merci encore pour vos contributions. Voici donc la synthèse des réponses que je compte donner lors de l'émission :
1. Qu'apportent de neuf les partis pirates alors que la pratique du hacking est plus ancienne
Le hack est d'abord une pratique technique.
(source, Frédéric ?)Le hacker, c’est un bidouilleur, un bricoleur, celui qui étudie et décortique un système pour en comprendre son fonctionnement puis utilise cette connaissance pour produire un système plus performant ou pour détourner son mode de fonctionnement afin de lui faire faire quelque chose de plus ou moins éloigné de son utilisation originale. Cette bonne idée, ce coup de génie diront certain est appelé un hack.
Elle s'apparente de très près à ce que Michel de Certeau qualifie comme relevant du "braconnage". Il y a à la fois la volonté de comprendre, de maîtriser, et de détourner. En un mot de s'"approprier" le dispositif technique. Et cela revêt une dimension politique évidente car le dispositif technique peut être un outil d'aliénation et d'oppression (c'est alors une boîte noire) ou bien de libération et d'autonomie individuelle. Ce serait très réducteur de dire que les Partis Pirates sont seulement des mouvement de hackers. Mais il est vrai qu'ils portent cette problématique du sens politique de la technique dans le débat public. C'est le sens de leur engagement pour le logiciel libre, l'utilisation de standards ouverts ou l'open data. C'est une exigence politique de transparence, de contrôle et d'autonomie portée au coeur des dispositifs techniques.
2. Les partis pirates dénoncent la domination de grands acteurs monopolistiques comme Facebook et Google, mais quelles sont les alternatives concrètes ? Est-ce qu'elles passent par des mesures législatives ? autres ? lesquelles ?
Nous vivons aujourd'hui dans un monde très inégalitaire. Les services commerciaux déployés sur Internet subissent ce qu'on appelle des "effets de réseau" qui renforcent mécaniquement la domination des acteurs dominants (nous utilisons tous Facebook non parce que c'est le meilleur service mais parce que tous nos amis s'y trouvent déjà). Il faut voir d'ailleurs que ces mouvements de concentration ne sont pas propres au numérique mais concernent tous les secteurs marchands : bancaire, du transport aérien, de l'industrie phramaceutique, de la publication scientifique ou de l'agrochimie. C'est un mouvement global, un des effets les plus puissants de la mondialisation. Nous pouvons tous être d'accord sur les effets délétères de cette situation aussi bien au niveau politique qu'économique (même les économistes les plus libéraux reconnaissent qu'une régulation étatique est nécessaire pour briser les monopoles qui mettent fin à la situation de concurrence qu'ils considèrent comme idéale). Il y a donc plusieurs moyens pour déserrer l'étau :
- renforcer les législations anti-monopole en particulier dans les domaines technologiques, alors que les dispositifs légaux au niveau national se révèlent largement insuffisant face à de grandes multinationales.
- développer des pratiques alternatives qui permettent d'équilibrer les marchés entre plusieurs services. Il existe des alternatives à Facebook (identi.ca, diaspora), à Twitter (status.net), à Google (Bing, DuckDuckgo, Exalead (champion national)), à Gmail (Zimbra), à MS Office (OpenOffice). D'ailleurs, certains pays résistent très bien aux effet de globalisation sur certains services : en Russie, le réseau social Badoo revendique 137 millions d'utilisateurs. Orkut est très utilisé en Inde et au Brésil, Rambler.ru en Russie.
- empêcher, parce que c'est aujourd'hui le danger le plus important, que les individus soient dépossédés de leur propres données par ces services en ligne qu'ils utilisent et que ceux-ci "verrouillent" les utilisateurs par les coûts de transaction prohibitifs qu'implique le fait de passer d'un opérateur à l'autre. Il faut que les utilisateurs puissent par exemple accéder à leurs propres données, les récupérer, les réinjecter chez un concurrent. On a quasiment réussi à l'imposer pour le téléphone, il faut le faire pour tous les services en ligne.
3. La protection de la vie privée est un thème important des partis pirates. Pourquoi ?
La protection des libertés civiles est un thème important des Partis Pirates. Cela inclut des libertés individuelles (dont le respect de la vie privée) mais également des libertés collectives, et nous appelons à ce que _toutes_ soient respectées, ici comme ailleurs. La généralisation des communications, notamment auprès des jeunes générations, et les comportements d’extimité auxquels elles peuvent donner lieu, ont pu laisser croire que la notion de vie privée s’érodait : il n’en est rien. Aujourd’hui plus que jamais, les personnes de tous âges et de tout milieu doivent avoir les moyens de contrôler la manière dont elles se présentent au monde, que ce soit dans la sphère publique, la sphère semi-privée ou la sphère privée. C’est là un enjeu majeur de la transition sociétale vers les communications numériques : ce qui nous fera choisir entre la technologie qui libère et la technologie qui asservit.
Les attentats du 11 septembre 2001 ont, dans la plupart des pays occidentaux, ouvert les vannes de trains de législation très dommageables aux libertés publiques. C'est le Patriot Act aux Etats-Unis, les lois LOPPSI en France. La réalité est que ces lois ont pris le prétexte d'objectifs indiscutables - protéger du terrorisme ou lutter contre la pédopornographie - pour enfreindre le respect légitime de la vie privée de citoyens (généralisation de la vidéosurveillance, croisement de fichiers de police contenant des données personnelles, pose de mouchards informatiques au domicile de personnes suspectes). Les multiples rebondissements de la mise en place des titres d'identité biométriques (avec la mise en place de fichiers centralisés, finalement censurés) ou de la constitution d'une "base élève" contenant des informations à caractère très personnelles en sont de bonnes illustrations. Et cela ne concerne pas seulement le numérique. Peu à peu, nous avons glissé dans une société ou le "surveiller et punir" de M. Foucault est devenu la règle. La vigilance des citoyens est endormie au prétexte que "nous sommes en démocratie". Mais la démocratie ne se résume pas à l'organisation tous les cinq ans d'élections libres. Elle se vérifie ou s'invalide tous les jours par le respect des libertés civiles, parmi lesquelles la protection de la vie privée est des plus importantes.
4. Le Parti Pirate défend la "légalisation du partage des données" (j'ai rectifié : "légalisation du partage non-marchand des oeuvres culturelles"). Mais alors comment financer les créateurs ?
Il faut d'abord que la "juste rémunération des auteurs" cesse d'être le petit doigt derrière lequel tout le secteur des industries culturelles (producteurs, éditeurs, sociétés de perception de droits) cache la défense de ses intérêts commerciaux. Aujourd'hui, que ce soit dans le domaine de l'écriture ou de la pratique musicale, seule une infime minorité d'auteurs peuvent vivre de leur pratique artistique. Alors on peut bien parler des 5% d'auteurs qui sont concernés, mais il est difficile de réguler tout un secteur au nom de cette toute petit minorité. Que représente cette revendication d'un..... (argh, pas le temps de finir). Je le ferai après l'émission.
5. Est-ce que l'objectif du Parti Pirate français lors des prochaines échéances électorales est de faire aussi bien que ses cousins allemands ?
6. A propos des pirates allemands, un des derniers responsables du PP-de n'est pas un informaticien mais un fonctionnaire du ministère de la Défense. Est-ce compatible avec l'ADN du Parti Pirate ?