JP Bigot a écrit :Je suis un peu bleuffé de votre réactivité... de votre intérêt... et de vos observations.
C'est la magie du travail collaboratif asynchrone à distance ;)
Comme vous avez pu le découvrir, il s'agit ici de nos forums de travail. Le ton y est volontairement… direct… afin d'éviter toute ambiguïté. Les (mauvaises) critiques ne sont pas du tout personnelles, mais simplement des ressentis exprimés de façon plus ou moins construite, selon le temps disponible et la motivation de chacun.
JP Bigot a écrit :Maintenant, la question de fond. La justice n'est pas pertinente pour des délits de cybercriminalité, cad la grande masse des phishing, des loteries bidon, des nigérianes, des ventes de contrefaçon de médicaments ou de produits de luxe, etc... Ils sont inaccessibles et sourds aux injonctions. Pourquoi aller devant un juge pour cela ? L'autorité devrait être dotée d'une certaine autonomie pour pouvoir agir. C'est pareil pour aider des victimes d'images dégradantes, il faut pouvoir agir vite.
Préconiser l'obligation d'une décision judiciaire dans ce domaine, c'est équivalent à ne rien faire contre la cybercriminalité.
À mon sens, la justice est tout à fait compétente pour ce genre de choses : elle n'a simplement pas les moyens de mettre en œuvre ce que lui demande le législateur. Ainsi, l'argent servant à financer la HAN pourrait être utilisé pour faire fonctionner une structure interne à la justice, spécialisée dans les questions « quotidiennes » (c'est à dire qui exclu le grand banditisme et l'international) du numérique. L'indépendance d'une haute autorité pour faire ce travail ne me semble pas la meilleure solution pour simplifier les étapes. En effet, il faudrait alors gérer les aller-retours entre la HAN et la justice (contestation, appel, procédure au civil, arrangement à l'amiable, etc).
La justice peut-être très rapide, si on lui donne les moyens nécessaires. Nullement besoin d'une structure indépendante pour cela.
JP Bigot a écrit :Concernant les "administrations qui travaillent dans leur coin"..
Je pense en effet que la régulation d'internet est dispersée, et que cette dispersion fait courir des risques, et est inefficace. Des risques car chaque administration aurait sa propre interprétation du droit..
Effectivement, le problème des interprétations et jurisprudences en contradiction est un réel problème que le rassemblement des entités actuelles permettrait de résoudre.
JP Bigot a écrit :D'une façon plus générale, le débat se cristallise sur la question sensible du blocage.
Les parlementaires sont en train d'évoluer lentement sur cette question : à force d'explications et de « nez dans le caca », ils se rendent compte qu'il est impossible techniquement de mettre en œuvre certaines idées. Souvenons-nous de la remarques des informaticiens : « Le net traite la censure comme un incident, et met en place des chemins de contournement ».
La portée de la justice française est aussi toute relative sur le net, qui est fondamentalement transnational et anational.
Imaginons la situation suivante : un auteur finlandais, vivant en Afrique du Sud, publie sur un site d'une entreprise canadienne un article diffamant un homme politique français au regard de la loi française. L'entreprise a ses serveurs informatique en Chine pour des raisons de coûts, avec des miroirs de cache en Australie et en Argentine. Question : que peut faire le juge français dans cette situation, pour faire appliquer la loi française ? Même question si l'auteur est français.
Quand on se pense sur les scénarios d'usages, chose que refusent encore actuellement les députés, on s'aperçoit qu'il est impossible de légiférer pour internet comme pour le territoire français. La raison principale est l'incapacité de la police à faire appliquer la loi : on se retrouve donc avec des lois inapplicables, non appliquées, qui provoquent des engorgements de la justice qui doit cependant les traiter.
À mon sens, le problème du blocage n'est pas juridique mais politique : il faut accepter qu'on ne peut pas réutiliser pour internet les méthodes actuelles héritées de Napoléon.
Aussi, sincèrement, je pense que citer en exemple la CNIL et le CSA pour appuyer la création de la HAN est une Mauvaise Idée : ces entités ont révélé à l'usage bien trop de faiblesses dans leur indépendance et leur capacité d'action, et ce à cause justement des pressions des gouvernements successifs.