Qu'en pensez-vous ?
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Quenelle
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar Quenelle » mar. 29 mai 2012, 00:37

A dire vrai, je ne vois pas vraiment l’intérêt.

L'esprit de la loi, c'est justement de ne pas répondre à un problème spécifique ou de fixer une règle portant sur un phénomène. Certes, on a été habitués pendant 5 ans à une hyper-réactivité à ce niveau là, mais normalement, c'est pas comme ça que ça fonctionne. La loi, ça s'aménage, ça se modifie, ça évolue, mais je ne vois vraiment pas pourquoi la faire périmer. Et, quand elle périme, de fait, on ne l'applique plus.

De plus, je trouve ça limite dangereux. Je vois déjà les dérives électoralistes surtout en matière de droit pénal.

ouryromain
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar ouryromain » mar. 29 mai 2012, 07:42

Je suis exactement d'ccord avec toi. Pour faire une loi, il faut consulter, réfléchir et agir. Il faut que la loi n'ait pas une date de peremption. Il faut, en revanche, et c'est sur ce point que je suis d'accord avec le message précédent la faire évoluée s'il y en a le besoin.

Ogulak
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar Ogulak » mar. 29 mai 2012, 07:54

C'est le cas (les lois d'urgence sont définies dans le temps mais elles ne sont pas rendues caduques pour autant à la fin; juste leur application qui s'arrêtent).

Le gros problème que je vois c'est que le temps que tous les décrets soient sortis, ta loi risque déjà d'être déjà périmée.

Une loi évolue comme dit précédemment voire s'abroge mais c'est plus rare (du moins en vote pas en toilettage) ou tombe aux oubliettes. On va dire que les lois se mettent elles mêmes leur durée de péremption (généralement une loi rentre en vigueur à partir d'une date, date qui correspond à la "péremption" de l'ancienne).
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OSB
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar OSB » mar. 29 mai 2012, 08:21

Je trouve ce thème de réflexion très intéressant. S'il existe un domaine où le fameux rasoir d'Occam devrait s'appliquer, c'est bien celui là à mon avis. Je partage ton sentiment, iorior, sur l'inflation législative, et pourquoi pas prévoir une limite de temps pour un certain nombre de lois dès lors qu'il est attendu que la société va évoluer sur les points où elles légifèrent ? Hmm au hasard, le droit d'auteur par exemple ...

En revanche, je ne suis pas favorable à ce que les lois plus anciennes soient tacitement abrogées par les plus récentes, comme c'est le cas dans la constitution Américaine, parce qu'un certain nombre de droits fondamentaux, comme tu le rappelles, s'imposent et sont précisément défendus par le fait qu'ils interdisent à certaines lois d'être faites. Dans la mesure où les ancêtres sont les Lumières, je trouve pas plus mal qu'il y ait un peu d'ancestocratie tout de même. La DDHC de 1789 et tous les droits spécifiques comme le secret médical protégé par le serment d'Hippocrate par exemple doivent être protégés contre toutes les dérives liberticides possibles. Ces droits sont, de mon point de vue, d'une essence supérieure à la démocratie elle-même.

Mais dès lors que ce socle garantissant l'état de droit est réaffirmé, voire renforcé, je suis favorable, en tous les cas à tout ce qui permettrait aux lois de s'adapter pour tenter de s'y conformer de manière plus parfaite.

Quelles dérives tu craindrais Quenelle ?

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Konwhald
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar Konwhald » mar. 29 mai 2012, 09:51

Tiens, c'est drôle, je voulais ouvrir un sujet pour proposer une limite au nombre de lois votées (dans le temps, ou dans le nombre), et ce, afin de rendre la connaissance des lois plus accessibles au citoyen, et plus facile a retenir (plus facile de retenir une poignée de lois essentielles qu'une demi-tonne de lois obscures dont les trois quarts sont perimées ou meritent reforme.)
Parce que la loi Francaise pullule de trucs qui meritent bien d'aller a la poubelle : lois inappliquées, lois inappliquables, etc etc...
Au final, ce sujet rejoint un peu l'idée...

Du reste, je plussoie Barbosa. Et defend l'idée que la Constitution doit etre fixe...
http://i0.kym-cdn.com/photos/images/original/000/002/763/invalid.jpg
De toute façon, vous n'êtes tous que des libellules.
Voilà.

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Zali L. Falcam
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar Zali L. Falcam » mar. 29 mai 2012, 09:55

Olivier Soares Barbosa a écrit : La DDHC de 1789 et tous les droits spécifiques comme le secret médical protégé par le serment d'Hippocrate par exemple doivent être protégés contre toutes les dérives liberticides possibles.


le serment d'hippocrate a écrit :Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif.


