Ahoy,
en relisant les échanges précédents de la liste de diffusion, j'ai l'impression
qu'une majorité d'avis s'accordent à dire : « okay, on a débattu de la
polémique, on a produit un addendum, maintenant passons à d'autres choses plus
constructives ».
J'attire votre attention sur la réalité actuelle du problème : le communiqué
d'origine existe toujours en l'état, avec l'ajout d'un encart explicatif qui
surenchérit, et devient de facto une nouvelle antenne à polémiques.
Ce communiqué est publié sur le blog dans le but d'y rester, d'être lu dans les
jours, semaines, mois et années à venir : c'est la finalité primordiale du blog
par rapport à d'autres médias volatils.
Or nous sommes en pleine mobilisation pour notre première grande campagne
électorale, nous levons l'ancre pour nous aventurer hors de notre cocon
confidentiel, et se frotter, avec la jeunesse de nos idées et de nos candidats,
à d'autres formations politiques usées, mais entraînées à l'exercice politicien,
qui se feront un malin plaisir à exploiter et à médiatiser la faille ainsi
offerte.
Si l'on souhaite que la politique, au sens noble, ne soit pas dévoyée par la
mesquinerie politicienne, ne lui prêtons pas le flanc bêtement :(
J'en appelle à la sagesse et à la responsabilité de tous ceux et celles qui
croient au succès des idées pirates : un clou est planté dans notre plante,
« patchons » afin d'éviter qu'à l'avenir la plaie ne s'infecte davantage, que ce
soit la semaine prochaine, dans un mois, ou dans un an.
Voulons-nous vraiment que le Parti Pirate puisse être vilipendé comme le parti
qui envoie un message de condoléances aux proches d'un tueur d'enfants présumé ?
Sur le fond de l'argumentation derrière la formulation hasardeuse :
Des pirates font communément profession d'un attachement humaniste et
universaliste à la vie humaine, à son émancipation individuelle, refusant la
peine de mort et la dérive autoritaire d'une violence d'État.
Mais comment arrive-t-on au concept scabreux d'« égalité de la valeur d'une
mort, quels qu’aient été les agissements du défunt » ? Cela relève d'un jugement
moral propre à chacun, de la liberté d'opinion ou de croyance individuelle ! Ce
n'est pas à un parti, et tout particulièrement au Parti Pirate, de prescrire un
tel impératif moral !
Être humaniste, c'est aussi veiller à ne pas offenser la douleur des victimes, à
ne pas l'amalgamer douteusement à un argumentaire politique.
Si l'on veut mettre l'accent sur l'éthique judiciaire selon laquelle le tueur
présumé aurait dû être — dans la mesure du possible — arrêté vivant et traduit
en justice, pourquoi pas, mais pas au détour d'une affirmation provocante venant
parasiter le solide argumentaire contre la proposition de Sarkozy de contrôler le Net ;
ni en prenant en otages les sentiments personnels des membres du PP.
J'ai toujours promu le PP et ses idées en étant fier d'en parler avec ma famille
et mes amis, au-delà de mes « pairs ». Mais depuis la semaine dernière, j'aurai
honte si ceux-ci lisent une telle déclaration officielle du PP, comparant
l'incomparable et disant l'indicible, affirmant que les conditions de la mort de
Merah sont aussi tragiques que l'exécution d'une enfant — le summum de
l'inhumanité à mes yeux.
Je me permets de donner mon opinion toute personnelle sur l'affaire Merah,
pourtant beaucoup trop récente pour en connaître tous les tenants et
aboutissants : si Merah a été exécutée, c'est sans doute en raison de l'agenda
politique de Guéant et Sarkozy, qui aura poussé à l'affrontement violent, au
lieu d'un long dénouement « pacifique » par épuisement ; mais il était aussi, ne
l'oublions pas, un forcené suicidaire : il a volontairement provoqué sa mort,
après avoir blessé cinq policiers du RAID — que notre communiqué, dans sa
volonté incongrue de n'oublier aucun chagrin, a pourtant oubliés de citer.
