Polo a écrit :J'aimerai nuancer quelque peu ces propos. S'il est indéniable que les grandes multinationales abusent souvent de leur position dominante, il convient néanmoins de préciser que la protection des droits sur la propriété intellectuel peut servir à amortir les coûts en Recherche&Développement.
Ce que tu dis paraît raisonnable, un peu comme quand on regarde autour de nous et que l'idée que la terre soit plate paraît raisonnable. Par contre, quand on creuse un peu, on s'aperçoit qu'il y a des secteurs qui n'ont aucune «?protection?» et qu'elles se portent très bien. Au hasard, il n'y a aucune «?protection?» pour les recettes de cuisine, ce qui n'a jamais provoqué de faillite de chaîne de restaurants et les bouquins de recettes se vendent comme jamais. Idem pour tout ce qui est mode. Devine quoi, certains essayent d'introduire le droit d'auteur dans la mode en expliquant qu'il faudrait rentabiliser les investissements, ce qui risque de faire énormément de mal à ce secteur.
L'idée est développée de façon intéressante par Johanna Blakley, chiffres à l'appui en comparant avec les secteurs qui sont «?protégés?», dans
une courte vidéo de 15 minutes sous-titrée en français. Si tu es versé dans la lecture, il y a
Un mode sans copyright et sans monopole qui décortique les aspects économiques.
Résumé?? Contrairement à ce qu'on peut penser au premier abord, ces restrictions
nuisent à la créativité et à la création de richesses.
Par exemple, une entreprise naissante qui, après avoir massivement investit lance une grande nouveauté (médicaments, OS, appli, etc...) , doit je pense pouvoir protéger un minimum sa création afin de garantir un gain qui lui rembourserait ses investissements.
Le seul problème, c'est qu'en réalité les brevets servent précisément à exclure les entreprises naissantes d'un marché, pas à les aider. D'abord, le dépôt d'un brevet est loin d'être donné, ensuite, une éventuelle invalidation, elle, n'est donnée qu'à Crésus. Donc les gros en déposent bien plus. Si tu es petit et que tu as un brevet, le gros va en sortir dix (valables ou pas, ce n'est pas la question) pour t'expliquer que niveau concours de bites, tu n'as aucune chance et que c'est ici la caisse. Si tu veux quand-même jouer, tu feras faillite à cause des frais de justice bien avant que le tribunal puisse trancher.
Bill Gates lui-même avait dit que si les brevets logiciels avaient existé au début de Micromou, celle-ci n'aurait jamais pu devenir la mastodonte qu'elle est. Et c'est précisément Micromou qui attaque aujourd'hui Android avec des brevets bidons pour essayer de zigouiller un concurrent. Dans un autre registre, ceux qui font du lobbying pour ACTA aujourd'hui, autrement dit les majors du cinéma, étaient des pirates qui avaient fui vers la côte ouest américaine pour échapper aux brevets d'Edison. Une fois qu'ils sont devenus dominants leur intérêt a changé et aujourd'hui ils sont à fond pour tout cette «?propriété intellectuelle?» qu'ils fuyaient comme des dératés à leur début. Donc non, ce n'est certainement pas les petits que les brevets aident, ils visent à figer la situation dans l'intérêt des boîtes établies.
Je pense donc qu'il ne faudrait pas totalement dénigrer les brevets, juste encadrer strictement et éventuellement y mettre un terme au bout de x bénéfice, afin d'éviter des situation de marché monopolistiques que nous connaissont bien.
Aujourd'hui, ces restrictions sont néfastes. Dans certains secteurs, et sous certaines conditions, elles pourraient être utiles (je pense aux labos qui développent des molécules), mais il faut cesser de les considérer comme quelque chose de normal. Il doit s'agir d'une exception.
Les brevets sur des oeuvres culturelles, en particulier ceux concernant l'oeuvre d'un artiste décédé, nous sommes d'accord, sont illégitimes et doivent être repensés.
Il n'y a pas de brevets sur les œuvres culturelles, là, pour essayer d'établir un monopole, c'est le droit d'auteur qui va entrer en scène. Je sais que ce n'est qu'un abus de langage, mais c'est précisément le problème avec une expression comme «?propriété intellectuelle?» qui mélange, exprès, droit d'auteur, marques déposées et brevets.
Le but étant d'établir un monopole artificiel sur des biens non rivaux qu'on pourrait pourtant reproduire à l'infini pour un coût virtuellement nul, pour essayer de reproduire un environnement analogue à des biens rivaux, autrement dit d'essayer de reproduire un contexte d'économie de la rareté dans une économie d'abondance. En gros, essayer d'imposer l'idée qu'on pourrait posséder une idée comme on possède un pot de yaourt. Le hic, c'est que c'est juste absurde. Un peu comme l'argument de l'industrie du disque qui nous répète que la musique leur appartient, que si elle est accessible gratuitement, personne ne payera pour?; alors que si Volvic expliquait qu'il faudrait interdire les robinets pour forcer les gens à payer pour de l'eau en bouteille, on rigolerait comme des baleines.
Donc il faudrait soit préciser ce dont on parle (droit d'auteur, marque déposée, brevets), soit, au pire, utiliser l'expression «?propriété intellectuelle?» entre guillemets pour ne pas oublier sa faille fondamentale. La FSF
a une critique un peu différente mais bien mieux ficelée contre cette expression et AMHA, elle vaut le détour.