Il est quand même bon que certaines choses ne soient pas si figées qu'on le croit. :roll:
Je ne comprend pas bien le problème, en fait. Dans un code de loi, quand une loi est modifiée, elle remplace de facto la loi obsolète (c'est un peu pour ça qu'on élit des députés). Le problème se situe plus au niveau du délai des décrets d'application, non ? Le fait que certaines lois arrivent en étant déjà dépassées. Et aussi le fait que depuis quelques années, l'inflation législative du fait du "un fait divers = une loi" qui a mené à un gonflement inefficace du nombre de lois (certaines toujours en attente de décrets qui ne viendront jamais).
De retour de vacances, donc pleinement joignable, avec un million de dossiers en retard sur le bureau.
Je suis votre aimable et dévoué modérateur chéri, à votre disposition par MP pour toute question.

Si vous êtes gentil, n'hésitez pas à me faire coucou sur mon blog.

Si vous souhaitez aider, l'équipe qui s'occupe de synthèses de débat recrute toutes les bonnes âmes !
Vous trouverez des propositions malhonnêtes ici, où vous pourrez voir en quoi tout cela consiste. Venez nombreux, on mord pas !

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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar Quenelle » mar. 29 mai 2012, 10:13

Olivier Soares Barbosa a écrit :Quelles dérives tu craindrais Quenelle ?


Modifier une loi est plus difficile que d'en prévoir une nouvelle.

On le voit par exemple avec la fameuse ordonnance de 1945, pour les mineurs, qui est aujourd'hui un garde fou aux lois les plus fantaisistes.

Concernant la constitution, il est malheureusement impossible qu'elle soit fixe. La raison : l'europe.

Le droit européen prévaut sur le droit local, mais la constitution locale prévaut sur tout le reste. Or, si une loi européenne est incompatible avec la constitution, pour qu'elle soit applicable dans le pays, il faut modifier la constitution. On est d'accord ou on est pas d'accord, mais c'est une règle de l'europe. Et l'europe, on est dedans qu'on le veuille ou non.

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Maelgar
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar Maelgar » mar. 29 mai 2012, 10:30

Quenelle a écrit :Concernant la constitution, il est malheureusement impossible qu'elle soit fixe. La raison : l'europe.

La raison : l'histoire surtout. Ce n'est pas grâce à l'Europe que la France s'est dotée d'une cour constitutionnelle résolument moderne, c'est grâce à un lent processus de maturation qui va de De Gaulle à Sarkozy. Reste plus qu'à virer l'anomalie que constitue (à présent, pas à l'époque) la présence de droit des anciens chefs d’État, et la France sera à la pointe en matière de contrôle de constitutionnalité.
Tout ça pour dire qu'à travers cet exemple on voit la société évoluer, et je ne pense pas que figer nos institutions soit positif. Par contre je rejoint Olivier Barbossa quand il dit que les valeurs défendues par la Constitution doivent être préservées. Sans s'ôter la possibilité d'en ajouter de nouvelles au fur et à mesure.
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar Quenelle » mar. 29 mai 2012, 10:53

Oui bien sur. Je parlais plutôt de l'aspect pratique actuel :p

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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar iorior » mar. 29 mai 2012, 12:49

Je pense qu'il faut bien distinguer dans la constitution institutions et droits fondamentaux. En ce qui concerne les institutions, le changement régulier est indispensable. Je ne dis pas seulement ça parce que je n'aime pas la 5e République qui donne tant de pouvoir à sa majesté François II. On pourrait réflechir quand on élit des représentants, à leur rôle exact et aux pouvoirs qu'on leur donne. Surement pas à chaque élection, mais disons, pour donner un chiffre, tous les 20 ans.

En lançant ce sujet, je pensais à toutes les règles.
Par exemple les arrêtés municipaux (ou délibérations). Essayez d'en faire l'inventaire dans votre commune...
Les administrations elles-même ne savent pas si certains arrêtés ont été ou non abrogés (exemple vécu).

Des dates de peremption nettoyeraient tout ça.
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OSB
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar OSB » mar. 29 mai 2012, 12:56

Ok avec vous.

Zali Bienvenue et content de te retrouver ici,

Oui tu as cité bien sûr les deux points contestables aujourd'hui dans la version traditionnelle du Serment d'Hippocrate :D je suis d'accord avec toi, bien sûr, mais l'essentiel pour moi c'est "Je serai admis dans les maisons, et je ne verrai pas ce qui s'y passe" et ça c'est carrément énorme en matière de respect de la vie privée. Je me demande si Jarvis pensait pas à ça quand il a interpellé Sarko à ce propos à l'e-g8.