L'animation du compte twitter @partipirate m'aura appris que lorsqu'on
communique publiquement, on est tributaire d'un contexte ambiant. On se doit de
veiller à une certaine humilité, à une « common decency » de bon sens, et à une
ouverture vers le monde autre que le nôtre pétri de convictions ; de baser nos
réflexions et paroles sur des faits tangibles, et d'être à l'écoute des
critiques, fussent-elles instinctives ou non argumentées.
L'humain est doué de raison, mais aussi d'un coeur, c'est la dichotomie qui fait
le sel de la relation humaine, et préside aux destinées de notre société. Sans
passion personnelle pour seconder la conscience citoyenne, la solidarité et
l'engagement civique que nous pronons seraient alors inexistants.
Bref, il me paraît indécent, voire dangereux, d'imposer une conception rigoriste
et jusqu'au-boutiste de nos idées, tout particulièrement dans un domaine
sensible, subjectif, et privé.
Nos sympathisants, candidats et porte-paroles doivent êtres libres de porter
fièrement leurs convictions sans avoir à traîner un boulet potentiellement très
pesant.
Dans le sillage du vaisseau allemand, le Parti Pirate français a le potentiel de
créer la surprise, de faire connaître ses engagements fondamentaux et ses
propositions pragmatiques pour le renouvellement de la démocratie.
Nous sommes un collectif et une communauté grandissants, en passe de passer du
stade de « groupuscule » à celui d'une formation politique ouverte et innovante.
N'hypothéquons pas tout le travail collectif accompli jusqu'à présent, dont
celui des rédacteurs eux-mêmes.
Les petites phrases maladroites ne pardonnent jamais en politique : le spectacle
médiatique nous en montre tous les jours des exemples cocasses, ou funestes.
Abandonner le communiqué en l'état nous placerait une épée de Damoclès sur la
tête. (Et c'est bien connu, le chapeau pirate a plus une fonction de franche
fanfaronnade que de protection efficace...)
Nous faisons tous des erreurs personnelles, et même collectives en l'occurrence,
c'est intrinsèquement humain ; cela devient par contre irresponsable si nous
persévérons dans l'erreur pour des raisons qui perdraient de vue l'intérêt
général.
Je mets dans la boucle le CAP et le CN, pour solliciter l'avis respectif de
leurs membres, en les priant explicitement de faire la part des choses s'ils ont
aussi participé à la rédaction du communiqué.
Je propose que l'introduction du communiqué soit reformulée avec tact sur le
blog, en ajoutant par exemple une note informant de la mise à jour de l'article
pour cause d'éclaircissement. Et qu'on ouvre un débat public si d'aucuns
tiennent mordicus à assumer publiquement ces déclarations actuelles.
Merci d'avoir lu cette doléance solennelle jusqu'au bout, veuillez s'il vous
plaît prendre en considération que ma loquacité, ma gravité ou mes reproches
sont proportionnels à l'attachement que je porte au travail collectif accompli,
et à venir.
Merci aussi de prendre le temps de relire posément les déclarations qui posent
problème, afin de prendre, chacun, nos responsabilités au sein de la communauté
pirate :
Les membres du Parti Pirate réservent leur première pensée aux victimes des récents agissements atroces, à leurs familles et amis... ainsi qu'à la famille et aux proches de M. Merah, qui viennent de perdre un fils, un frère ou un ami dans des conditions non moins tragiques.
Addendum — La phrase qui précède nous semble mériter d’être expliquée, en rappelant la devise de la France : Liberté, Egalité, Fraternité. À ce titre, aucune mort ne vaut plus ou moins qu’aucune autre, quels qu’aient été les agissements du défunt. Tous les proches souffrent du même deuil, et le Parti Pirate regrette que le coupable des meurtres de Montauban et de Toulouse n'ait pu être capturé vivant afin d'être jugé. À présent, le Parti Pirate appelle au recueillement et à la dignité qui convient à toute période de deuil, ainsi qu'à l'apaisement et au rejet des amalgames.