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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar Ogulak » mar. 29 mai 2012, 13:46

Olivier Soares Barbosa a écrit :Je trouve ce thème de réflexion très intéressant. S'il existe un domaine où le fameux rasoir d'Occam devrait s'appliquer, c'est bien celui là à mon avis. Je partage ton sentiment, iorior, sur l'inflation législative, et pourquoi pas prévoir une limite de temps pour un certain nombre de lois dès lors qu'il est attendu que la société va évoluer sur les points où elles légifèrent ? Hmm au hasard, le droit d'auteur par exemple ...

En revanche, je ne suis pas favorable à ce que les lois plus anciennes soient tacitement abrogées par les plus récentes, comme c'est le cas dans la constitution Américaine, parce qu'un certain nombre de droits fondamentaux, comme tu le rappelles, s'imposent et sont précisément défendus par le fait qu'ils interdisent à certaines lois d'être faites. Dans la mesure où les ancêtres sont les Lumières, je trouve pas plus mal qu'il y ait un peu d'ancestocratie tout de même. La DDHC de 1789 et tous les droits spécifiques comme le secret médical protégé par le serment d'Hippocrate par exemple doivent être protégés contre toutes les dérives liberticides possibles. Ces droits sont, de mon point de vue, d'une essence supérieure à la démocratie elle-même.

Mais dès lors que ce socle garantissant l'état de droit est réaffirmé, voire renforcé, je suis favorable, en tous les cas à tout ce qui permettrait aux lois de s'adapter pour tenter de s'y conformer de manière plus parfaite.

Quelles dérives tu craindrais Quenelle ?


Tout ce dont on parle ne concerne que l'aspect législatif des lois donc les libertés publiques, les droits fondamentaux (ddhc, premabule,etc) c'est autre chose et on y touche pas (c'est plus lourd à modifier quand même).
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Nunya
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar Nunya » mer. 30 mai 2012, 06:49

Plutôt qu'une péremption, il serait, il me semble, plus juste de parler de revérification de la portée et de l'utilité d'une loi au terme de tel ou tel délais.
Seulement, outre les dérives électoralistes inhérentes à la notion de délais comme le souligne à bon droit Quenelle, il est bien évident que la mise en système d'un tel contrôle de l'ensemble des lois est humainement et techniquement impossible. Quand on voit que des projets tentent tant bien que mal de moderniser notre droit - par exemple les nébuleuses Catala et consorts en droit civil - en mettant des années à maturer, à rapprocher d'un droit européen, pour finalement tomber dans un quasi-oubli, j'imagine mal l'infrastructure nécessaire à une revisite de milliers de lois chaque année.

Davantage, en dehors de cette impossibilité technique, je pense que ce n'est simplement pas souhaitable. Je crois que le point n'a pas encore été soulevé, mais si les lois sont globalement si figées et complexes à modifier, c'est avant tout et surtout pour des questions de sécurité juridique. La sécurité juridique, c'est plus ou moins la notice explicative dans la boîte de médoc', qui a pour objectif probant de lutter conte les effets secondaires pas très sympas du droit, à commencer, justement, par un changement trop fréquent de celui-ci.
Et on peut le comprendre. Si la jurisprudence peut se permettre, et encore, limitativement, des revirements opportuns dans l'interprétation d'une règle de droit, j'imagine mal ce qu'il pourrait résulter de l'état de droit le cas échéant où ce système serait porté à la modification des lois et règlements par période.
Et c'est aussi cette sécurité juridique qui impose une certaine solidité des institutions dans le temps (bien que l'histoire ait prouvé à de nombreuses reprises que cette solidité pouvait être malheureusement très aléatoire).

Normalement, cette sécurité juridique devrait permettre de lutter contre la production juridique française. En témoignent différents rapports, de celui de Françoise Chandernagor en 1991 (contenant la superbe expression de "logorrhée législative et réglementaire") à celui de 2006 du Conseil d'Etat, ce dernier reconnaissant par ailleurs ce principe dans un arrêt KPMG de la même année. Néanmoins, pour le moment, même si des réformes tentent d'améliorer la lisibilité du droit (cf. réforme du droit du travail en 2005) sous couvert du principe sus-mentionné, l'inflation législative est toujours d'actualité.
Comme le disait à juste titre le constitutionnaliste Guy Carcassonne :
« Tout sujet du "vingt heures" est virtuellement une loi. Il faut mais il suffit, qu’il soit suffisamment excitant, qu’il s’agisse d’exciter la compassion, la passion, ou l’indignation, pour qu’instantanément se mette à l’œuvre un processus [...] qui va immanquablement aboutir au dépôt d’un projet ou d’une proposition. [...] La boussole principale de l’action politique est devenue aujourd’hui non pas sa pertinence ou sa rationalité, mais le pronostic fait sur l’impact médiatique qu’elle aura. [...] Sinon, par exemple, la réforme des successions n’aurait pas attendu si longtemps. »


L'inflation législative a plusieurs causes, bien évidemment, comme le souligne Emmanuel Barthe dans son excellent article mis à jour en mai 2011 "L’"insécurité législative" : causes, effets et parades". A savoir notamment un mélange assez moche entre règles à l'écriture de plus en plus absconse (Conseil Constitutionnel) nécessité médiatique (Guy Carcassonne), intérêts des groupes de pression (A. Lucas), société toujours plus complexe (Conseil d'Etat, 2006), et bien évidemment comme souligné plus haut le retard absolu dans la prise de décrets, sur des sujets parfois importants pour toute une profession.
Ce n'est pas comme si cela faisait des années que les pharmaciens attendaient le décret des SPFPL, dont l'absence de promulgation un jour de beau temps, flingue petit à petit les petits commerces du secteur, collant des tonnes de gens à la paille dont ils se passeraient bien.

Pour moi, pour lutter contre cette inflation, comme dit plus haut, la péremption n'est pas une solution viable. En revanche, je pense qu'il serait intéressant de creuser dans la mise en place d'études d'impact (bilan avantages/inconvénients) des dites lois, avec bien sûr une nécessaire indépendance des experts par rapport aux ministères, la création d'une agence indépendante dont l'objectif est de chasser les coûts liés à la lourdeur réglementaire (telle l'agence indépendante aux Pays Bas dont le succès n'est plus à démontrer), des procédures législatives simplifiées (notamment dans la transposition des directives européennes), un contrôle du parlement renforcé, mais encore et surtout l'adoption du “one in, one out” : chaque nouveau texte voté dans un domaine entraîne l'abrogation des textes antérieurs.
Histoire de mettre fin à ces "lois inutiles (qui) affaiblissent les lois nécessaires".

iorior
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Re: Des lois avec une date limite de validité

Messagepar iorior » ven. 01 juin 2012, 23:25

Merci Nunya pour ce message intéressant.
Attention, il serait dommage d'étendre le principe de sécurité juridique jusqu'à le transformer en un principe de conservatisme politique. Ne rien changer, c'est un drôle de moyen d'assurer la sécurité juridique. Cela ne suffirait d'ailleurs pas, puisque dans un trop grand nombre de domaines, la législation actuelle n'est pas suffisament compréhensible et cohérente pour assurer la sécurité.
La loghorrée législative n'empeche pas la loi d'être en retard sur la société. La loi est tellement bavarde qu'elle ne donne pas de solutions.

D'ailleurs je suis résolument opposé à une constitution trop figée (c'est toujours de la partie "organisation des pouvoirs publics" dont on parle). Cela ne favorise pas du tout une solidité des institutions républicaines. Bien au contraire, les révolutions et les coups d'Etat naissent souvent de l'absence de réformes, dans une société "bloquée"...

Il faut reconnaitre que la péremption totale dans tous les domaines poserait des problèmes pratiques dus au travail de renouvellement (je suis moins convaincu par la menace de l'électoralisme et de la démagogie qui existe de toute façon). Cela me coûterait cependant de renoncer à cet idéal. Un principe de réexamen serait déjà une bonne chose.
Je vois tout à fait d'un bon oeil vos propositions de nombre limité de lois (konwald), ou agence indépendante sur le modèle néerlandais et "one in, one out" (Nunya). Avec une revérification OBLIGATOIRE, des études d'impact...
Attention cependant aux rapports d'experts que personne ne lit, aux commissions qui servent à donner des emplois fictifs ou quasi-fictif. (Ah! "L'expertise" à 5400 €/mois d'un de nos adversaires dans la circonscription où je suis suppléant.) 
Le réexamen doit être un réexamen démocratique, c'est une nécessité du contrat social. Il n'est pas normal de devoir faire une action positive (faire une nouvelle loi), pour refuser une loi qu'on a pas voté soi-même, mais ses ancêtres. (A bas l'ancestrocratie ! ;) j'y reviens même si c'est plus un problème abstrait de théorie politique que de droit).
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